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Jayen Chellum: «Maurice est devenu un pays extrêmement cher...»

18 décembre 2022, 17:00

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Jayen Chellum: «Maurice est devenu un pays extrêmement cher...»

Le secrétaire général de l’ACIM milite depuis des années pour la baisse des prix des carburants. On l’a vu notamment aux côtés du gréviste de la faim, Nishal Joyram. Il est, qui plus est, au front pour veiller à ce que les droits des consommateurs ne soient pas bafoués...

Inflation, coût de la vie, prix des carburants, hausses répétées du «repo rate»… Le tableau est bien sombre pour les Mauriciens en cette fin d’année, n’estce pas ? 
Oui c’est vrai. Nous sommes dans une situation où l’inflation dépasse les 10,9 % ; selon Statistics Mauritius et d’autres calculs, nous arrivons à 12-13 %. C’est du jamais-vu. Cela aura définitivement un impact sur la façon dont les Mauriciens dépenseront leur argent pour les fêtes. La hausse du repo rate est assez difficile à encaisser, je suis d’accord. Surtout pour les emprunteurs. Mais il faut faire ressortir que cette hausse aide à contrôler l’inflation. Le dollar prend l’ascenseur face à la roupie. Pour essayer de contrôler cela afin de ne pas importer des produits qui vont nous coûter plus cher, il a fallu augmenter le taux directeur.

Tout de même 700 g de gigot d’agneau à Rs 600, n’est-ce pas exagéré ? Et une barquette de litchis à Rs 500 ? (NdlR, selon des photos postées par des internautes sur Facebook) 
C’est parce que les prix de ces produits ne sont pas contrôlés par les autorités. Il y a une série de produits qui ne le sont pas. Des supermarchés et autres commerces pratiquent des prix à leur propre guise. Vous voyez parfois que le prix d’un seul et unique produit diffère d’un supermarché au marché, par exemple. Son prix est souvent élevé par la manière dont le produit est exposé, son packaging, entre autres. Il y a des exagérations effectivement dans la vente des produits. Ce système où l’on autorise que les produits soient vendus à n’importe quel prix ‘fabrique’ l’inflation aussi. Maurice est devenu un pays extrêmement cher. J’ai des parents venant de l’étranger qui sont surpris par les prix affichés ici. Surtout que, si je ne me trompe pas, 60 % des Mauriciens touchent moins de Rs 20 000 par mois.

Quels sont les produits dont les prix ont augmenté considérablement au cours des derniers mois ? 
Tous les prix des produits alcoolisés continuent à grimper systématiquement. À un moment donné, il y a eu la hausse des prix des légumes. Mais je dirai que tous les produits importés ont connu une augmentation across the board. 

Quels sont ceux dont les prix sont appelés à grimper et pourquoi ? 
Je n’ai pas vraiment une réponse à cette question. Mais on a vu qu’il y a eu une hausse suivie d’une baisse dans le fret, ce qui fait que le prix du riz basmati a augmenté, puis a connu une baisse. Mais est-ce que la baisse est proportionnelle ? C’est une autre question. Je pense que pour beaucoup de produits qui dominent le marché, ceux qui ont un certain monopole, les commerçants trouveront toujours le moyen d’augmenter leur marge, causant des hausses. 

Comment les prix sont-ils déterminés, à part ceux fixés par le gouvernement ? 
Comment fonctionne le mécanisme ? Comme je l’ai dit, il y a des produits contrôlés, des produits sous mark-up et ceux non-contrôlés, comme les gato delwil, dhollpuri et autres. Pour les produits non-contrôlés, le gouvernement laisse la force du marché déterminer leur prix, c’est-à-dire qu’il y a un laissez-faire et que le gouvernement n’intervient pas. C’est le commerce qui prime. En ce qu’il s’agit des produits contrôlés, nous retrouvons le lait, le poisson ou la tomate en conserve, le fromage, l’huile, la margarine, les grains secs, les pâtes, les céréales, les couches pour bébé et adultes, le riz, le sanitizer ou encore les masques. C’est grâce à l’ACIM qui a demandé et redemandé que ce soit sous contrôle.

On accuse la pandémie, le fret, la guerre en Ukraine, etc. Est-ce justifié ? N’y-a-t-il pas une part de mauvaise foi dans tout ça ? 
Alors qu’ils étaient à un moment donné des facteurs qui impactaient le coût, on s’en sert même quand ces facteurs ne déterminent plus ces prix. Est-ce justifié ? Pas nécessairement et pas exactement, je dirai. La pandémie avait créé à un certain moment une rupture dans la distribution faisant que les produits n’arrivaient pas à temps et étaient plus chers. Le fret, oui, avait pris l’ascenseur, jusqu’à 700 %. Mais il y a aussi la taxe qui était imposée sur le fret. Le régime de taxation a joué dessus et continue à influer sur les prix. Par exemple, la guerre en Ukraine... Mais il y a très peu de produits importés de ce pays. Puis, on voit que le carburant commence à baisser drastiquement et ici le gouvernement et la State Trading Corporation continuent à maintenir le prix artificiellement et cela a définitivement un impact sur plusieurs autres produits et l’inflation. 

Recevez-vous plus de plaintes de la part des Mauriciens par rapport aux prix ces derniers temps ? 
Les Mauriciens se laissent faire aujourd’hui. Parce qu’ils se retrouvent devant des produits non-contrôlés et se disent qu’ils ne pourront rien faire. Moi, j’ai reçu une photo d’un supermarché où une laitue se vendait à Rs 300 dans une barquette, il y a deux mois. Puis on a vu qu’il y avait un prix affiché dans un commerce mais une fois en caisse, un autre prix est affiché sur le code-barres, c’est de l’arnaque. Mais les gens ne rapportent pas les cas. Ils doivent le faire. Par exemple, pour un seul et même produit, il y a un prix pour ceux qui paieront en cash et un autre prix plus élevé pour ceux qui paieront à crédit. C’est illégal. Les consommateurs peuvent diriger leur plainte au Citizen Support Unit, l’ACIM aussi et on fera le suivi. On va vers le ministère du Commerce pour des explications et on rapporte le cas également, si besoin est. Puis on demande des comptes aux autorités. On fait un suivi constant. Mais je dois dire que la performance du ministère du Commerce est très modeste – soyons diplomatique.

L’ACIM est-elle impuissante face aux prix exagérés ? Que fait-elle concrètement ? 
Nous sommes une ONG, nous n’avons pas beaucoup de ressources. Nous avons nos limites. Nous ne sommes que trois personnes et une vingtaine de volontaires et en ce qu’il s’agit des fonds... Cependant, nous avons une force de frappe médiatique qui influence, c’est cela notre force. 

Le coût du panier de la ménagère a grimpé de Rs 3 400, dit-on. Le chiffre n’est-il pas plus élevé, selon vous ? 
Les 20 % de personnes au bas de l’échelle dépensent quelque 45 % de leurs revenus dans l’alimentation, qui est primordiale pour eux. Plus les prix flambent, plus cela devient difficile pour eux. Je peux dire qu’il y a même des Mauriciens qui dépensent 60 % de leurs revenus dans la nourriture et que beaucoup de personnes ne mangent plus à leur faim aussi. Il faut également garder en tête que pendant la pandémie, il y a ceux qui ont perdu leur emploi ou un travail qui leur faisait gagner un peu plus d’argent... 

Les fêtes sont là et les abus aussi. Que fait l’ACIM pour les contrôler ? 
Encore une fois, nous ne sommes que trois personnes au sein de l’ACIM. Mais s’il y a des abus, il faut les dénoncer et c’est sûr qu’il y en aura en cette période de l’année. Les gens doivent se tourner vers les autorités et vers l’ACIM pour que des actions soient prises. 

Quels conseils donneriez-vous aux consommateurs pour que leur portemonnaie ne fasse pas une indigestion ? 
De n’utiliser leur carte de crédit qu’en cas de nécessité pour éviter les intérêts. De planifier un budget à ne pas dépasser. D’acheter uniquement ce qui est utile et d’éviter de se faire berner par de fausses promotions. Mais aussi de consommer le moins de packaging possible pour payer moins cher.