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Mᵉ Sanjeev Teeluckdharry: «La mère de Kobita a dit à ma belle-mère que je devrais tempérer mes propos contre le gouvernement…»

6 novembre 2022, 21:00

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Mᵉ Sanjeev Teeluckdharry: «La mère de Kobita a dit à ma belle-mère que je devrais tempérer mes propos contre le gouvernement…»

Il affirme, haut et fort, que sa famille est ciblée… par des proches de la famille. Après la fouille chez sa bellemère suivie d’une notification d’acquisition obligatoire d’un terrain appartenant à sa belle-famille, l’avocat monte au créneau pour dénoncer ce qui se trame dans l’ombre. Une histoire qui implique deux clans d’une même famille. En toile de fond : ses prises de position contre le gouvernement MSM et son aide dans plusieurs affaires, comme l’assassinat de Kistnen ou l’arrestation controversée d’Akil Bissessur.

Vous avez décidé d’évoquer publiquement un sujet sensible. La famille. Pourquoi maintenant?
Le Rubicon a été franchi quand la Special Striking Team (SST) de l’ASP Jagai a débarqué chez ma belle-mère. Ces policiers étaient accompagnés de plusieurs autres unités de la police, SSU, GIPM, entre autres, avec un mandat de perquisition signé par l’ASP Jagai lui-même, pour chercher soi-disant des articles illégaux, de la drogue et de l’argent sale chez elle, à la rue Thomy Rousset, à Rose-Hill le jeudi 27 octobre. Je tiens à faire ressortir que le search warrant était au nom de Mme Nandita Gaya. Or, ce n’est pas son prénom. C’est son nom gaté que seuls connaissaient ses proches – ses sœurs, ses cousines – dont Me Shamila Sonah-Ori – une cousine qui se trouve être l’avouée du Premier ministre et de Kobita Jugnauth. Le nom officiel de ma belle-mère est Hemlata Sher-Gill.

(De g. à dr.) : Vighnesh Gaya (le fils de Nandita Gaya), Nandita Gaya, Ahulya Seetaloo (née Ramdanee) et sir Kailash Ramdanee.

Déjà, cette perquisition n’avait pas lieu d’être. Et vu le nom utilisé, tout laisse croire que j’étais visé par personne interposée. Ma belle-mère est une dame âgée, veuve et partiellement paralysée. Elle arrive à peine à parler et à bouger ses bras et elle est alitée la plupart du temps. Elle est dans cet état depuis qu’elle a fait le vaccin anti-Covid. Elle vit avec son fils, qui est toujours étudiant à l’université. Ce sont des personnes honnêtes, bien sous tout rapport et très loin d’etre impliquées dans des activités louches. Il faut aussi faire ressortir que Mme Gaya est la veuve de feu le Dr Geeaneswar Gaya, ex-psychiatre renommé et respecté dans la société.

Vous pensez donc que des membres de la famille sont derrière cette perquisition?
Les liens ne s’arrêtent pas là. La mère de ma belle-mère, feue Mme Ahulya Seetaloo (née Ramdanee), qui est décédée l’année dernière, était la sœur de sir Kailash Ramdanee, le père de Kobita Jugnauth et beaupère du PM. Mon épouse Namrata a même été fille d’honneur au mariage de Pravind et Kobita. Je n’ai jamais fait état de ce lien de parenté, car il n’y avait aucune raison de le faire. Mais là, toutes les limites ont été franchies car on s’est attaqué directement à ma belle-mère et à mon beau-frère, qui n’ont absolument rien à faire avec mes activités professionnelles et mes engagements sociaux, notamment la manifestation du 29 octobre avec Bruneau Laurette. Cette manifestation a agacé le pouvoir en place, même si l’Attorney General l’a traitée de «galimatia».

Vous avez aussi fait le lien avec une affaire d’acquisition obligatoire à un moment. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Je ne sais pas quels terrains ma belle-famille possède. Mais lundi dernier, elle a reçu une lettre datée du 26 octobre 2022 de la New Social Living Development Ltd (NSLD), qui agit comme special purpose vehicle de la NHDC, faisant part de son intention d’acquérir pour un projet de construction de logements sociaux, un terrain de 3 481,37 m2 situé à La Source, Palma et appartenant à feu son mari, le Dr Geeaneshwar Gaya, et que celui-ci avait hérité de son père. Le timing de cette lettre nous interpelle car elle est datée de la veille de la perquisition et juste trois jours avant la manifestation du 29 octobre. De ce fait, il me semble clair que le gouvernement essaie de faire pression sur moi à travers ma belle-mère. Je dois aussi préciser que dans le passé, la mère de Kobita, Lady Ursule Ramdanee, a tentéà plusieurs reprises d’influencer ma belle-mère en lui disant que son gendre devrait tempérer ses propos et activités contre le gouvernement.

Namrata Gaya, âgée de 7 ans (à dr. en orange), épouse de Sanjeev Teeluckdharry, était fille d’honneur au mariage de Kobita et Pravind Jugnauth.

Pourtant la «Special Striking Team» n’a rien trouvé chez votre belle-mère ?
Lorsque j’ai appris cette nouvelle jeudi matin, j’ai dû quitter la Cour suprême en catastrophe et laissé mes dossiers avec mon jeune confrère Mᵉ Shazad Mungroo, également membre des Avengers, pour me précipiter sur les lieux ; ici, je dois saluer le professionnalisme de l’inspecteur Ootim et son équipe qui a accepté de m’attendre pour commencerla fouille. Une fois arrivé sur les lieux, j’ai rencontré quelques difficultés pour assister à la fouille ; j’ai dû insister et exiger que seuls trois officiers procèdent à cette fouille et non pas tout le régiment sur place, notamment une vingtaine de policiers. Il y avait heureusement aussi la présence salutaire de la presse et de mes frères d’armes – Bruneau Laurette, Akil Bissessur et Anoup Goodary – sur la route devant la résidence de ma belle-mère.

Sans cette présence dissuasive, il y aurait eu sûrement «operasion mazik» et pour éviter l’arrestation de ma belle-mère malade, j’aurais peut-être été contraint d’accepter une charge compromettante. Dans ce cas, je n’aurais pas été devant vous aujourd’hui, mais incarcéré dans une cellule à Alcatraz, à attendre une éventuelle motion de remise en liberté ; et tout mon travail de toute une vie, ma réputation professionnelle seraient partis en fumée. Mon confrère Akil Bissessur a eu moins de chance que moi, il a dû croupir en cellule à Alcatraz pendant 19 jours. Dans son cas, le PM avait publiquement déclaré qu’il était sur son radar…

Est-ce que vous aviez déjà été en conflit avec le gouvernement dans le passé ? Y a-t-il déjà eu tentative de vous influencer ou de vous décourager dans votre travail d’avocat ?
Je me souviens de pas mal de cas, oùà plusieurs reprises, il y a eu tentative d’ingérence politique où certains ont essayé de s’immiscer dans mon travail d’avocat. Par exemple, lors de l’arrestation de l’informaticien Ish Sookun, pour soi-disant acte de terrorisme, SAJ qui était PM, m’avait même rétorqué lors d’un dîner à l’hôtel Le Grand Bleu, comment j’osais représenter un terroriste qui voulait placer une bombe au PMO et à l’ancien bureau du quotidien Le Matinal. Il y a eu aussi la bataille constitutionnelle de mon regretté client, le Dr Rajah Madhewoo, contre la carte biométrique que j’ai dû continuer, même contre le gouvernement du MSM, qui avait changé de langage, une fois au pouvoir.

(De g. à dr.) : Kobita Jugnauth, Lady Ursule Ramdanee, sir Kailash Ramdanee et Nandita Gaya à son domicile, qui a été perquisitionnée la semaine dernière.

J’ai dû me battre contre le gouvernement, le ministre de l’Agro-industrie, le ministre de la Justice et la MSAW pour m’opposer au brutal killing des chiens errants, une bataille qui est loin d’être gagnée. Il y a l’affaire de torture policière par la CID de Curepipe de mon client David Gaiqui quand j’étais deputy speaker et ensuite celle de Caël Permes, décédé en prison pendant le confinement. Ces actes atroces de torture et de brutalité ont été mises en exergue grâce aux photos publiées par mon jeune confrère Goodary sur les réseaux sociaux et il y a eu cover-up des autorités, y compris de la vice-présidente de la National Human Rights Commission juste pour être dans les bons papiers du gouvernement.

«Je n’ai jamais fait état de ce lien de parenté, car il n’y avait aucune raison de le faire. Mais là, toutes les limites ont été franchies car on s’est attaqué directement à ma belle-mère et à mon beau-frère, qui n’ont absolument rien à faire avec mes activités professionnelles et mes engagements sociaux, notamment la manifestation du 29 octobre avec Bruneau Laurette.»

En d’autres occasions, certains membres du gouvernement m’ont même empêché de représenter certains clients lors du BP et de la réunion parlementaire. Je me souviens que je n’ai pas pu représenter un ingénieur de renom, renvoyé injustement et arbitrairement par le ministre Nando Bodha qui voulait à tout prix chercher un bouc émissaire dans l’affaire de l’autoroute de Verdun mais cet homme a ensuite été réintégré avec succès grâce à l’intervention de feu Mᵉ Yousuf Mohamed, Senior Counsel, et de Mᵉ Rama Valayden. Dans d’autres cas, certains ministres influents de la cuisine du PMO m’ont averti au préalable de ne pas comparaître par exemple pour Brian Burns, mon ancien professeur de karaté (époux de Laina Rawat), et d’autres victimes du crash de la BAI.

Nandita Gaya (à g.), Sanjiv Ramdanee (2e à g.) et Kobita Jugnauth (à dr.) à l’anniversaire d’un proche.

Vous étiez pourtant membre du gouvernement…
Quand j’étais député, on m’a demandé à plusieurs reprises de retirer mes questions aux ministres aux séances parlementaires pour ne pas les gêner. Ils m’ont même reproché d’avoir dénoncé publiquement l’arrestation injuste et arbitraire de mon confrère Shakeel Mohamed et la search à sa résidence en 2015 sans raison aucune dans l’affaire non-élucidée de la rue Gorah Issac. En 2018, un membre du gouvernement et la speaker avaient même consigné une déclaration contre Shakeel Mohamed pour outrage à l’Assemblée nationale et ils étaient furieux car je n’avais pas corroboré leurs versions au CCID. L’inspecteur qui menait l’enquête m’avait complimenté pour mon sens de la vérité, de l’impartialité et de l’équité. Certains membres influents du gouvernement étaient même mécontents de petits détails, par exemple, quand je complimentais les orateurs de l’opposition à l’Assemblée nationale pour leur discours quand je présidais les travaux. 

Après votre départ du gouvernement, y a-t-il eu des tentatives de vous influencer pour retourner au bercail dans les rangs du MSM?
Lors de la célébration de Divali en 2020, feu sir Anerood Jugnauth (SAJ) m’avait même invité à l’hôtel Maritim pour patch-up avec le MSM et lâcher les affaires de Bruneau Laurette qui avait déclenché une bataille légale contre le gouvernement.

N’avez vous pas peur que maintenant que vous représentez Bruneau Laurette, les représailles vont s’accentuer ?
J’ai le devoir de respecter mon serment en tant qu’avocat. Je suis un avocat constitutionnel, qui défend les droits humains et je fais mon travail. On verra ce qui se passe. I have promises to keep and miles to go before I sleep.

Que pensez-vous des amendements proposés à la «Law Practitioners’ Act» ?
Cela me fait penser aux derniers messages ou critiques de SAJ à la télé envers les Avengers. Sous prétexte de self-regulation, le gouvernement s’attaque directement à l’indépendance du barreau et indirectement à l’État de droit. La profession légale va devenir subservient à l’Attorney General (le ministre de la Justice) qui aura la mainmise sur elle. Ce sera également la mainmise de l’Éxécutif sur les avocats. Ceux qui oseront dénoncer ses agissements ou blunders devront s’attendre à des sanctions disciplinaires. Qui osera loger des private prosecutions contre des ministres, fonctionnaires et poursuivre le gouvernement ?

Pour moi, c’est un gagging order et les avocats ne pourront plus exercer leur profession en toute indépendance, without fear ou favour, comme préconisé dans leur serment. On vise ici le fondement même de la démocratie et de l’État de droit. Qui va prendre position face à l’injustice ? Qui va défendre les victimes de violations des droits humains ? Qui va dénoncer les crimes d’État et les cas de fraude, de corruption, de fraude électorale et de trafic d’influence ?

Cette loi me fait penser à Lord Lane qui avait dit à juste titre : «Loss of freedom seldom happens overnight. Oppression does not stand on the doorstep with toothbrush moustache and swastika armband – it creeps up insidiously, step by step, and all of a sudden, the unfortunate citizen realises that it is gone.»