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Charles Crowl: «Un employé sur cinq envisagerait de quitter son emploi»
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Charles Crowl: «Un employé sur cinq envisagerait de quitter son emploi»
Après 13 années passées chez L’Oréal en Australie et en Asie, Charles Crowl, 35 ans, d’origine australienne, s’est installé à Maurice il y a un an. Il a fondé THRIVEX, une société en ligne qui accompagne les employés et les entreprises en les aidant à atteindre leurs objectifs et à développer leur potentiel. Rencontre.
Parlez-nous de votre parcours chez L’Oréal en Australie et en Asie…
Après des études d’économie et de français à l’université de Monash à Melbourne, j’ai eu envie de travailler pour une entreprise multinationale francophone. L’Oréal a été le parfait terrain de formation au début de ma carrière, où j’ai développé des compétences techniques, un sens commercial et un véritable réseau personnel.
En 2014, j’ai rejoint le siège asiatique à Shanghai. J’ai découvert toutes les innovations liées au paiement et au numérique en Chine et en particulier l’esprit d’entreprise du peuple chinois – créatif, rapide à développer et toujours prêt à s’adapter.
J’ai gravi les échelons dans les opérations pour différentes marques cosmétiques du groupe. Et en 2018, j’ai obtenu une promotion pour rejoindre l’équipe du travel retail à Hong Kong au sein de la direction de la chaîne d’approvisionnement. C’était un domaine très exigeant et avec son lot de surprises. Le marché des boutiques hors taxes et des centres commerciaux était alors en plein essor en Asie.
Comment vous est venue l’idée de développer et suivre les talents au sein de vos équipes ?
En tant que manager et chef d’équipe chez L’Oréal, j’étais heureux de pouvoir développer le potentiel de mes employés et créer des opportunités de carrière. Chaque collaborateur a des talents différents et c’est à nous, en tant que manager, de développer et d’utiliser ces qualités pour atteindre nos objectifs le plus rapidement possible.
Au fur et à mesure que mon équipe a été promue, j’ai commencé à attirer d’autres talents qui cherchaient également à développer leur carrière. Avec le recul, j’ai réalisé que je créais une stratégie interne de rétention et d’attraction du personnel axée sur le soutien au développement de carrière individuelle, un combo gagnant-gagnant pour l’entreprise et l’employé.
Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir entrepreneur et à lancer THRIVEX ?
Après avoir travaillé pour une firme multinationale pendant plus de 12 ans, j’ai pensé que mon expérience serait utile à d’autres. Après une formation à l’IECL, je suis devenu coach professionnel et j’ai fondé THRIVEX, avec pour mission d’améliorer les performances organisationnelles en aidant les entreprises à gérer leurs actifs les plus précieux : les employés.
Je suis actuellement coach pour LHH en Asie, où nous nous concentrons principalement sur les problématiques liées au leadership, à la reconversion professionnelle et à la transition de carrière. J’ai également été accepté pour rejoindre EZRA, qui est une plateforme de coaching professionnelle où les entreprises proposent des services de coaching à leurs employés.
L’année dernière, vous avez décidé de vous installer à Maurice. Pourquoi ce choix ?
Outre la beauté naturelle, la diversité culturelle et la nourriture, le pays a un potentiel important à mettre en valeur sur le continent africain. Cela rappelle beaucoup Hong Kong et Singapour dans les années 80 et 90, qui sont devenus plus tard la plaque tournante de l’investissement, de l’innovation et de la logistique pour l’Asie.
J’ai adapté mes offres de services au marché mauricien et j’aide actuellement les entreprises à se concentrer sur la rétention et le développement des talents en utilisant une approche mixte de coaching individuel (one to one) et de groupe.
Malgré la reprise économique, les entreprises mauriciennes peinent à recruter. Le pays a du mal à retenir les talents. Comment pouvons-nous gérer cela ?
Je rencontre des gens qui disent des choses comme «les Mauriciens ne veulent pas travailler», «je ne trouve personne à embaucher», «certains quittent l’entreprise et vont ailleurs».
Ces enjeux de l’ère post-Covid ne sont pas propres à Maurice ; il y a plusieurs solutions à mettre en place. La première ligne de défense consiste à conserver les employés actuels. Les avantages salariaux et financiers sont importants, mais les employés veulent avant tout se sentir valorisés. Les milléniaux, en particulier, qui constituent une grande partie de la main-d’oeuvre, veulent pouvoir apprendre et grandir.
Le «quiet quitting» est devenu très tendance. Que faire à ce sujet ?
Le quiet quitting est une résignation silencieuse. Au lieu de quitter son emploi, l’employé concerné préfère faire le strict minimum et rester en poste. La pandémie a provoqué un changement de valeurs et une réévaluation de ce qui compte et de ce qui est important pour les individus. Ces personnes ne se contentent plus de travailler pour un simple salaire, elles en veulent plus.
La solution est de repenser ce qui est actuellement offert en termes de rémunération, d’avantages sociaux, de flexibilité du travail et d’évolution de carrière. Les employés démotivés sont souvent ceux qui n’ont pas trouvé leur rôle ou leur entreprise idéale. Les managers et les RH doivent entretenir un dialogue pour comprendre leurs attentes et leurs envies et leur confier des responsabilités différentes selon leurs compétences, capacités et projets professionnels. Encore une fois, le coaching aide beaucoup.
Pensez-vous que cette baisse d’engagement soit générationnelle ?
Non, les gens de toutes les générations se sont sentis désengagés et désabusés à un moment donné. Ce qui est générationnel, c’est la façon dont les nouvelles générations s’expriment. Toutes les générations veulent des opportunités de croissance, une plus grande flexibilité et trouver un sens à leur travail, qu’il s’agisse de la génération X, des baby-boomers ou de la génération Y.
La différence est que les générations précédentes sont restées silencieuses, n’osant pas demander hardiment ce qu’elles voulaient par crainte des conséquences possibles. Aujourd’hui, le marché du travail a changé et les entreprises vont devoir faire plus attention à leurs salariés pour éviter les licenciements et les quiet quitters.
Selon une étude de PricewaterhouseCoopers (PwC), les grands départs se poursuivront jusqu’en 2023 avec un employé sur cinq envisageant de quitter son emploi. Les entreprises ne pourront pas atteindre leurs objectifs avec un manque de personnel, leur seul choix est de trouver des moyens d’écouter et de s’adapter aux besoins du marché et de leurs employés.
Justement, quelles sont les stratégies à mettre en place pour fidéliser les employés et les managers ?
À court terme, le coaching peut aider les talents à trouver leur chemin au sein de l’entreprise et à développer leur potentiel au travail. C’est un moyen rapide et économique de conserver les ressources tout en améliorant la productivité. Le processus d’embauche peut également être revu, par exemple, des tests de personnalité qui permettent d’évaluer non seulement l’adéquation de la personnalité du candidat au poste, mais également son adéquation culturelle avec l’entreprise. C’est un gain de temps non négligeable pour le service RH.
À long terme, cela demande beaucoup d’efforts sur la culture d’entreprise. Un exemple pourrait être le développement d’outils de planification de carrière et de mobilité interne qui renforceraient la cohésion des ressources humaines. Mais, en gros, la solution est simple. Vous devez être capable de demander, d’écouter et d’agir. Demandez aux employés ce qu’ils apprécient et ce dont ils ont besoin de plus pour être heureux au travail, écouter et comprendre leurs réponses, passer à l’action en élaborant un plan d’action pour renforcer ce qui fonctionne et corriger les faiblesses.
Les collaborateurs qui jouissent d’une véritable flexibilité au travail sont 2,6 fois plus heureux de travailler pour leur entreprise, selon une étude LinkedIn. La flexibilité au travail fait-elle partie de ce plan d’action ?
La flexibilité au travail est devenue un facteur non négociable pour attirer les talents. Et Maurice ne fait pas exception. Les entreprises qui n’ont pas mis à jour leur politique de travail flexible, ou pire, doivent agir très vite. La flexibilité ne veut pas seulement dire work from home. C’est un terme qui englobe de nombreux éléments : autonomie au travail, horaires hybrides ou en alternance, temps partiel permettant aux salariés de vaquer à leurs passions ou de s’occuper de leurs enfants ou de leur famille. Encore une fois, la recherche et l’écoute sont essentielles pour choisir ce qui résonnera le plus auprès de vos employés et dans votre secteur. C’est ce que nous faisons à travers des ateliers et du coaching d’entreprise.
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