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Franklin et les vidéos: lire entre les lignes pour essayer de comprendre
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Franklin et les vidéos: lire entre les lignes pour essayer de comprendre
Il ne sait pas lire mais il comprend… Les mots prononcés par Franklin, dans un entretien accordé à certains médias, sont devenus cultes. S’il affirme qu’il n’est mêlé à aucun trafic, qu’il ne connaît pas Jagai, on apprenait qu’il est «wanted» à La Réunion. Ce qu’il nie également… L’homme aurait donc un homonyme, ironisent d’aucuns… Which is which?
Jean Hubert Celerine, alias Franklin, poursuit «l’express» pour diffamation et réclame Rs 25 millions de dommages. Il soutient, entre autres, qu’il n’a jamais été impliqué dans un quelconque trafic de drogue, qu’il n’a jamais été convoqué pour une affaire de drogue et qu’il n’y a aucun mandat d’arrêt contre lui à l’île sœur. Pourtant la presse réunionnaise le cite bel et bien. A-t-il un homonyme ? Ou y-a-t-il deux Jean Hubert Celerine, connus comme «Franklin de Maurice» ? Qui est-il ? Que sait-on de lui jusqu’ici ?
La déclaration de Bruneau Laurette le 29 octobre, lors d’une marche citoyenne dans la capitale, a-t-elle été l’élément déclencheur de son arrestation, suivie des révélations sur Jean Hubert Celerine, alias, Franklin ? Avec les échanges à la cour de Moka, plus d’un est d’avis qu’il existe un lien entre ces événements.
D’ailleurs, Me Shakeel Mohamed a déclaré lundi dernier que son client avait, le 29 octobre 2022, lancé de graves accusations contre la Special Striking Team (SST) et l’ASP Jagai. «C’est cette même équipe qui utilisera des moyens douteux pour arrêter leur accusateur le 4 novembre suivant !» Il y a eu d’autres indications culminant par la vidéo mise en ligne le 6 janvier pour attirer l’attention sur Franklin sous le titre «Akoz samem in aret Bruneau»…
Si lors du rassemblement du 29 octobre, Bruneau Laurette n’avait pas cité le nom de Jean Hubert Celerine ou Franklin, la vidéo du 6 janvier aurait fait le lien avec ce qu’il avait dit ce jour-là et l’implication présumée de Franklin. D’où la décision de ce dernier de faire une vidéo explicative le samedi 14 janvier. Il y a eu entre-temps d’autres batailles médiatiques comme la vidéo qui circulait en novembre dernier, où l’on pouvait voir un toxicomane qui établissait un lien entre ce que disait Bruneau Laurette, et la SST. Le lendemain, la même personne apparaîssait dans une autre vidéo où cette fois elle accusait des avocats de l’avoir poussée à faire des accusations contre Ashik Jagai, contre Rs 5 000. Il y a aussi une autre vidéo, toujours après l’arrestation de Bruneau Laurette, où l’on pouvait voir un homme au crâne rasé qui promettait de mettre Jagai «dan kaso». Encore une autre vidéo est apparue, dans laquelle l’on peut voir le même homme, qui semble être passé par un cyclone entre-temps, présenter des excuses à «Monsieur Jagai» pour tout ce qu’il avait dit.
Doutes et interrogations
Mais revenons sur la vidéo du 6 janvier qui a entraîné la conférence de presse couverte par deux titres de presse, le 14 janvier. Les explications et les réponses parfois contradictoires de Franklin ont fini par susciter doutes et interrogations. Pourquoi l’ICAC était-elle satisfaite des explications de Franklin dans une affaire de blanchiment d’argent ? Pourquoi a-t-il dû payer la Mauritius Revenue Authority ? Pourquoi Franklin a-t-il accepté de remettre Rs 75 000 ou Rs 100 000 par mois – on ne sait pas combien de fois – à Bruneau Laurette, alors qu’il a dit dans la même entrevue qu’il avait dit à l’activiste qu’il n’avait pas besoin de protection car «[mo] pa dan trafik [mwa]» ? Pourquoi Franklin, au lieu de se défendre des accusations contenues dans la vidéo du 6 janvier, a-t-il lancé des accusations contre Bruneau Laurette ? Pourquoi a-t-il dit :«Je ne sais pas lire mais je comprends», en montrant des messages qu’il aurait reçus de Bruneau Laurette ? Pourquoi a-t-il dit qu’il ne connaît pas un certain Jean Paul, alors que d’après plusieurs personnes, il le connaissait bien ? Franklin a aussi déclaré qu’il bénéficie d’un bail d’un terrain de l’État où il élève des animaux, notamment des vaches et des boucs, selon nos renseignements.
Franklin affirme aussi «fran-fran» qu’il n’a jamais eu de problèmes avec la police concernant le trafic de drogue. Pourtant, on a retrouvé plusieurs articles de la presse réunionnaise où son nom est clairement cité après qu’il ait été condamné avec un certain Nono, un autre Mauricien, pour trafic de drogue en 2021. Le 5 mai 2019, le Journal de l’île avait, dans un article ayant pour titre Trafic de stupéfiants entre Maurice et La Réunion – Franklin dame le pion à la Toto connection, expliquait comment les gendarmes avaient découvert un trafic de drogue de grande ampleur en décembre 2017 avant de saisir 150 kg de zamal en avril 2018, suite au démantèlement du réseau. Au total, il y a eu sept interpellations, dont trois détentions. On évoquait aussi un volet international dont «le sommet de la pyramide, identifié comme un certain Franklin pour le compte duquel cinq voyages au moins se sont produits, ne semble toujours pas avoir été inquiété pour l’heure à l’île sœur (NdlR, Maurice».
Puis, le 3 juillet 2021, dans le même journal sous le titre, ils inondaient Maurice en zamal péi, le nom de Franklin est cité en grand… «Un Mauricien dont le nom apparaît déjà dans d’autres trafics, et qui sera formellement identifié par la suite. Le nom de Jean Hubert Célerine apparaît déjà aux côtés de celui du skipper Mike Brasse, pierre angulaire de la Toto connection, dans une vaste affaire de blanchiment. Dans ce petit univers qui navigue en eaux troubles, c’est le skipper surnommé Nono qui se chargeait cette fois, et en compagnie de Franklin, de faire transiter le zamal entre les deux îles. Lui aussi sera formellement identifié, mais reste à ce jour à priori libre sur l’île sœur...» L’article faisait ressortir que Franklin et Nono, les deux Mauriciens, ont été condamnés à sept ans de prison à La Réunion et qu’un mandat d’arrêt a été émis à leur encontre.
Ce n’est pas tout. Le même Franklin a plaidé coupable le lundi 16 janvier dans une affaire d’agression contre un certain J.E. Pourtant, dès son retour à Maurice – alors qu’il revenait de Madagascar – samedi soir, il n’a pas été inquiété, ni par la police des frontières ni par la police régulière. Dans sa vidéo le même soir, il annonçait aussi qu’il allait faire une déposition à la police le jour-même. Or, aucune déposition ne sera faite cette nuit-là. Pourquoi ? D’après nos informations, les policiers du poste de Rivière-Noire lui auraient conseillé de ne pas faire la déposition car il y avait un mandat d’amener pour l’agression de J.E, et qu’il serait arrêté et conduit en cellule.
Le lendemain, Franklin aurait déposé une main courante aux Casernes centrales et il en est ressorti libre, alors qu’il aurait dû être arrêté. Plusieurs policiers nous ont cependant assuré qu’il a bel et bien déposé la main courante. Ce n’est que le lundi qu’on a vu et entendu Franklin, accompagné de son avocat Me Yatin Varma, aller déposer une plainte formelle aux Casernes centrales concernant la vidéo qui l’aurait diffamé. Pourquoi n’a-t-il pas été arrêté sous le mandat d’amener ? Explication : Franklin venait de comparaître le matin au tribunal de Bambous pour agression où il a plaidé coupable et a payé une amende de Rs 3 000. Ce qui interpelle aussi, c’est que Franklin a obtenu une conditional discharge, le 8 septembre 2020, pour sa condamnation dans une affaire de possession de drogue au tribunal de Pamplemousses. Une conditional discharge est normalement une promesse de bonne conduite pendant un certain nombre de mois ou d’années. Or, lundi dernier, lors de sa condamnation dans l’affaire d’agression, on ne sait pas si le délai de cette conditional discharge a expiré ou a bien été communiqué à la magistrate de Bambous. Comment expliquer l’attitude et le rôle de la police dans ce cas ?
«Depuis la création de la SST,plusieurs éléments de l’adsu sont remontés et ne comprennent pas le procédé de cette unité. Selon des limiers de l’adsu, la manière de faire de la SST ne fait pas honneur à la profession.»
Quand Franklin et Nico le mimi rendent visite à la police
Une vidéo mise en ligne le 25 mars 2022, par l’influenceur Nico le mimi, a recommencé à circuler depuis quelques jours. On y voit un policier du poste de RivièreNoire s’émerveillant de voir Nico le mimi, au poste. Franklin, pour faire plaisir, semble-t-il, au policier aurait emmené l’Ivoirien au poste. Ce qui est surprenant, c’est d’entendre à la fin que l’épouse du policier semble bien connaître le fameux Franklin, si l’on en croit les échanges. Nico le mimi a lui promis des révélations, vendredi matin, sur sa page Facebook. À vendredi soir, on attendait toujours.
Tractopelles et compagnies
Franklin a déclaré lui-même qu’il possédait trois ou quatre business, n’étant pas sûr lui-même du nombre exact. Mais il a parlé d’une compagnie de location de voitures, d’une boutique, d’un fast-food – Le Ti Mimi Grill – et d’un élevage d’animaux. Selon ses voisins, Franklin aurait aussi un élevage de chiens de race à Rivière-Noire. Il possèderait aussi deux tractopelles et d’autres camions qu’il utiliserait pour des travaux ; on ne sait pas lesquels.
Concernant ses propriétés, c’est l’opacité. Mais on sait qu’il habite une maison à La-Gaulette recouverte de pierres taillées. Sa maison de RivièreNoire serait occupée par ses parents. Il y a aussi bien sûr le terrain où il élève des vaches et des chiens. Il utilise, lui, une Hyundai et une Range Rover. Nous avons effectué des recherches sur le site web du Registrar of companies et nous n’avons pu mettre la main que sur le Ti Mimi Grill Fast Food Ltd, incorporé en août 2021 à 23, Route côtière, Les-Salines, Grande-Rivière-Noire, avec pour seul directeur Jean Hubert Celerine.
«Pourtant, on a retrouvé plusieurs articles de la presse Réunionnaise où son nom est clairement cité après qu’il a été condamné avec un certain nono, un autre Mauricien, pour trafic de drogue en 2021.»
Guerre ADSU vs SST
Depuis la création de la SST, plusieurs éléments de l’ADSU sont remontés et ne comprennent pas le procédé de cette unité. Selon des limiers de l’ADSU, la manière de faire de la SST ne fait pas honneur à la profession.«Par exemple, à cause de la SST, tout le monde pense que nous sommes des brutes et que nous faisons du planting chez les gens. Personne ne croit plus en notre travail. Trafikan pé pas pou viktim dan sa sitiasion-la.» De plus, selon nos sources, la SST et ses «enquêtes en simultané» avec l’ADSU feraient capoter plusieurs pistes. «Zot péna enn région, enn landrwa spésifik, zot galoup partou, zot met baton dan larou...» Ce que les éléments de l’ADSU n’arrivent pas aussi à comprendre, c’est pourquoi Jagai a choisi lui-même les «soi-disant meilleurs d’entre eux pour faire partie de la SST. Parce qu’ils ont les mêmes valeurs et principes ?» Plusieurs s’interrogent en outre sur leurs connexions. «D’où puisent-ils leurs informations ? Qui sont leurs informateurs ?»
Nous avons tenté d’avoir la version du Commissaire de police, Anil Kumar Dip, sur toute cette affaire mais il n’est pas revenu vers nous. Quant à Ashik Jagai, il a porté plainte pour diffamation au CCID. Il a indiqué que la vidéo du 6 janvier est diffamatoire à son encontre, infondée et porte atteinte à son image.
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