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Mᵉ Olivier Barbe: «C’est de la discrimination quand seuls les juniors se font gronder par la magistrature»
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Mᵉ Olivier Barbe: «C’est de la discrimination quand seuls les juniors se font gronder par la magistrature»
Le secrétaire général de la Middle Temple Association (MTA), Mᵉ Olivier Barbe, ne pratique pas la langue de bois par rapport à la relation entre les juges ou les magistrats et les hommes de loi. Il dénonce ce qu’il considère un système de «judicial bullying».
Lors de l’assemblée générale de la Middle Temple Association, qui s’est tenue au début de décembre, le «judicial bullying» a été évoqué. Qu’en est-il exactement ?
Le «judicial bullying», c’est quand un avocat se sent humilié ou intimidé par le Bench. Pour être plus précis, l’Advisory, Conciliation and Arbitration Service a décrit cette pratique comme «offensive, intimidating, malicious or insulting behaviour, an abuse or misuse of power through means intended to undermine, humiliate, denigrate or injure the recipient». Je dois préciser que dans toutes les professions, il y a des écarts de comportements de certaines personnes et la profession légale n’y fait pas exception. Heureusement, qu’il n’y a qu’une minorité qui agit de cette façon.
Avez-vous des cas précis en tête ?
Je peux donner des exemples mais sans mentionner de cas précis, par respect envers la cour. C’est vrai que parfois, des avocats se font gronder car ils n’ont pas fait leur travail comme il se doit et je peux comprendre les inconvénients que cela peut causer à la cour. Mais je pense qu’il faut un bon décorum... le magistrat ou le juge peut appeler poliment l’avocat en Chambre pour avoir des explications et s’il n’est pas satisfait, il peut référer l’affaire au Bar Council. Parler brutalement à un avocat ou lui hurler dessus en cour ne fait pas honneur à cette noble profession et c’est une entorse aux droits humains car c’est aussi la dignité de la personne, qui est en jeu. Un employeur n’a pas le droit d’humilier ou d’intimider son employé et, de surcroît, les avocats ne sont même pas les subordonnés du Bench. C’est de la discrimination lorsque seuls les juniors font l’objet de critiques par les juges ou magistrats en cour alors que les seniors en sortent indemnes. Mais une fois de plus, je dirai que beaucoup de magistrats et de juges sont très compréhensifs et courtois envers les jeunes du barreau.
Récemment, plusieurs avocats ont évoqué le manque de formation de la magistrature. Serait-ce une des causes ?
Oui, c’est peut-être une des causes. Une bonne formation de la magistrature, incluant le relationnel, aurait grandement aidé à résoudre ce problème. Il est grand temps d’instituer une école de la magistrature à Maurice.
Quelles peuvent être les autres raisons ?
Je pense que les conditions de travail peuvent aussi contribuer au problème. Il y a un gros souci de gestion des cas et les magistrats croulent sous la pression et le volume du travail. De plus, des mutations mal planifiées peuvent contribuer à cette situation, les magistrats devant jongler entre deux tribunaux pour en finir avec les cas en cours (ongoing cases), ce qui n’est pas évident.
Quels soucis cette attitude peut causer pendant un procès ?
L’avocat qui se sent humilié ou intimidé peut perdre ses moyens et, évidemment, c’est son client qui sera pénalisé. Indirectement, ce sera un déni de justice.
Comment, selon vous, la magistrature devrait améliorer ses relations avec les avocats ou même avec les nouveaux membres du barreau ?
Il y a un état d’esprit (mind set) qui doit aussi changer….. «there should not be a headmaster/student relationship» car le Bench et les avocats sont avant tout des collègues, chacun ayant son travail spécifique. Le Bench et les avocats ont tous un but en commun et c’est «the interest of Justice» ; le rôle des avocats en cour est de représenter leurs clients et le rôle du Bench est d’analyser les deux versions d’après les paramètres établis pour que justice soit faite. Le rôle du Bench n’a jamais été d’évaluer la performance des avocats ou de les réprimander. Il est impératif d’avoir un «Judicial Complaint Mechanism» comme en Angleterre pour soutenir les victimes du «judicial bullying» et je les encourage vivement à dénoncer cette «unprofessional conduct», qui entache la profession légale. Je salue la Middle Temple Association (Mauritius) qui, sous l’impulsion de son président Mᵉ Rashad Daureeawo, Senior Counsel, avait tiré la sonnette d’alarme à ce sujet depuis quelques années déjà et le Bar Council, qui a récemment organisé une conférence pour aborder ce problème. Le Bar Council et la Magistrates’ Association peuvent organiser des activités en commun «pour briser la glace.»
Mais si vous dites que les remarques faites à un avocat par un juge ou un magistrat doivent être traitées en chambre, ne serait-ce pas une perte de temps, étant donné que la séance d’un procès doit être levée pour permettre une conversation privée entre le magistrat et l’avocat ?
Le bon décorum et le respect d’autrui n’ont pas de prix. Il est à noter que l’éthique et l’étiquette sont des valeurs de la profession légale et le bon décorum en fait partie. Je citerai donc D.H Lawrence qui disait : «Ethics and equity and the principles of justice do not change with the calendar.»
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