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Dangerous Drugs Amendment Bill: l’ombre du copinage plane déjà…

18 novembre 2022, 22:00

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Dangerous Drugs Amendment Bill: l’ombre du copinage plane déjà…

Les amendements à la «Dangerous Drugs Act» ont été votés mardi à l’Assemblée nationale. Dans leur ensemble, ils ont été bien accueillis des deux côtés de la Chambre. Cependant, des zones d’ombre, et pas des moindres, font déjà craindre une vague de contrats alloués aux proches et amis, comme cela a été le cas dans le passé…

Lors d’une Private Notice Question (PNQ) le 15 mai 2018, le Premier ministre avait déclaré qu’il était «premature, at this stage, to consider the authorization of the use of products containing cannabidiol as medical products». Le 21 octobre dernier, le rapport des décisions du Conseil des ministres faisait état des amendements à la Dangerous Drugs Act (DDA), précisant que «the Bill also makes provisions for a patient to be treated with medicinal cannabis where that patient suffers from specific therapeutic conditions and those therapeutic conditions that have failed to respond to conventional treatment». Un pas de géant qui, selon les acteurs engagés dans la lutte contre la drogue et pour la réhabilitation des toxicomanes, devrait faire avancer les choses. 

Le rôle de la police 
Toutefois, la loi comporte quand même des manquements. Dans son discours le 10 novembre, le Dr Farhad Aumeer est revenu sur le rôle du commissaire de police CP). Ce dernier devra recommander au DPP qu’une personne arrêtée en possession de drogue aille en réhabilitation au lieu d’être poursuivi. Si, «in the opinion» du commissaire, la personne est un consommateur et pas un trafiquant. «Pourquoi ne pas laisser cette décision uniquement au DPP ?», se demande le député travailliste. Il rappelle que l’ancien CP Mario Nobin est accusé d’avoir déroulé le tapis rouge au trafiquant Mike Brasse pour renouveler son passeport. «We are opening a can of worms.» D’ailleurs, Paul Bérenger est revenu sur le pouvoir du CP et a qualifié son rôle de «troublant». Il s’est demandé si le CP et ses officiers ont l’expertise pour mener ce type d’enquête. «Le danger de la corruption et la politisation sera très grand et nous savons déjà les dégâts que font la corruption et la politisation dans notre pays», a renchéri le leader du MMM. 

Le copinage 
Un autre problème soulevé par le Dr Aumeer est la réhabilitation. Désormais, les usagers de drogue seront redirigés vers des institutions définies par la loi comme «health institution or such other institutions as the Ministry may approve». Or, les chiffres donnent une idée de la réalité. Xavier Duval a rappelé que le pays ne compte qu’une cinquantaine de lits pour la réhabilitation dans le secteur public et avancé le chiffre de 60 0000 toxicomanes. Le nombre de consommateurs de cannabis est bien plus conséquent. Le psychologue et addictologue, Kunal Naik, avait rappelé que, selon deux études, le pays compte environ 100 000 consommateurs, mais qu’une estimation de 200 000 consommateurs serait plus réaliste. 

Le pays ne dispose que d’une cinquantaine de lits dans les centres de réhabilitation.

Quant aux arrestations, en 2021, il y en a eu 4 626 liées à la drogue, dont 45,9 % liées au cannabis. De plus, cette année-là, du nombre total de délits enregistrés, ceux liés à la drogue tenaient le haut du podium, avec 17,5 %. Les poursuites pour les mêmes délits ont augmenté de 78,3 % par rapport à 2020, passant de 1 662 à 2 964. Les condamnations sont, elles passées de 1 574 à 1 817. Il est donc clair qu’il faut de nouveaux centres de réhabilitation, et c’est là une partie du problème. «Institutions for rehab will pop out like mushrooms irrespective of experience / quality of care and logistics available», a fustigé le Dr Aumeer. D’autres membres de l’opposition ont aussi tiré la sonnette d’alarme. «(…)do we have enough of these centres to cater for these drug victims? (…) Do we have enough qualified personnel to supervise this process?», a dit Ehsan Juman. Paul Bérenger a aussi réclamé des indications sur les institutions. 

L’autre problème est le cannabis médical. Le Dr Aumeer a rappelé, à l’Assemblée, que les «blue-eyed boys became immediate experts in gloves, sanitizers, respirators». «Qui aura la licence pour les imports ? Est-ce qu’on va assister à une répétition de Pack & Blister et autres bijouteries concernant l’import ?» Revenant sur les centres de réhabilitation, il avance qu’il ne faut pas oublier que pendant le confinement, Neeteeselec, dirigée par une amie proche de Yogida Sawmynaden, avait décroché des contrats de nettoyage alors qu’elle n’avait ni la technologie ni l’expertise. Quant à Ehsan Juman, il a évoqué ces mêmes importations en précisant que parmi ces équipements, «most of which did not meet our requirements». 

Appels d’offres obscurs 
Le rapport du comité technique sur l’usage du cannabis médical présidé par le Pr Theeshan Bahorun précisait que «as per the Pharmacy Act, when a product is imported for use in hospitals only, there will not be any need for an import permit». Mais les amendements prévoient autrement. «No person shall use or import medicinal cannabis unless he is authorised to do so (…)» stipule la loi. Alors que les débats avaient déjà débuté sur les amendements au DDA, le Conseil des ministres prend une décision sur les appels d’offres le 4 novembre. Il est décidé que, désormais, le ministère de la Santé sera exempté des dispositions du Public Procurement Act (PPA) «for the procurement of medical supplies under a pooled procurement agreement with a regional organisation or international organisation of States where Mauritius is a member». La question qui se pose désormais est : comment se passera l’achat du cannabis par le ministère de la Santé ? Est-ce qu’en s’associant à des compagnies internationales ou régionales, cet achat connaîtra le même sort que les achats pendant le Covid ? 

Le dernier rapport du Public Accounts Committee (PAC) pour 2021 avait fait ressortir les nombreux manquements dans les achats sous procédures d’urgence. Entre les instructions verbales, l’allocation de «millions of rupees worth of contract» à des fournisseurs non conformes, le manque de «records» sur les décisions et paiements, les équipements pas aux normes et le non-paiement de dommages pour retards, entre autres, les ministères de la Santé et du Commerce avaient été vertement critiqués. Les recommandations étaient claires ; les procédures, mêmes pour les emergency procurements, doivent être strictement suivis. Avec cette exemption, une nouvelle catégorie d’appels d’offres spéciale est créée, et nombreux sont ceux qui estiment que c’est la porte ouverte à encore des contrats en centaines de millions pour l’achat de cannabis médical, qui seront octroyés sans examen approfondi des soumissionnaires. 

Reza Uteem, député du MMM et président du PAC, considère cette décision dangereuse car elle ouvre la porte à des achats obscurs et la corruption. «Mais nous avons vu que suite aux scandales Molnupiravir et Pack & Blister, le gouvernement n’a apporté aucun amendement pour résoudre ces problèmes. Ce n’est pas une de leurs priorités», a-t-il déploré. Pour rappel, le rapport du PAC avait mis en lumière le fait que «despite the comments of the Director of Audit and the serious irregularities that he highlighted in his observations in his 2019-20 Report, no action or sanction has been taken against anybody involved in the said emergency procurement exercises». Cette nouvelle exemption ne va pas assainir la situation. Comme exemple, Reza Uteem cite la PNQ de mardi dernier faisant ressortir que, selon Xavier Duval, le coût des logements sociaux est passé de Rs 1,9 million à Rs 6 millions, mais comme pour la compagnie subsidiaire responsable des projets, le PPA ne s’applique pas et il n’y a aucune obligation de publier les noms de soumissionnaires et les montants. 

Pour lui, s’il y a des exceptions à la PPA, il faut que la loi soit amendée pour y inclure les principes applicables ou un nouveau régime régulant les cas exceptionnels. «De plus, si des importations sont exemptées de la PPA, un soumissionnaire qui se sent lésé ne pourra pas avoir recours à l’Independent Review Panel», met en garde Reza Uteem. Mᵉ José Moirt, membre de Linion Pep Morisien, avance que le gouvernement avance catégoriquement vers l’importation autorisée par le ministère. «Donc, on va vers des affaires semblables à ti-papye. Le problème de magouilles et d’abus ne sera pas résolu.»

Manque de discussions 
Le projet aurait été mieux ficelé, et toutes ces interrogations et soupçons n’auraient pas surgi si les parties prenantes avaient été consultées avant de venir de l’avant avec cette loi, dit José Ah Choon, responsable du Centre d’accueil de Terre-Rouge. Xavier Duval avait lancé cette idée pendant les débats en proposant des Assises de la toxicomanie. «Les Assises de la toxicomanie réuniraient, pour moi, pendant une semaine ou plus, non seulement les autorités compétentes, le gouvernement, le ministère de la Santé, etc., mais aussi les professionnels, les chercheurs, les ONG, la police, les politiciens de tous bords, les représentants des toxicomanes, les rastas, tous les gens directement concernés par la drogue à l’île Maurice», avait-il dit. 

Les responsables des centres et programmes de désintoxication voient venir de loin le taux élevé d’échecs. «On va envoyer des gens en réhabilitation contre leur gré alors que c’est la base pour s’en sortir. Ena ki vini pou fer fami plezir, ena ki forse pou vini. Zot resite», avance-t-on dans le milieu. Puis, il y a la formation. Non seulement rien n’a été dit sur la formation de ceux qui vont gérer les nouveaux centres, mais le programme sera aussi étendu aux hôpitaux publics. La loi mentionne «such rehabilitation as may be appropriate for him at a public health institution». «Est-ce que l’avis des infirmiers et médecins a été sollicité ? Est-ce qu’il y la structure nécessaire pour ces programmes dans les hôpitaux ?», poursuivent les acteurs du secteur.