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Joshita Lutchoomun, de Save Soil: «On perd environ l’équivalent d’un terrain de foot de ‘topsoil’ chaque seconde»
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Joshita Lutchoomun, de Save Soil: «On perd environ l’équivalent d’un terrain de foot de ‘topsoil’ chaque seconde»
On parle beaucoup de la qualité de l’air et de l’eau, mais très peu du sol. Pourtant, c’est tout aussi important ?
La terre, dans le sens du sol que nous cultivons pour notre subsistance, est tout aussi polluée par les produits chimiques. Mais ce qui est plus préoccupant, c’est son appauvrissement. Il faut savoir que ce n’est qu’une couche de 13 à 25 cm du sol qui contient les nutriments indispensables aux plantes et aux arbres. Et cette terre se dégrade de jour en jour et certaines régions se désertifient même.
Quelle est la superficie affectée chaque année ?
Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, on perd environ l’équivalent d’un terrain de foot chaque seconde. À ce rythme, 90 % de la couche arable (topsoil) sera à risque en 2050. D’après les experts, il nous faudra un millier d’années rien que pour créer quelques centimètres d’épaisseur de topsoil et aider à la restauration de la terre.
Et à Maurice ?
Pour qu’un sol soit considéré comme fertile, il doit contenir au moins 3 à 6 % de matières organiques. Nous avons, il y a quelques mois de cela, procédé à l’analyse de 50 échantillons provenant des quatre coins de l’île. Nous avons constaté qu’en moyenne, le taux de matière organique est inférieur à 1,8 %. Très peu d’agriculteurs luttent pour conserver les matières organiques dans leur terre. Si les gros planteurs ne le font pas et sans l’implication du gouvernement, notre sol se dégradera d’une manière continuelle. Notre campagne de sensibilisation vise à rétablir un taux de 3 à 6 % de contenu organique.
Plus on bétonne et on asphalte, plus la superficie de terres arables diminue…
Nous ne sommes pas contre le développement, tant qu’il aide à améliorer la qualité de la vie. Mais plus on bétonne et asphalte, moins il y aura de terres cultivables et plus il y aura de cultures intensives qui dégradent encore plus le sol.
Les Mauriciens ont de moins en moins de potagers et de parterres fleuris…
C’est vrai. Cependant, je pense que plus les gens comprendront l’importance de la terre, plus ils conserveront le maximum de terres cultivables. Il existe des lois pour un minimum de green space mais qui ne prévoient que 2 % d’espaces verts obligatoires dans les développements (morcellements et autres). C’’est ridicule. Il y a aussi une limite de 40 % de construction sur le terrain, mais souvent le reste est bétonné ou asphalté. Il y a un manque important d’architectes-paysagistes dans les équipes de développement.
Comment se dégrade le sol ?
On ne rend pas ce que l’on a ôté du sol. On plante des légumes, des céréales et même du gazon, mais après la récolte ou la tonte du gazon, on se débarrasse de ce qui reste dans les poubelles et, direction Mare-Chicose, où l’on estime que 60 à 70 % de déchets sont organiques.
L’effort doit donc venir des citoyens aussi ?
En l’absence de mesures incitatives, le citoyen devrait agir en responsable et trier ses déchets en conservant les déchets organiques pour enrichir leur sol, qu’il soit un jardin ou un parterre de gazon. Cela soulagera considérablement Mare-Chicose et les stations de transfert et réduira aussi le ballet de ces camions remplis de déchets sur nos routes.
Et ceux et celles qui n’ont pas de jardin ?
Leurs restes de matières organiques devront être collectés par le service de voirie. Les services publics peuvent organiser ou sous-traiter le compostage de ces déchets.
Faut-il alors nécessairement stocker les feuilles et autres épluchures de légumes dans un composteur ?
C’est mieux. Mais pour ceux qui n’ont pas le temps ou ne trouvent pas le temps de composter, pourquoi ne pas mettre dans un coin, et pour les feuilles, les utiliser comme paillage et engrais ? Sinon, il faudra songer à installer des composteurs dans des lieux publics.
Cela ne va pas attirer des petites bestioles comme les rats ?
Non, le compost n’attire pas les rongeurs. Il attire des microorganismes et des vers qui aideront à fertiliser la terre. Le ver est essentiel aussi pour aérer le sol. Avez-vous remarqué que le ver de terre se fait rare ? Savez-vous qu’une cuillérée de terre contient plus de 8 milliards d’organismes vivants ? Il y a tout un écosystème sous nos pieds. Sans lui, la vie sur terre sera inexistante. Et l’humus a toujours été utile pour régénérer la flore et la faune.
L’appauvrissement du sol et la déforestation peuvent-ils mener à la désertification ?
Le sol, c’est du sable et des organismes. Sans ces organismes, il devient du sable. Un sol dégradé deviendra un désert.
Lorsque l’on constate combien nous sommes pourvus en alimentation, on pourra difficilement croire que dans 60 ans, la terre ne produira plus rien, non ?
L’appauvrissement du sol se fait graduellement et est donc peu perceptible. Mais il faut voir la qualité du sol qui se dégrade sans que l’on s’en rende compte. Avec un sol dégradé, on aura une alimentation dégradée. Une étude publiée dans le British Food Journal a démontré que sur 20 légumes, le contenu en calcium a diminué de 19 % entre 1930 et 1980, le fer 22 %, le potassium 14 %. Pour obtenir la même quantité de vitamines que ma grand-mère avait en mangeant une orange, je dois en manger huit.
Or, nous n’avons pas la capacité de consommer autant d’aliments et il deviendra de plus en plus difficile d’en cultiver en grande quantité. Il ne faut pas oublier non plus que la barre de huit milliards d’êtres humains vient d’être franchie. Il y aura davantage de bouches à nourrir. Et on n’a pas mentionné l’importance de l’eau aussi dans toute cette optique de protéger le sol, qui nécessite une vision holistique de l’écosystème.
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