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Nouveaux règlements de l’IBA: mauvaises ondes !
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Nouveaux règlements de l’IBA: mauvaises ondes !
Nawaz Noorbux : «Cette instance agit maintenant comme un ‘goalkeeper’ pour le gouvernement»
Les radios privées montent au créneau. Cela, alors que l’IBA a émis de nouveaux règlements pour leur mettre des bâtons dans les roues, estiment-elles. Quels sont ces «éléments perturbateurs» ? Pourquoi sont-ils une atteinte à la liberté d’expression ? Et l’ICTA dans tout cela ?
Absence de consultations, non-sollicitation de l’opposition par la MBC : les responsables des radios privées s’insurgent contre les nouveaux règlements instaurés par l’Independent Broadcasting Authority (IBA). Ceux-ci exigent l’impartialité des journalistes et des présentateurs des émissions radiophoniques. Du coup, les opérateurs penchent en faveur d’un programme commun au cours duquel l’IBA viendrait s’expliquer.
«C’est ridicule. L’IBA agit maintenant comme un goalkeeper pour le gouvernement. Cette instance fait mention de solliciter l’État mais pourquoi elle ne demande pas de le faire pour l’opposition ? L’impartialité s’applique aussi pour la MBC. L’IBA devrait voir du côté de cette organisation qui ne fait même pas l’effort de contacter l’opposition», lâche Nawaz Noorbux, directeur de l’information à Radio Plus.
Deuxièmement, souligne-t-il, dans une démocratie, il est regrettable que les représentants des autorités ne participent pas aux émissions sur Radio Plus et Top FM. «Ce n’est pas à nous de défendre le gouvernement. Quand l’État n’y participe pas, je pose des questions pour apporter un certain équilibre mais ce n’est pas mon rôle de défendre le gouvernement ou d’agir comme leur représentant. C’est à l’autorité de venir défendre son dossier, et non à moi de le faire.»
Nawaz Noorbux est d’avis que l’IBA semble «vouloir apprendre aux opérateurs des radios privées des techniques éditoriales». D’ironiser : «À ce rythme-là, cet organisme dépêchera un représentant pour assister à notre briefing, en nous disant qu’il faudra traiter tel ou tel sujet, produire telle émission ou encore nous dire quelles questions poser et à qui !» Il critique également le fait qu’aucune consultation n’ait eu lieu auprès des radios privées avant que les nouveaux règlements ne soient mis en place. «C’est le ministre qui a introduit ces réglementations. Je me pose donc des questions sur l’indépendance de l’IBA. Est-ce vraiment le cas au final ?»
Kris Kaunhye, directeur général de Top FM, fait part de son étonnement par rap- port au contenu et aux détails concernant ces nouveaux règlements. L’absence de consultations est également déplorée. «On est en train de nous imposer des choses, de dicter notre façon de faire. Vous voulez vraiment qu’on donne l’occasion à n’importe qui de demander des droits de réponse s’il se sent diffamé ?» À défaut de participer à un programme sur une radio privée, un membre du gouvernement qui se sent lésé peut bien donner une conférence de presse pour énoncer ses arguments. Surtout que, fait-il ressortir, les animateurs et présentateurs sont déjà tenus d’être impartiaux. «Cela ne veut pas non plus dire qu’il faut museler la liberté d’expression. Au lieu de nous laisser nous autoréguler, on est en train de placer une épée de Damoclès sur notre tête. Si cela va affecter nos opérations, on veut bien qu’il y ait des discussions et débats autour.»
Kris Kaunhye évoque des consultations avec ses confrères et souhaite la diffusion d’une émission commune où le président ou un représentant officiel de l’IBA serait invité pour clarifier tout ce qui doit l’être en ce qui concerne ces nouveaux règlements. De faire ressortir que ceux-ci devraient s’appliquer à la station de radiotélévision nationale également. «Je pense que la MBC ne joue pas à ce jeu-là, elle. Est-ce que la même rigueur sera appliquée à elle comparée aux radios privées ? On ne peut avoir deux types de lois dans un seul pays!»
En attendant, pour Oumesh Rajkumarsingh, chairman de l’IBA, les nouveaux règlements s’appliquent à tous les «licensees», soit tous ceux concernés par le «broadcasting». C’est-à-dire ? «Alors, il y a les radios privées, la MBC radio et MBC TV», déclare-t-il. La MBC sollicitera-t-elle des membres de l’opposition lors d’émissions, donc ? «C’est la loi. On parle d’impartialité pour tout le monde, opérateurs privés comme public.»
Questions sans réponse
Depuis le 23 novembre 2022, plusieurs questions ont été adressées à l’ICTA. Or, à ce jour, nos multiples interrogations et sollicitations sont restées sans réponse. Voici la liste de celles envoyées à Catherine Boudet :
- Quel est le rôle de l’Information and Communication Technologies Authority ?
- Êtes-vous habilitée à mener des enquêtes lorsqu’il y a des cas de «Breach of ICTA» ?
- Lorsque la police est en présence d’une plainte pour ce délit, est-ce que l’instance est saisie systématiquement ?
- Lorsqu’un consommateur saisit l’ICTA par rapport à un poste sur les réseaux sociaux, qu’est-ce qui se passe ? L’instance peut-elle enquêter ou demander à la compagnie d’enlever un post ?
- Est-ce que l’ICTA a été appelée à aider en ce qui concerne l’affaire Telegram ?
Fusion ICTA-IBA : Pas de sitôt
La tendance internationale veut qu’il y ait une seule autorité régulatrice pour les radios privées, qui émet également des licences pour les technologies informatiques. D’après un ancien cadre de l’IBA, l’idée d’une fusion entre cette instance et l’Information and Communication Technologies Authority (ICTA) date de l’ère Ramgoolam, qui avait déjà enclenché les procédures. Puis, le gouvernement MSM a accordé un contrat de Rs 6 410 750 à un consultant en 2017. Celui-ci avait soumis l’ébauche d’un projet de loi au gouvernement.
Faut-il ainsi s’attendre à une fusion ? Dans sa déclaration à l’express hier, le président de l’IBA affirme que ce n’est pas d’actualité. «Le président de l’ICTA siège au sein du comité de l’IBA. Alors qu’on a amendé la loi, on a vu que le chairman de l’IBA doit également être sur le board de l’ICTA, c’est tout», déclare Oumesh Rajkumarsingh.
Cependant, au Parlement le 30 juin 2020, Pravind Jugnauth a soutenu, en répondant à une question du député mauve Aadil Ameer Meea, que le Parquet étudiait les recommandations du consultant en question. Le chef du gouvernement avait également déclaré qu’il y avait des obstacles à surmonter avant la fusion. Il fallait d’abord régler les problèmes constitutionnels et ceux liés aux types de sanctions à prendre. Il était prévu que la nouvelle entité allait émettre diverses licences pour un prestataire et le gouvernement devait se pencher sur les complications liées à ce type de licence. Finalement, le redéploiement du personnel de l’ICTA et de l’IBA devait aussi être pris en considération avant la création d’une seule instance. Depuis, il n’y a pas eu de développement quant à ce dossier.
Quoi qu’il en soit, selon un ancien cadre de l’IBA, la fusion n’aura pas lieu pour des raisons purement politiques. «Il faudra sacrifier certains ‘petits copains’. Il faut savoir que dans ce genre d’instance, il y a souvent une guerre entre le chairman et le directeur général. Imaginez maintenant les complications que cela engendrerait pour un gouvernement s’il fallait caser ces nominés politiques sous le même toit…»
Trilock Dwarka, ancien président de l’IBA et de l’ICTA, souligne, quant à lui, que la convergence des activités de ses deux instances a été évoquée une première fois en 2001 quand l’ICTA Act a été votée, et explique son importance. «Leur fusion suit la logique de la confluence numérique. Il n’y a pas de modèle universel. La fusion permettrait d’avoir un meilleur contrôle des ressources mais aussi au niveau de la gestion sur les plans technique et financier. Toutefois, il n’y a pas eu de consultation publique ni de débat autour du projet». Trilock Dwarka cite en exemple le modèle britannique qui est en faveur d’une institution avec des rôles multiples. Cependant, il précise que les enjeux et objectifs doivent être bien définis.
Catherine Boudet out !
Le conseil d’administration de l’ICTA a décidé de se passer des services de l’universitaire Catherine Boudet, qui assumait jusqu’à tout récemment les fonctions de directrice de communication au sein de l’instance. Cette destitution est pour le moins surprenante dans la mesure où le contrat de Catherine Boudet devait arriver à terme en novembre 2023 ; d’autant plus qu’elle a, semble-t-il, tout fait pour être dans les bons papiers de ce gouvernement…
Le 26 novembre 2021, dans un courriel adressé à toutes les rédactions, Catherine Boudet se faisait un devoir de communiquer ses nouvelles coordonnées téléphoniques professionnelles en tant que Director of Marketing and Communications de l’ICTA. Mais au fil des mois, elle devenait moins «réactive» et nos questions demeuraient sans réponse (voir ci-contre). Ses rapports avec le personnel de l’ICTA n’étaient pas au beau fixe non plus, selon les dires de certains.
Selon nos sources, la décision du conseil d’administration de l’ICTA de la remercier serait motivée par des irrégularités au niveau de la situation personnelle et de la citoyenneté de l’ex-directrice de communication. Cependant, d’autres sources indiquent que la performance de Catherine Boudet, qui est plus une «universitaire» qu’une communicante, y serait également pour quelque chose.
La goutte qui a fait déborder le vase serait la vingtième réunion annuelle de FRATEL (réseau francophone de la régulation des télécommunications) qui s’est tenue à Maurice les 10 et 11 novembre. La gestion de Catherine Boudet par rapport à cet important événement réunissant des délégués venant de 20 pays francophones n’a nullement été au goût du conseil d’administration de l’ICTA, apparemment.
Autre mise à pied : celle de Ramchurn Chatoo. Ce dernier, qui cumulait les fonctions de Manager Costing and Finance au sein de l’ICTA, était suspendu de ses fonctions depuis quelques mois déjà en raison de manquements d’ordre professionnel. Or, les fuites d’informations dans la presse ne seraient pas étrangères à cette démarche du conseil d’administration…
Sollicité pour une déclaration, Dick Ng Sui Wa, le chairman de l’ICTA, nous a fait comprendre que son homme de loi lui a conseillé de ne pas parler à l’express en attendant que la cour tranche sur un procès de diffamation qu’il intente à notre journal. Dick Ng Sui Wa, également avocat, nous a priés de contacter Jérôme Louis, un haut cadre l’ICTA. Nous avons envoyé une deuxième série de questions hier, pour chercher à avoir la version de l’instance après les «départs» de Catherine Boudet et de Ramchurn Chatoo, mais nous n’avions pas encore reçu les réponses à l’heure où nous mettions sous presse.
Ashok Radhakissoon : «C’est une invasion de la liberté éditoriale»
Il ne mâche pas ses mots. Ashok Radhakissoon, ancien directeur de l’IBA, est sceptique quant aux nouveaux règlements de la discorde. Pour lui, ceux-ci n’ont qu’un seul objectif : rendre plus difficile le travail des journalistes et faire en sorte que les radios privées aient plus d’obligations. Il précise qu’avant, il existait déjà un code qui s’assurait que les règles soient respectées, dans le sillage des normes éthiques exigées par l’IBA.
Désormais, les nouveaux règlements «viennent mettre le doigt sur les émissions en direct concernant les sujets controversés, qui touchent à l’actualité et à la politique, notamment. La lecture des documents indique que l’IBA compte dicter la conduite des opérateurs et des animateurs de ces émissions. À mon avis, c’est une invasion de la liberté éditoriale», poursuit-il. D’ajouter que, pour toute radio, une certaine liberté prévaut pour le traitement de l’information. Évidemment, à côté subsistent les lois, la déontologie et l’éthique, rappelle-t-il. En cas d’écart de conduite, l’IBA intervenait, voire suspendait de licences. «Il n’y avait pas ce besoin de mettre en place des règlements qui viennent dire à un journaliste comment faire son travail !»
Concernant l’application des consignes pour la MBC, Ashok Radhakisson affirme qu’il «ne faut pas se voiler la face. Clairement, il y a toujours eu cette politique de deux poids, deux mesures. L’IBA a toujours sanctionné plus lourdement les radios privées même si, bien souvent, on a quand même attiré l’attention des radios publiques.»
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