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Manif pour Kistnen: une participation en deçà des attentes
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Manif pour Kistnen: une participation en deçà des attentes
L’affaire Kistnen provoque-t-elle plus de peur que d’indignation ? Pourquoi les Mauriciens étaient-ils en plus grand nombre en 2020 qu’en 2022 ? Il y a plusieurs explications.
Si les citoyens s’étaient tant mobilisés en 2020 et moins samedi, était-ce juste pour crier leur indignation sur la façon dont l’échouage du Wakashio a été géré par le gouvernement ? Percy Yip Tong, aussi très actif pour l’environnement, est d’accord mais ce n’est qu’une partie de l’explication. «Le naufrage du Wakashio a été l’élément déclencheur d’un ras-le-bol déjà existant. C’est avec colère que la population a appris que les autorités ont pris 12 jours pour réagir et n’ont rien fait pour immobiliser le navire, le laissant ballotter et se briser.» Pourquoi l’affaire Kistnen n’a-t-elle pas attiré autant de citoyens samedi ? «C’est un sujet extrêmement grave, un assassinat avec tentative de cover-up en suicide. Mais beaucoup de citoyens ont peur de manifester contre le gouvernement après avoir appris comment, justement, les institutions, notamment la police, ont été instrumentalisées dans l’affaire Kistnen.»
Percy Yip Tong est d’avis cependant que l’explication de la faible participation de samedi se trouve aussi ailleurs. «Après la division parmi les parlementaires de l’opposition, voici l’opposition extraparlementaire divisée. Le départ du Linion Pep Morisien de Bruneau, très populaire, et les rumeurs de rapprochement avec le Parti travailliste auront semé le doute parmi ses partisans.» Et les attaques de Bruneau Laurette contre l’entente de l’Espoir ? «C’est certain que cela n’a pas plu, d’où l’annonce de l’Espoir de ne pas participer à la manif.»
Percy Yip Tong rappelle la réussite de la mobilisation de février 2021. «Tous les partis de l’opposition étaient ensemble.» Il revient sur les tentatives infructueuses d’organiser une manif dans le sillage du sniffing et des tortures policières. «C’est comme cela quand on laisse le soin d’organiser aux partis traditionnels. La population est désabusée devant ces susceptibilités et ces ego. Toutefois, c’est la qualité plus que la quantité des Mauriciens présents qui compte.»
Ne pas juger le mécontentement par le nombre
Raj Ramlugun, observateur politique, ne comprend pas que Paul Bérenger soit en colère contre Bruneau Laurette. «N’at-il pas le droit de critiquer l’opposition parlementaire, surtout concernant le loudspeaker, le sniffing et les tortures policières ?» Il est d’avis, comme Percy Yip Tong, que ce n’est pas vraiment la protection de l’environnement qui avait rassemblé ces dizaines de milliers de Mauriciens à Port-Louis et à Mahébourg en 2020. Pour lui, si l’on n’a pas pu réunir autant de personnes samedi, «même si c’est la première fois que j’ai vu des citoyens nettoyer les lieux avant de partir, c’est parce que les Mauriciens sont devenus fatalistes et cyniques. S’ils sont d’accord que ce gouvernement, dirigé par une clique, doit partir, ils le sont moins sur l’identité de son remplaçant. Cela apporte malheureusement de l’eau au moulin à la propagande du gouvernement.» Les Mauriciens sont-ils effrayés en apprenant les dessous de l’affaire Kistnen ? «Sans aucun doute. Mais la majorité silencieuse saura faire son choix lors des élections. Il ne faut pas juger le mécontentement par le nombre de manifestants.»
Désordre dans l’esprit
Faizal Jeerooburkhan est du même avis sur ce point. Tout en soulignant que l’électorat travailliste n’a pas coutume de descendre dans la rue pour défendre une cause citoyenne, «contrairement aux partisans du MMM et du PMSD. Malheureusement, comme leurs leaders ont annoncé qu’ils ne participeront pas, ils ont suivi le mot d’ordre». Les dissensions au sein de l’opposition «ont d’ailleurs causé un désordre terrible dans l’esprit des citoyens». Donne-t-il raison à Paul Bérenger qui s’en est pris à Bruneau Laurette, accusé de critiquer l’entente de l’Espoir ? «Non, tout le monde a le droit de critiquer qui il veut, à condition que ce soient des critiques constructives et civilisées.»
Faizal Jeerooburkhan reconnaît lui aussi que l’affaire Kistnen est beaucoup plus grave que le Wakashio et que si la population n’a pas participé massivement, c’est «parce qu’elle a peur de la brutalité policière, des arrestations arbitraires et de la surveillance, surtout si le citoyen travaille dans le secteur public. On préfère suivre de loin, sur les réseaux sociaux.» On n’a pas eu cette frayeur en 2020, non ? «On portait le masque !» Cependant, la raison principale de cette moindre mobilisation «est la présence de certains politiciens qui ont un lourd passé».
Et l’environnement ? «Les Mauriciens en sont de plus en plus conscients, mais ce sujet n’était pas à l’agenda samedi. S’il y avait une foule immense en 2020, c’était surtout l’occasion de dire non à la politique générale du gouvernement.» Enfin, Faizal Jeerooburkhan reconnaît que la population semble s’être résignée à l’idée que l’on ne pourra rien changer, vu que le gouvernement ne montre aucun signe d’être à son écoute. «On n’écoute que les conseillers.»
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