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«Shelters»: Négligences et copinage au détriment des enfants

1 novembre 2022, 18:00

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«Shelters»: Négligences et copinage au détriment des enfants

Les langues se délient après les drames au shelter l’Oiseau du Paradis. Selon les dernières nouvelles qui nous sont parvenues, la petite S. est toujours admise à l’unité des soins intensifs néonatals à l’hôpital du Nord. Et le jour de son admission à l’hôpital, le 22 octobre, un deuxième bébé a dû y être transporté un peu plus tard. Le petit J., né le 29 septembre, avait eu la gastro en même temps que S. Son état de santé inspire de vives inquiétudes car il ne semble pas guérir.

Les quatre assistantes qui étaient de garde dans le premier cas et qui sont toujours de service n’avaient obtenu comme formation qu’un certificat de présence après une session. Donc, pas vraiment qualifiées, comme le dit Kalpana Koonjoo-Shah, ministre de l’Égalité des genres et du bien-être de la famille (voir ci-contre). De plus, d’après l’«OB» du shelter, ce n’était pas la nurse de l’hôpital qui devait venir au Relay centre mais une autre. Pourquoi ? On l’aurait favorisée pour qu’elle obtienne des heures supplémentaires.

Une ancienne haut fonctionnaire se rappelle comment ce shelter de Cap-Malheureux a été repris par le ministère en raison d’une très mauvaise gestion par la fondation précédente. «C’est pourquoi le ministère en a pris le contrôle mais en convertissant l’abri en un relay centre qui ne doit pas garder un enfant plus de 15 jours. Or, visiblement, les séjours se comptent parfois en mois pour certains enfants.» Notre interlocutrice est révoltée par le fait que l’hôpital ait choisi d’envoyer la fillette au shelter malgré son état critique pour ensuite la reprendre le lendemain matin. «Je me souviens du cas de cet enfant que la CDU avait ‘oublié’ à l’hôpital. Pour cette fillette, on a été pressé de l’envoyer au shelter».

Elle pointe un doigt accusateur vers le NCC et vers la ministre Koonjoo-Shah. «Le shelter de Cap-Malheureux est géré directement par le NCC, contrairement aux shelters privés. Le NCC, même sil est un corps paraétatique, tombe à son tour sous la tutelle de la ministre Kalpana Koonjoo-Shah. Qu’elle ne vienne pas jeter le blâme sur le NCC comme si elle n’est pas concernée. Qu’elle ne vienne pas blâmer la maman de la fillette car c’est son ministère qui a pris l’enfant en charge.»

La ministre est de plus entièrement responsable de la surveillance de tous les shelters du pays, poursuit-elle. «Au ministère du Bien-être de la famille, il existe, sous le département Planning and Research», une section Monitoring and Supervision dont les enforcement officers ont le devoir de visiter régulièrement les shelters et de faire un rapport. Rapport qui est transmis à un coordinateur. Que fait-on de ces rapports ? Et combien de visites ont été effectuées aux shelters ?

Plus grave encore : «Est-ce que ces enforcement officers et le coordinateur se montreront aussi neutres lorsqu’ils doivent faire un rapport sur un shelter tombant directement sous le contrôle du ministère comme l’Oiseau du Paradis ? Blâmeront-ils leurs propres collègues du ministère ?» L’ancienne haut fonctionnaire se demande aussi si le Fact-Finding Committee (FFC) proposé et composé de fonctionnaires sera intraitable envers le personnel de ce shelter et indirectement envers le ministère ?

On nous fait part aussi de graves allégations contenues dans des lettres anonymes adressées, entre autres, à l’ICAC, où un haut fonctionnaire est accusé de recevoir des cadeaux de certains shelters privés. On parle de sa proximité avec une haute personnalité de l’État.

Une volontaire très active dans l’aide aux enfants raconte comment un shelter des basses Plaines-Wilhems est à l’abandon. Il comptait 43 enfants, au lieu des 25 autorisés. «On projetait d’en construire un deuxième, mais après avoir aidé pour cette construction, on a appris que le premier shelter a fermé avec raison et que le deuxième n’a pas encore obtenu le permis pour opérer. Où sont passés ces enfants que nous voulons aider ?» Elle reconnaît que la CDU doit être discrète au sujet de l’adresse des enfants qu’elle veut garder loin des parents abusifs ou négligents. «Mais j’ai l’impression que ce secret est utilisé pour d’autres raisons, pour que l’on ne sache pas le sort des enfants.»

Et que dire de ce shelter de Port-Louis avec des lits défoncés, des matelas remplis de punaises, des vitres cassées ? «Le responsable de ce shelter n’a manifestement pas les épaules pour le diriger.» Cette volontaire rappelle que le gouvernement met fin aux subventions dès que l’enfant devient majeur. «Pour ceux qui overstay aux shelters, il faut rechercher du financement. Quand ces adolescents ne sont pas purement et simplement jetés à la rue.»

Mais une enquête serrée est en train d’être conduite au shelter en question pour retrouver… le ou les lanceurs d’alerte. Des téléphones portables ont même été saisis par la police.

Réponses surprenantes de la ministre

Répondant à la PNQ de Xavier Duval mardi, la ministre Koonjoo-Shah a affirmé que les quatre assistantes du «shelter» présentes n’ont pas été suspendues et qu’il faudra attendre les conclusions du FFC pour décider de leur sort. Elle reconnaissait aussi que la fillette était très mal en point dès le lendemain matin. Elle a énuméré une douzaine de sujets contenus dans la formation des nouvelles assistantes. A-t-elle le cahier de charges du FFC qui sera mis sur pied ? lui demande le leader de l’opposition. Réponse : non. Quels sont les protocoles à respecter dans le cas de cette fillette ? «The protocols are in place. They are not with me at the moment.» Ce qui fait dire à notre interlocutrice, ex-fonctionnaire : «Encore un exemple de négligence de la part de la ministre ! Elle fait face à une PNQ sans se donner la peine de rechercher ces informations, pourtant facilement accessibles ?» Et lorsque la députée Stéphanie Anquetil demande à la ministre à propos du «shelter» répondant au doux nom d’Oiseau du Paradis : «Pas de stérilisateurs de biberons pour stériliser les biberons qui sont stérilisés dans un bol en plastique ; caméra dans la salle de repos pour visionner les ‘female caregivers’ qui dorment ; toilettes cassées ; salle de bains souillée ; problème d’hygiène ! To pa o kouran mem? To kontign vwayazé, promné dan Dubaï?» Kalpana Koonjoo-Shah répond : «I cannot judge the authenticity of what the honourable Member is waving at me.» Un peu comme la réponse du gouvernement face au rapport sur la mort de Kistnen.

La formation médicale fait défaut

En quelques jours, deux bébés vivant dans des foyers de l’État ont atterri à l’hôpital. Pourquoi n’a-t-on pas sollicité des traitements immédiats pour S. et J. ? Le personnel des foyers est-il formé médicalement pour détecter des états de santé aggravants des bébés ?

Sollicités, plusieurs responsables d’abris pour enfants confirment l’absence de formation médicalisée. «Les effectifs sont notamment des mamans ayant soigné leurs propres enfants. Il n’y a pas de formation médicale spécialisée», explique une ancienne gestionnaire de shelter. Il existe, par contre, une formation générale des carers, sous forme de programmes et causeries du ministère de l’Égalité des genres. Selon elle, le psychologue des shelters privés et gérés par des ONG assure parallèlement des cours généraux régulièrement.

Pour revenir au plan médical, certains carers ont-ils reçu ou pas une formation en premiers soins ? Une responsable de projets en association caritative répond par l’affirmative. Néanmoins, ces notions ne sont pas une obligation. «Au sein de notre institution, nous effectuons des cours de First Aid avec des organisations locales spécialisées dans ce domaine», précise l’ancienne gestionnaire.

Quel protocole d’intervention existe en cas d’enfants malades en foyer ? Dès un mal de gorge, de genoux entre autres symptômes, le protocole est d’emmener immédiatement l’enfant au dispensaire ou à l’hôpital, souligne l’ancienne gestionnaire. Hors de question de prendre le risque de soigner un petit par soi-même, poursuit-elle. Pour la responsable de projets, le shelter manager doit s’organiser le plus vite possible, par exemple en s’arrangeant pour qu’un transport le conduise à l’hôpital ou en contactant les urgences. Le carer ou un personnel autorisé accompagne également le petit. Aucune administration médicale n’est effectuée par le personnel sans consultation médicale au préalable, insiste un opérateur d’abri du privé. Toutefois, des changements sont attendus d’ici 2023 avec l’introduction de cours ciblés pour les carers ainsi que de nouveaux paramètres d’opération. Nous avons contacté les autorités à ce sujet et sommes dans l’attente de leurs réponses.

En attendant ces futurs amendements, divers foyers de l’État ont été sujets à des incidents dont l’Oasis qui a cumulé évasions, intrusions et rébellions entre autres. Et désormais, l’Oiseau du Paradis semble chanter faux. Parallèlement, il existe plusieurs différences entre les abris de l’État et du privé. Alors que les premiers sont sous la responsabilité du NCC, les seconds, gérés par des associations, bénéficient de «grants» pour des projets ou d’une subvention de Rs 400 par jour pour chaque petit, confirme l’opérateur.

Bien que financés par les autorités, les abris du privé se plient à diverses conditions et perçoivent moins de fonds. «Les foyers de l’État sont doublement financés en comparaison avec ceux du privé. On se pose des questions sur la qualité, la formation et le suivi», souligne la responsable de projets. À titre indicatif, pour une vingtaine d’enfants, une subvention d’environ Rs 3 millions est perçue annuellement en établissement privé. Dans un foyer de l’État, ce montant peut s’élever à Rs 11 millions, ajoute notre interlocutrice.

«Arrivé à un certain moment, on va tuer le bénévolat avec toutes ces demandes de détails aux effectifs, ce qui entrave leur travail», indique l’ancienne gestionnaire. Un fait concédé par un opérateur : «Le monitorage est trop répressif. Chaque mois, des représentants étatiques vérifient les infrastructures, la nourriture et les détails de l’occurrence book qui regroupe toutes les opérations comme l’heure des repas, des déplacements médicaux ainsi que les autres documents officiels. L’évaluation devrait être consultative et focalisée sur les conseils.».

En cas d’insatisfaction après inspection, un délai est accordé aux gestionnaires pour des mesures correctives. Un avertissement peut aussi être émis et au pire des cas, la subvention peut être supprimée, ajoute-t-il. Des disparités subsistent aussi en termes de règlements pour les foyers de l’État et ceux du privé. «Les shelters privés sont réglementés et inspectés pour être en conformité avec la loi. Comment cela se passe pour les abris de l’État ?» s’interroge la responsable de projets.

Rs 20 000 pour la prise en charge d’un mineur en foyer

<p>Selon un responsable d&rsquo;abri du privé, il faut compter Rs 20 000 par mois pour y assurer la prise en charge d&rsquo;un enfant. Cette somme inclut les dépenses régulières comme l&rsquo;alimentation équilibrée et exigée par une diététicienne de l&rsquo;État, les frais scolaires, de transport, de sorties, de vêtements, de chaussures, de location du bâtiment et de literie, entre autres. Par contre, la subvention étatique avoisine les Rs 12 000 mensuellement (Rs 400 x 30 jours) pour un enfant. D&rsquo;après notre interlocuteur, environ 26 foyers opèrent à Maurice dont cinq de l&rsquo;État. Il estime qu&rsquo;environ 560 à 600 enfants de zéro à 17 ans sont placés dans ces établissements.</p>

 

Atma Shanto réclame la démission de Koonjoo-Shah

<p>&laquo;Elle doit &lsquo;step down&rsquo;.&raquo; Propos d&rsquo;Atma Shanto hier à l&rsquo;égard de Kalpana Koonjoo-Shah. Animant une conférence de presse, hier, le président de la Fédération des tavailleurs unis a déclaré que la ministre de l&rsquo;Égalité des genres ne peut rester en poste. Ceci après le cas du bébé malade au foyer l&rsquo;Oiseau du Paradis et conduit en soins intensifs trois jours plus tard.</p>