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Hôtellerie - Emploi des travailleurs étrangers: même des étudiants !

3 novembre 2022, 21:00

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Hôtellerie - Emploi des travailleurs étrangers: même des étudiants !

L’hôtellerie dit manquer de main-d’œuvre locale et a recours aux travailleurs étrangers, dont beaucoup viennent au pays comme étudiants. Certains hôtels en abuseraient.

On a parlé du sourire proverbial des Mauriciens, de leur aptitude à s’exprimer en français aussi bien qu’en anglais et de leur débrouillardise pour aider les touristes. Or, l’arrivée de travailleurs étrangers dans nos établissements hôteliers ne semble pas satisfaire ces critères sur lesquels les hôtels font l’impasse sous prétexte qu’ils manquent de bras locaux. Même les certificats attestant une formation dans ce domaine ne sont plus nécessaires. On recrute à tout va… alors que l’hôtellerie est soupçonnée de payer en dessous du salaire minimum. On comprend un peu mieux pourquoi…

Le premier cas qui nous a été rapporté sur le mauvais service offert par des travailleurs étrangers concerne un des deux hôtels d’un même groupe au Morne. Un Français qui est descendu dans cet établissement il y a plus d’un mois nous a fait parvenir sa déception. «Les serveurs et les domestiques s’occupant de la chambre ne comprenaient pas le français, bien sûr, mais l’anglais non plus. Sauf quelques mots pour certains, comme ‘good morning’ ou ‘good night’.»

Étant un habitué de l’hôtel et du pays, le Français qui y est revenu après deux ans, a quand même voulu en savoir un peu plus sur l’emploi de Nigérians notamment à la place de Mauriciens, et a interrogé le personnel local et même ces étrangers. Pour ces derniers, il nous confie avoir procédé plus par la langue des signes que par le parler. Les explications lui sont parvenues également par la même méthode ! «J’étais surpris d’apprendre, nous raconte-t-il que la plupart de ces étrangers sont venus à Maurice comme étudiants et qu’on leur permet de travailler.»

«N’existe-t-il pas une filière pour importer de la main-d’œuvre étrangère bon marché sous couvert d’études qu’ils ne font pas ?»

Ce touriste ne sait pas que le gouvernement vient de prendre la décision de permettre aux jeunes étrangers entrés sur le territoire comme étudiants d’obtenir soit un permis de travail de 20 heures par semaine, soit un Young Professional Occupation Permit d’une durée de dix ans. Ce qui a encore plus étonné le Français, ce n’est pas seulement comment ces étrangers ont pu être recrutés par l’établissement hôtelier en s’exprimant si difficilement en anglais (et pas du tout en français), mais également comment ils ont pu être enregistrés dans une université mauricienne. «Je me demande même s’ils ne vont jamais à l’université, en les voyant bosser toute la journée ou toute la nuit, et ce, durant toute la semaine.» Pour lui donc, certains travaillent plus de 20 heures par semaine.

Trafic d’êtres humains ?

Le Français se pose la question : «N’existe-t-il pas une filière pour importer de la maind’œuvre étrangère bon marché sous couvert d’études qu’ils ne font pas?» On ne le sait. Une certitude : la procédure est très simple pour toute personne voulant venir travailler à Maurice. Nous nous sommes rendus sur le site https://visalist. io/mauritius/visa-requirements/nigeria et avons pu constater les facilités offertes. Normalement, la première étape est d’envoyer un dossier à l’université qui, si elle juge l’étudiant apte, transmettra la demande au Passport and Immigration Office. À moins que l’université ne soit pas concernée du tout.

Par ailleurs, même les Mauriciens qui descendent dans cet hôtel affichent leur déception. Un couple qui y a séjourné il y a deux mois ne compte pas y revenir. «L’emploi de jeunes africains est une catastrophe. Une fille nous servait sans formation, elle remplissait à ras bord nos verres de vin. Elle ne comprenait pas ce que nous lui demandions et devait faire appel à un Mauricien. Elle ne comprenait pas le français et à peine l’anglais, la communication était très difficile.»

Un autre jeune Africain était chargé de ramasser les verres vides. Mais ce couple mauricien a eu l’impression que de nombreux travailleurs étaient des étrangers. «Et encore, ce n’est que ce que l’on voit en salle. Dans les coulisses, il doit encore y en avoir d’autres.» Ils ont eu en plus la désagréable surprise de voir, à 3 heures du matin, une équipe composée d’un Mauricien et d’un Africain qui avait ouvert la porte de leur chambre sans frapper, étant soi-disant venue chercher les bagages! Bref, ils ne sont pas près d’y retourner. «Après, peut-être que les touristes de la classe moyenne qui ne sont pas habitués à l’hôtel, et pour qui ce voyage à Maurice est un rêve y prêtent moins attention, je ne sais pas…»

Les deux hôtels en question appartenant au même groupe annonçaient pourtant fièrement en mai dernier qu’ils «emploient actuellement 393 personnes, dont 98,7 % de Mauriciens.», et promettait «l’embauche de 500 Mauriciens additionnels au cours des cinq prochaines années.» Or, quelques mois plus tard, notre touriste français et nos deux Mauriciens ont constaté une toute autre réalité : la majorité des employés étaient des étrangers.

Le porte-parole de ces hôtels ajoutait que le groupe «a pu offrir à sa clientèle internationale une nouvelle destination dépaysante au patrimoine et à l’environnement naturel extrêmement riche». Peut-être est-ce cela le dépaysement promis ?

Des chiffres à la réalité

15 500 jeunes, âgés entre 16 et 24 ans, étaient sans emploi en mars 2022. Le nombre de chômeurs s’élève à 45 300 en tout à la même date. 283 étrangers étaient employés dans le secteur de l’hôtellerie en 2020, 538 en 2021 et 1 017 en 2022 (mars), soit un doublement chaque année. Mais ces chiffres ne concernent que les grands établissements et sont basés sur des études et non sur des statistiques officielles provenant du ministère du Travail.