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Réhabilitation des toxicomanes: risque de saturation des centres
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Réhabilitation des toxicomanes: risque de saturation des centres
Le «Dangerous Drugs (Amendment) Bill» a été présenté à l’Assemblée nationale jeudi. Les personnes trouvées en possession de drogue pour usage personnel seront canalisées vers la réhabilitation au lieu de la détention. Ceci interpelle les responsables de centres de désintoxication sur une possible saturation de services. La réussite de la réinsertion de ces consommateurs qui n’y adhèrent pas de leur propre chef fait aussi débat.
Très attendu, le Dangerous Drugs (Amendment) Bill instaurera bientôt une politique moins répressive pour les consommateurs retrouvés en possession de drogue destinée à l’usage personnel. Ils seront orientés vers la réhabilitation après passage devant le Drug Users Administrative Panel (DUAP). Une option préoccupant opérateurs de centres de désintoxication et travailleurs sociaux.
«Il est impératif de renforcer la formation, recruter plus d’effectifs et financer d’autres centres de réhabilitation. Ces établissements recevront plus de personnes avec les nouvelles dispositions légales. D’ailleurs, après le Covid-19, il y avait une affluence des demandes pour la désintoxication. Bien sûr, nous risquons d’être encore plus débordés pour ces services de réhabilitation», explique Dany Philippe, chargé de prévention et de plaidoyer de Développement Rassemblement Prévention Information (DRIP).
José Ah-Choon, responsable du centre d’accueil de Terre-Rouge, concède la «foule de personnes toxicomanes frappant déjà aux portes de l’établissement». Par année, une centaine de Mauriciens majeurs y suivent un programme résidentiel. Hélas, davantage de jeunes deviennent dépendants aux drogues et demandent à intégrer l’établissement. Ceux-ci sont motivés à décrocher de leur addiction. «Maintenant, avec la nouvelle structure juridique, les consommateurs de drogues seront contraints de recourir à un programme qui, probablement, ne marchera pas puisque cela ne vient pas de leur propre initiative», estime-t-il.
Dany Philippe remet aussi en question le succès de la réhabilitation si ces pratiques de consommation ont la dent dure. «Dans le passé, certains toxicomanes adhéraient à des programmes communautaires, mais ont ensuite repris leur consommation. Aussi, le DUAP doit être pourvu de professionnels, comme travailleurs sociaux, médecins spécialisés.» Il est interpellé par le cas de ceux consommant des stupéfiants pour la première fois. «Va-t-on les contraindre à la réhabilitation ? Une amende ne serait-elle pas plus appropriée, sans incidence sur le certificat de caractère ?» se demande-t-il.
D’ailleurs, José Ah-Choon soutient que la concertation avec les acteurs de la réhabilitation aurait dû être effectuée avant la structuration juridique sur ces aspects pratiques. «Là, on sera mis au pied du mur. Définitivement, il y aura un overflow des centres de réhabilitation. Que se passera-t-il si les adhérents au programme n’en respectent pas les conditions ? On ne le sait pas. Je suis là pour aider mais de la manière dont les choses évoluent, je crains le revers de la médaille.» Davantage de centres dédiés à la désintoxication avec des professionnels qualifiés doivent être mis sur pied. Il observe un manque de suivi des unités destinées uniquement aux traitements. «La drogue est un combat à vie qui nécessite un accompagnement assidu pour que le consommateur soit vraiment réhabilité.»
Georgette Talary, directrice du centre Chrysalide, qui encadre environ 45 femmes annuellement pour la réhabilitation en résidentiel, espère que les nouveaux règlements apporteront plus de ressources dans ce combat. Beaucoup de Mauriciennes, inscrites à ce programme, sont en dessous des 30 ans, ce qui traduit un rajeunissement. «Rien n’est finalisé. Le consommateur ne sera pas automatiquement envoyé dans un centre résidentiel mais aura le choix entre ce type d’instance ou une unité d’addictologie à l’hôpital par exemple.» Elle cite l’institution de la salle Orchidée destinée aux femmes à l’hôpital Brown-Séquard en résidentiel pour dix jours. «Les médecins nous ont invités à les suivre. Ainsi elles auront cet encadrement mais le choix leur appartient. On doit avancer graduellement avec la mise en application des nouvelles lois.»
Délits de drogue : 78,3 % de hausse chez les personnes poursuivies
Selon Statistics Mauritius, en 2021, 2 964 personnes avaient été poursuivies pour des délits de drogue contre 1 662 en 2020. Ceci implique une augmentation de 78,3 %. Hausse également pour les condamnations y relatives. Ainsi, en 2021, ce nombre était de 1 817 contre 1 574 en 2020, soit avec une croissance de 15,4 %. L’an dernier, 4 826 délits de drogue étaient recensés, alors qu’en 2020, ce chiffre était de 5 268. Notons qu’environ 45,9 % de ces offenses concernaient le cannabis, 26,3 % ; l’héroïne, 22 % ; la drogue synthétique, 3,5 % ; la méthadone, le haschisch entre autres types de drogues et 2,3 % ; les sédatifs et tranquillisants.
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