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Mauriciens de l’année: ils nous font croire dans l’humain
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Mauriciens de l’année: ils nous font croire dans l’humain
Cinq Mauriciens, cinq comme les doigts de la main. Ils ont tous fait des choses différentes, mais toutes ces choses mises ensemble nous confortent dans l’humain. Avec eux, on se plait à croire dans l’intégrité, qu’un avenir meilleur est possible. Les personnalités que l’express honore cette année sont la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath, Nishal Joyram, Mahmad Bandhoo, Ramapatee Gujadhur et l’activiste et politicien Bruneau Laurette.
Me Vidya Mungroo-Jugurnath :Entre courage et absence de complaisance
Une partie du rapport de la magistrate Vidya MungrooJugurnath a fuité en octobre 2022, notamment concernant ses principales conclusions sur l’affaire Kistnen. Ce rapport a permis de faire connaître le courage de la magistrate ainsi que son absence de complaisance envers la police et certains hommes de pouvoir.
Il est vrai que, lors de l’enquête judiciaire, les arguments et les preuves contre ces derniers étaient très forts. Il est également vrai que Vidya Mungroo-Jugurnath a exercé ses talents de procureur avec l’aide, bien sûr, d’avocats comme le représentant du DPP, Azam Neerooa. Lors de l’enquête judiciaire de 2021, elle nous avait déjà impressionné par son refus de se laisser intimider par l’ex-ministre Sawmynaden, les hauts gradés de la police et, surtout, de la Senior Counsel Narghis Bundhun.
Indépendante, impartiale et sans peur ni reproche
Sa rédaction du rapport a suivi la même ligne de conduite, c’est-à-dire indépendante, impartiale et sans peur ni reproche. Ses commentaires sur la police auront sans doute provoqué pas mal de remue-ménage aux Casernes centrales et, probablement, le transfert de certains hauts-gradés de la force policière. Ce qui est sûr, c’est que le rapport a confirmé ce que toute la population suspectait : un assassinat maquillé en suicide sur fond de règlement de compte politico-financier. D’ailleurs, le rapport a aussi beaucoup mentionné d’autres scandales liés à cette affaire, à savoir des achats et des contrats sous l’Emergency Procurement durant le Covid-19. Vidya Mungroo-Jugurnath a, d’ailleurs, recommandé que des enquêtes soit faites plus en profondeur sur ces magouilles financières.
Il est assez rare de voir un membre de la magistrature se prononcer d’une façon aussi indépendante, notamment envers la police et le gouvernement. Ce qui importe pour Vidya Mungroo-Jugurnath est d’avoir servi la vérité et rien d’autres. Elle a été transférée peu après au tribunal de Bambous alors que certains s’attendaient à la voir muter à la cour intermédiaire.
À savoir que Me Vidya Mungroo-Jugurnath a prêté serment comme avocate le 23 septembre 2010 devant l’ex-chef juge Bernard Sik Yuen. Après avoir pratiqué au barreau, elle a réintégré le bureau du Directeur des poursuites publiques. Le 1er juin 2018, la Judicial and Legal Service Commission l’a nommée magistrate, et elle a prêté serment devant l’ex-chef juge Keshoe Parsad Matadeen. En septembre 2020, elle a été mutée au tribunal de Moka, où elle est très appréciée par le personnel. Elle est également l’épouse du fils de l’ex-directeur de l’Audit, Raj Jugurnath, qui, après sa retraite, avait été nommé Chief Executice Officer du Sugar Insurance Fund Board.
Approvisionnement en eau
Mahmad Iqbal Bandhoo :Celui qui aurait pu mieux maîtriser la situation
Il n’y a pas un jour qui passe sans qu’on ne parle de l’approvisionnement en eau à Maurice. Une situation catastrophique, disent certains, dont ceux qui sont aux commandes de la Central Water Authority (CWA). Une occasion pour l’express de saluer le travail de l’homme de la situation, Mahmad Iqbal Bandhoo.
Saviez-vous que le pays a vécu de pires moments qu’aujourd’hui quand il s’agit de la pénurie d’eau? C’était en 1999! Sans les réservoirs de Midlands et de Bagatelle. Dommage que des personnes compétentes ne soient plus à la tête de la CWA. Parmi elles, Mahmad Iqbal Bandhoo qui est à la retraite depuis le 19 septembre dernier, après avoir passé plus de 43 ans à la CWA.
La veille de son départ à la retraite, le 18 septembre, nous avons appelé Mahmad Iqbal Bandhoo. Il était de service dans les appartements de la National Housing Development Company (NHDC) de Bambous. Un homme d’une telle expérience n’a plus sa place à la CWA, même pas en tant que contractuel, alors qu’il se prépare à se rendre à Moroni, aux Comores, un pays qui fait également face au problème d’eau. C’est une compagnie privée qui finalise son déplacement dans l’archipel de l’océan Indien.
Un parcours semé de réussite
Mahmad Bandhoo a été recruté à la CWA le 11 novembre 1979 comme accounts clerk. Il travaillait à Port-Louis. Il a obtenu plusieurs promotions et, lorsqu’il est devenu connu des habitants des régions de l’île, il était le responsable de l’Emergency Cell Coordinator. Il dirigeait une équipe de 40 personnes et l’unité avait son propre budget. En tant que responsable, il a travaillé dans tous les coins et recoins du pays. Il connaît toutes les régions, et il a obtenu plusieurs trophées de villageois, en reconnaissance pour son travail. Il était connu comme l’homme de la situation. Quand il y avait des émeutes dans certaines régions à cause de coupures d’eau, il pouvait y aller facilement, car les gens savaient qu’il allait régler leurs problèmes.
Ashil Ramkissoon, un conseiller du village de Grand-Gaube, se souvient qu’il y a une dizaine d’années, des habitants étaient descendus dans la rue pour protester contre une pénurie d’eau. «Mahmad Bandhoo est venu au village avec une équipe vers 22 heures. Il a dit qu’il ne quittera pas les lieux avant qu’il ne puisse accomplir sa mission, celle de faire couler les robinets. Et, vers 4 heures du matin, les robinets ont commencé à couler.» Le conseil de village l’a honoré pour son dévouement à la cause de ceux qui ont souffert de problèmes d’eau.
Père de deux fils, Mahmad Bandhoo soutient qu’il a encore de l’énergie pour travailler. Il se souvient qu’il y a six ans, il avait fait placer six kilomètres de tuyaux de 200 millimètres de diamètre dans le Sud. Mais ce projet n’a pas eu de suite car, on disait qu’il y aurait le barrage de Rivière-des-Anguilles. Un réservoir dont on parle depuis des décennies. Anne, ma sœur Anne…
Hippisme
Ramapatee Gujadhur:fidèle à ses convictions jusqu’au bout
Il l’avait annoncé à qui voulait bien l’entendre que la saison hippique 2023 se ferait sans lui. En homme de parole, Ramapatee Gujadhur n’est pas revenu sur sa décision au terme de la dernière campagne, qui a vu la fermeture de l’écurie Gujadhur après 118 années de présence sur le turf mauricien.
Si la majorité des turfistes le connaissent comme le patron de la plus vieille écurie du turf, il faut savoir que «Soon» a connu une carrière professionnelle remplie avec une carte de visite plus qu’impressionnante pour celui qui soufflera ses 78 bougies en mars prochain. Employé de banque pendant une trentaine d’années, Ramapatee Gujadhur a gravi les échelons au sein de la MCB Ltd, où il a, entre autres, officié comme Head of Organisation & Methods, Import and Legal departments, Accountant and Executive Officer de la MCB Finance Corporation Ltd, une subsidiaire de la MCB, mais aussi en charge de l’Audit and Security, avant de rejoindre le Top Management de la banque, s’occupant du loan portfolio des traders.
Retraité depuis 2003, il demeure un Associate Member de l’Institute of Bankers in England and Wales. Directeur du conseil d’administration d’Air Mauritius Ltd pendant 13 ans, celui qui est également l’un des directeurs de la MTML Ltd et de Medine Ltd, a été élevé au rang de Commander of the Star and Key of the Indian Ocean en 2008. Il était à la tête de l’écurie Gujadhur depuis 2002, une épopée qui l’a vu glaner d’innombrables titres.
SES HAUTS FAITS DANS LE MONDE HIPPIQUE
<p> 585 victoires en tant qu’entraîneur </p>
<p>2 titres d’entraîneur champion</p>
<p>2 titres d’écurie championne</p>
<p> «Top Owner» à 5 reprises</p>
<p> 24 victoires classiques</p>
Mais ce que retiendra surtout le giron hippique de Ramapatee Gujadhur, c’est bien son franc-parler légendaire, quitte à offusquer certaines sensibilités, mais sans pour autant garder rancune envers quiconque, comme il l’a d’ailleurs fait comprendre au cours d’une de ses dernières interventions médiatiques. A ce titre, on retiendra le fameux «not everyone is for sale» à l’issue du dernier rendez-vous hippique de l’écurie Gujadhur début décembre pour évoquer les raisons derrière son départ de la scène hippique.
Car il serait bon de souligner que Ramapatee Gujadhur s’est toujours refusé de s’associer au nouvel organisateur, la People’s Turf, et ce malgré tous les avantages pécuniaires qui s’y rapportent. Un choix qui honore l’homme, surtout quand on connaît toutes les difficultés financières que cette décision a entraîné dans son sillage pour l’écurie Gujadhur. Aussi, l’homme fort de cet établissement n’a jamais fait mystère de sa désapprobation de la nouvelle direction qu’a donnée le gouvernement aux courses hippiques avec notamment la mise en place de la Horse Racing Division.
«Ce n’est pas de gaieté de coeur que je pars», avait déclaré le principal intéressé à la publication Racetime. Mais cette décision courageuse se devait d’être prise tôt ou tard. L’histoire retiendra ainsi que Rampatee Gujadhur n’a pas reculé devant ses responsabilités, restant fidèle à ses convictions en sanctionnant le retrait de la plus vieille écurie du turf de la scène hippique. «When the curtain falls, one must withdraw,» a-t-il expliqué. Une décision, pour le meilleur ou pour le pire, mais que Ramapatee Gujadhur assume entièrement.
Activisme
Bruneau Laurette : le militant rassembleur
Bruneau Laurette, l’activiste politicien, s’est fait connaître du grand public après le drame du MV Wakashio en août 2020. En deux ans, sa popularité a grandi, et il est devenu l’incarnation d’un militant rassembleur pour ceux qui lui sont fidèles. Le 4 novembre, le jour de son arrestation, le pays en entier a été frappé par sa volonté de résister à une «machination politique» ayant pour but de freiner son combat. «Nous n’allons pas baisser les armes car nos armes sont la vérité», dira-t-il.
Bruneau Laurette, l’homme de fer aux bras musclés, était déjà connu parmi les VVIPs, ayant animé des séances de formation en combat rapproché pour des policiers et des militaires. En août 2020, le naufrage du MV Wakashio le projette sur le devant de la scène quand il évoque des zones d’ombre dans cette affaire. Ayant une grande connaissance en sécurité maritime, il dénonce des anomalies dans la gestion de la crise du vraquier drossé. Il intente même une private prosecution contre les ministres Kavy Ramano et Sudheer Maudhoo. Sa demande rejetée, il ne s’arrête pas là. Fort de son expérience dans le domaine et convaincu que la vérité doit éclater, il poursuit ses recherches et son enquête. Il porte plainte contre les membres de la salvage team et de la National Emergency Operations Command pour leur mauvaise gestion du dossier. Bruneau Laurette dépose même devant la commission d’enquête instituée pour faire lumière sur les circonstances entourant le naufrage du MV Wakashio.
Refus de se plier «à la dictature du régime en place»
Pour frapper les esprits, Bruneau Laurette organise une marche de protestation, le samedi 29 août, faisant appel à une mobilisation générale. Il y dévoile ses qualités de rassembleur, et la marche du 29 août connaît une affluence record dans l’histoire contemporaine de Maurice. La diaspora mauricienne organise même des rassemblements dans plusieurs pays, en parallèle à la marche pacifique menée par Bruneau Laurette à Maurice. Depuis, la mouvance de Bruneau Laurette ne laisse personne indifférent. En quelques mois, il devient l’auteur de nombreux rassemblements, défendant plusieurs causes sociales. Son activisme, son audace et sa rectitude transpirent dans l’affaire Kistnen, quand il rend public les Kistnen papers sur les réseaux sociaux. Entre-temps, Bruneau Laurette mène plusieurs autres combats, notamment contre la hausse du prix du carburant et la demande de démission de Yogida Sawmynaden devant le Parlement.
En février 2021, l’activiste politicien tient aussi une marche avec d’autres partis politiques dans les rues de la capitale. Bruneau Laurette est devenu l’incarnation d’un peuple qui refuse de se plier «à la dictature du régime en place». Actif sur les réseaux sociaux, il est également celui qui publie les vidéos de torture par des policiers, et celles de la perquisition chez l’avocat Akil Bissessur. Sans oublier, les Diary Book entries du shelter l’Oiseau du Paradis. L’activiste s’engage sur le plan politique en 2021 en créant son parti Linion Sitwayin Morisien. Il se joint par la suite à Linion Pep Morisien, avec Rama Valayden, Dev Sunnasy et Jean Claude Barbier, avant de se retirer, le 5 août.
Dans son combat contre la corruption, il entame une autre action le 29 octobre, soit cinq jours avant son arrestation, en tenant une manifestation à la place d’Armes à PortLouis. N’ayant pas froid aux yeux, devant une centaine de personnes, il fait des révélations troublantes sur la Special Striking Team (SST) et son responsable, l’ASP Ashik Jagai. L’activiste est, cependant, conscient que ses actions auront des répercussions, et déclare haut et fort «qu’aller en prison ne lui fait pas peur». Le 4 novembre, Bruneau Laurette et son fils Ryan sont arrêtés pour possession et trafic de drogue, et possession d’armes illégales, après une fouille de la SST.
Aujourd’hui, en prison, il maintient qu’il ne baissera pas les bras dans son combat et se dit victime d’une arrestation politique. Dans ses souhaits de fin d’année, le 16 décembre, du banc des accusés au tribunal de Moka, il dira d’ailleurs : «Si mo sezur en prison pou permet dimoun kompran dan ki kalité system nou pe viv, mo pou fer li».
Cherté de la vie
Nishal Joyram : faim et soif de vaincre le prix des carburants
Cet enseignant nous a donné une leçon. Nishal Joyram a fait une grève de la faim sur le parvis de la cathédrale SaintLouis pendant 22 jours. Il a été contraint d’arrêter le 7 décembre dernier quand sa santé s’est détériorée. «C’est la demande de toute la population et non juste la demande de Nishal Joyram. Le prix des carburants a chuté sur le marché international; le gouvernement doit faire un effort», n’a-t-il cessé de clamer.
À sa sortie de la City Clinic, où il a été admis après la grève, Nishal Joyram a affirmé qu’il compte poursuivre le combat «autrement. La balle est dans le camp du gouvernement». Affaibli et en fauteuil roulant, il a souligné que son combat n’est pas contre le régime MSM, mais contre la cherté du prix des carburants.
De chouchou de la famille à l’espoir des consommateurs
Qui est ce professeur de mathématiques et de physique, du collège Medco Cassis, qui est brusquement sorti de l’anonymat ? Quand Vishwanee Shatee Joyram parle de son frère, elle dit qu’il a 44 ans, et qu’il est le benjamin d’une famille de quatre enfants originaire de Surinam, où le père avait une boutique. «Étant le seul garçon avec un écart d’âge important avec ses sœurs, il était le chouchou de la famille.» Elle le décrit aussi comme étant très humble.
Pour sa part, Nad Sivaramen raconte : «Nishal a fait ses études au collège du St-Esprit où il est connu comme discret, solidaire et bienveillant.» Il a poursuivi des études supérieures à Maurice et au Canada. «Pour moi, Nishal est un éternel étudiant. Il fait actuellement des études en droit. Il a également une connaissance profonde des livres sacrés, d’où il puise sa force et exprime la profondeur de son âme», poursuit Vishwanee. Elle ajoute que, «malgré sa douceur, Nishal était un enfant un peu rebelle, avec des idées hors-norme. Adulte, il est toujours ainsi. À l’adolescence, il est devenu végétarien et spirituel. Ce qui, à l’époque, a causé pas mal d’agitations dans la famille. Plus tard, il a épousé Nathalie, qui fut un acte très courageux de sa part, démontrant que, pour lui, l’amour n’a pas de frontières».
Un autre proche, Alain Malherbe, parle de Nishal Joyram comme de quelqu’un d’entier. «Quand il a commencé sa grève de la faim, j’étais le premier avec lui. J’essayais de l’en dissuader.» Disant non à son ami, Nishal a ajouté : «Au nom de notre amitié, ne me demande pas de ne pas me battre pour le peuple, je dois le faire... » Alain Malherbe déclare : «J’ai vite compris qu’il avait une détermination à toute épreuve.»
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