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Loi: l’avortement doit-il être totalement dépénalisé ?

30 octobre 2022, 18:06

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Loi: l’avortement doit-il être totalement dépénalisé ?

Un gynécologue radié récemment pour l’avortement d’une femme qui ne souhaitait pas d’enfant et l’abandon par une mère toxicomane du nourrisson dans un état critique à l’hôpital SSRN, font resurgir le débat sur l’avortement. Une femme qui ne souhaite pas mettre un enfant au monde mérite-t-elle d’être punie ? Doit-on revoir la législation sur l’avortement ?

En 2012, le Code pénal a été amendé, permettant une interruption volontaire de la grossesse (IVG) à moins de 14 semaines de gestation, dans certains cas spécifiques. Ces cas sont : grossesse à risque pour la femme enceinte ; viol, inceste ou relation sexuelle avec mineur ; ou si le fœtus risque une malformation ou une anormalité physique ou mentale qui l’affectera toute sa vie.

Cependant, pour que cela se fasse, il faut l’aval d’un comité de spécialistes et gynécologues du ministère de la Santé.

Chaque année, les cas d’avortement clandestins et d’abandon d’enfants à la naissance sont très élevés. Selon un gynécologue qui exerce dans le privé et le public, tous les ans, au moins 10 femmes et jeunes filles, la plupart des mineures, sont admises à l’hôpital ou en clinique à la suite d’un avortement «maison» par remèdes de grand-mère ou autres pratiques très dangereuses qui aurait pu leur être fatal.

«Beaucoup de femmes et de jeunes filles qui se retrouvent enceintes ne veulent pas forcement devenir mère.C’est un choix personnel que beaucoup ne comprendront pas mais c’est bien réel. Ce qui est désolant, c’est que malheureusement, ces femmes se tournent souvent vers des pratiques dangereuses faute de pouvoir le faire légalement.»

En effet, si les femmes ne passent pas par ledit comité et si elles ne font pas partie des cas spécifiques susmentionnés, elles commettent un délit. En tenant compte du nombre d’abandons et d’avortements clandestins, ne serait-il pas nécessaire de revoir la législation pour dépénaliser l’avortement ?

Pour la présidente de Raise Brave Girls, Prisheela Mottee, la loi doit absolument être révisée et les femmes autorisées à opter pour l’avortement sans aucune condition prédéfinie, comme dans la législation actuelle. «Selon Human Rights Watch, les droits reproductifs sont des droits humains, y compris le droit à l’avortement. Les États ont l’obligation de fournir aux femmes, aux filles et aux autres personnes enceintes un accès à un avortement sûr et légal dans le cadre de leurs responsabilités fondamentales en matière de droits humains», indique cette dernière.

C’est important, soutientelle, car les restrictions légales sur l’avortement entraînent souvent davantage d’avortements illégaux, qui peuvent être dangereux et conduire à une mortalité et une morbidité maternelles plus élevées. «Par conséquent, le manque d’accès à un avortement sûr et légal met la vie des femmes enceintes en danger. Nous devons donc peser la complexité et le danger du problème de l’avortement.»

Des propos que soutiennent Lindsey Collen, fondatrice du Muvman Liberasyon Fam et écrivaine. «Enn fam na pa kav epanouir li si li pa kapav desider si li anvi kontign enn groses ou pa. Lapolis pa sipoze rant dan zafer ki enn fam desid pou fer avek so lekor. Kan lavortman enn krim li vinn enn danger pou fam. Car il n’y a pas de cadre légal de qui peut le faire», ajoute cette dernière.

En tant qu’avocate et députée, Joanna Bérenger affirme pour sa part que chaque femme devrait avoir le droit de décider de ce qui est bon ou pas pour elle. «Ce qui inclut de pouvoir décider de ce qu’elle veut faire avec son corps. La loi sur l’avortement, sous sa forme actuelle, renforce les inégalités et rend les femmes plus vulnérables face à une éventuelle grossesse non désirée. Il faudrait changer la loi pour que l’intérêt de la femme, et par conséquent de l’enfant, puisse primer.»

Est-ce que cela deviendra une réalité un jour ? «Mo pa trouv sa pe vini biento», révèle Danisha Sornum, avocate spécialisée en droits humains et victimologie. Selon elle, ce ne sera pas le cas «car nous vivons toujours dans une société patriarcale et qui subit énormément de pressions religieuses et dans laquelle malheureusement la majorité de nos décisionnaires sont des hommes qui ne comprennent pas grand-chose à la réalité des femmes».

Pour nos interlocutrices, les femmes sont les plus grandes perdantes car la loi actuelle ne leur permet pas d’avoir le choix. Dans certains cas «bien tordus», comme nous le révèle l’avocate, il y a aussi des femmes qui ont été violées qui n’ont pu se faire avorter par manque de preuves ou autres; lorsque leur viol n’est pas prouvé en cour, elles peuvent être poursuivies pour l’avortement commis.