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2022 : année marquée par les violations des droits humains

21 décembre 2022, 20:00

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2022 : année marquée par les violations des droits humains

Alors que se produisaient des cas choquants de tortures policières, de répression contre des activistes, d’attaques contre la liberté de la presse ou encore de dysfonctionnement au sein du système de justice, les moments d’espoir collectif étaient pratiquement inexistants. Ce dont le citoyen lambda se souviendra, c’est que l’année 2022 aura certainement été horrible pour les droits humains à Maurice.

Ces cas qui ont choqué toute la population

Avril : L’arrestation de Darren activiste suscite l’indignation

Ayant revendiqué son droit constitutionnel de manifester, Darren Activiste est arrêté dans l’après-midi du 22 avril à Camp-Levieux, après avoir lancé un ultimatum au gouvernement au sujet de la hausse du prix des carburants et du coût de la vie. Sous les yeux des personnes présentes et comme révélé par son avocat, Me Akil Bissessur, l’activiste est brutalisé par la police. Des vidéos montrant l’activiste frappé par la police – le nez saignant au moment de son arrestation – déclenchent un tollé général, avec une foule hostile rassemblée devant les Casernes centrales pour réclamer sa libération. Entre confusion et colère, les manifestants lancent des projectiles sur la police, qui réagit en utilisant du gaz lacrymogène. Cette réaction suscite la révolte des habitants de différentes régions, qui se mettent à brûler des pneus et des matelas en pleine rue. Le Premier ministre, en mission en Inde, intervient. Cependant, il fait référence aux émeutes survenues en 1999. Si son fameux «kot monn fote ?» résonnait encore, Pravind Jugnauth rejette la faute sur la population en affirmant cette fois-ci que de telles actions menées précédemment avaient conduit à la mort de Kaya et que les mêmes personnes qui étaient à l’origine de ces tristes incidents le font à nouveau, ce qui est une «honte», selon lui.

Juin : Vidéos choquantes de tortures policières

Pendant deux semaines, le pays assiste indigné à des actes de torture et de violence perpétrés par nul autre que des policiers – qui sont censés être le premier recours à la justice – à l’aide d’armes illégales comme le taser, à travers des vidéos postées sur les réseaux sociaux. Suite aux images divulguées par l’activiste-politicien Bruneau Laurette, les témoignages des victimes et de leurs proches, notamment de Christopher Pierre-Louis et David Jolicoeur, provoquent une onde de choc et de multiples plaintes sont déposées auprès de l’IPCC. L’ONG United for Human Rights loge également des plaintes, et des médias internationaux comme TV5 Monde ne restent pas insensibles non plus face à ces actes injustifiables. L’inspecteur Deerochoonee, le sergent Reedoye et le constable Gokhool, attachés à la CID de Terre-Rouge, sont arrêtés pour «tor- ture by public official». Sept policiers impliqués dans cette affaire sont transférés.

• «Polico Crapo» et ses paroles qui dérangent

Trois personnes sont arrêtées pour avoir écouté ou fredonné cette chanson car selon la police, elle contiendrait des «jurons». Parmi les personnes arrêtées, un marchand de glaces. L’un des chanteurs du groupe 666 Armada, Ivander Jummun, est, lui, convoqué et entendu par la Major Crime Investigation Team (MCIT) aux Casernes centrales. Selon son avocat, la police lui reproche d’avoir interprété cette chanson lors d’un mariage devant des femmes et des enfants. Raquel Jolicoeur, lui est toujours en détention après une saisie suspecte.

Août : Enter la «Special Striking Team» de l’ASP Ashik Jagai

Alors qu’une supposée «hit list» contenant les noms des opposants clés du gouvernement tels que des membres de l’opposition, journalistes et activistes, mais qualifiée de fausse par la police, circulait déjà, l’avocat Akil Bissessur et sa compagne, Doomila Moheeputh, sont arrêtés pour trafic présumé de drogue le 19 août au domi- cile de cette dernière, à Palma. 52 grammes de drogue synthétique d’une valeur de Rs 260 000 sont saisis. L’opération est menée par la «Special Striking Team» de l’assistant surintendant de police (ASP) Ashik Jagai. Peu après la diffusion en direct d’une vidéo sur la page Facebook de l’avocat Akil Bissessur au moment de son interpellation musclée, une partie de l’intervention policière circule en vidéo sur les réseaux sociaux.

Mais ce qui frappe l’œil et surtout suscite la colère des gens dans ce cas, c’est la violation du droit à la vie privée et du respect à travers la fuite de photos et vidéos intimes du couple, à la suite de l’examen du téléphone portable de Doomila Moheeputh par la police. Selon Akil Bissessur, ce serait un «exhibit officer» qui aurait filmé les vidéos en question sur son téléphone à lui avant de les faire circuler. Les associations socioculturelles ainsi que la ministre Kalpana Koonjoo-Shah finissent par condamner toute diffusion et exposition d’images dans de telles situations.

Octobre : Rapport accablant de l’enquête judiciaire dans l’affaire Kistnen

Deux ans après le meurtre de l’ex-agent du MSM Soopramanien Kistnen, le rapport de la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath conclut à un homicide et écarte complètement la thèse du suicide. Entre autres, la magistrate s’interroge sur la raison pour laquelle la police, notamment le sergent Mosafeer, premier policier arrivé sur les lieux, ne s’est pas posé de questions compte tenu de la position du corps de Kistnen et surtout du fait que son dos n’était pas brûlé. Elle recommande ensuite qu’une enquête soit menée sur la manière «obscure» dont l’autopsie a été faite. À noter que le médecin légiste, le Dr Ananda Sunnassee, qui avait pratiqué l’autopsie de Soopramanien Kistnen le 19 octobre 2020, avait tenté de faire croire que Kistnen était mort asphyxié par la fumée qu’il aurait inhalée. Également en cause, le délai mis par la police pour accéder aux images (automatiquement effacées) de Safe City afin de découvrir qui avait transporté le corps de Soopramanien Kistnen à Telfair, et le fait que la police ait envoyé le téléphone au département informatique de la police et non au FSL pour analyse. Quant à nos dirigeants, loin de s’inquiéter de ce rapport, on les voit se contenter de leur habituel «honteux» qu’un tel document ait pu être rendu public, comme l’affirmera Maneesh Gobin.

Novembre : La Special Team «strikes again»

Alors que le rapport de la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath a conduit à une manifestation le 29 octobre, une semaine plus tard, l’arrestation de Bruneau Laurette devient l’événement majeur de ce mois de novembre. Une semaine après la manifestation – au cours de laquelle l’activiste-politicien a fait des révélations troublantes sur le naufrage du «Wakashio» ainsi que sur la «Special Striking Team» –, Bruneau Laurette et son fils, Ryan, sont arrêtés à leur domicile à Petit-Verger et emmenés aux Casernes centrales, après que la «Special Striking Team» aurait découvert 42 kg de haschisch d’une valeur de Rs 210 millions dans le coffre de sa voiture, immatriculée JR 12 et deux pistolets, chez lui.

Et pendant que les débats sur cette arrestation ont lieu à la cour de Moka, une nouvelle présumée «hit list» circule. Trois journalistes du groupe Défimedia et le directeur de Top FM consignent une «precautionary measure» au poste de police de Pope Hennessy, disant craindre pour leur sécurité vu que leurs noms figurent sur cette liste. On voit aussi un montage photos publié sur les réseaux sociaux, où les visages du journaliste Axcel Chenney et de Nad Sivaramen, directeur des publications de La Sentinelle, ainsi que d’Al-Khizr Ramdin et Nawaz Noorbux du groupe Defimedia figurent, avec l’inscription BLD – Baron La Drogue. L’organisation internationale pour la protection des journalistes, Reporters Sans Frontières, intervient pour demander aux autorités de prendre des mesures pour mettre fin au cyber-harcèlement contre les journalistes à Maurice.

Affaire Attock : merveille des caméras, problème dans «plantation».

Et si plusieurs (dys)fonctionnements du système de justice semaient déjà le doute dans l’esprit de la population, en voici un qui a accentué le ras-lebol. Après l’arrestation de Wayne Indiano Attock pour trafic de drogue présumé après la saisie de 78,8 grammes d’héroïne d’une valeur marchande estimée à environ Rs 1 million, son avocat, Me Rama Valayden, dévoile les images de caméras de surveillance à la presse, accusant la police d’avoir placé cette drogue au domicile des Attock au moment de la perquisition, et réclamant ainsi la dissolution de l’ADSU et de la «PHQ Striking Team». Sur les images, on aperçoit des policiers en train de scruter le salon des Attock, visiblement à la recherche de caméras. Puis, on voit un policier «planter», semblerait-il, quelque chose sous le canapé avec la complicité d’un de ses collègues, alors que Wayne Attock a le dos tourné. Ensuite, un autre policier va déplacer le même canapé pour découvrir «la chose». Il ramasse le petit colis à mains nues, avant de le dérouler et montrer au suspect et aux autres policiers présents. Cette affaire a incité de plus en plus de Mauriciens à acheter des caméras de surveillance, selon des revendeurs.