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2023 : Gros nuages à l’horizon
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2023 : Gros nuages à l’horizon
Ce que sera 2023 à Maurice dépendra largement de ce que sera le monde en 2023 avec l’évolution de dynamiques dangereuses de l’année 2022 qui se prolongent et son lot de dangers et d’incertitudes.
Vers un nouvel ordre mondial
Avec la guerre en Ukraine, la mutation de la mondialisation est en cours avec l’émergence d’un nouvel ordre mondial comportant plusieurs dimensions : économique, géopolitique, idéologique (autocratie et démocratie).
Une récession mondiale est à l’agenda pour 2023 selon le Fmi et d’autres institutions internationales. A l’agenda, il y a les interrogations sur l’inflation, la politique monétaire, l’évolution du taux d’intérêt et son impact sur les finances de l’Etat, les entreprises et les ménages. Il est question des croissances de 2021 et 2022 comme des croissances «rattrapage». Ce ne sera pas le cas en 2023. Au niveau de l’économie internationale, il y beaucoup d’incertitudes impactant sur la visibilité/indivisibilité à court et moyen termes avec pour toile de fond le dérèglement climatique.
Et pour compliquer le tout, il y a la Chine et la «reprise» de son économie qui dépend de l’évolution des échanges avec l’Europe, les Etat Unis de même que l’état de leurs économies respectives.
Notons que les milieux boursiers anticipent une reprise pour la seconde partie de l’année 2023. Pour les pays émergents et en développement, il est prévu une croissance «assez mauvaise». Parmi ceux-là il y a des pays qui subissent la double peine - dont l’économie mauricienne - dépendant à la fois des exportations et des importations, soit une économie extravertie.
Il faut compter prendre en compte le plan J. Biden de $370 milliards pour protéger les entreprises américaines et son impact sur la zone euro et l’économie mondiale, la crise économique qui traverse la Chine sur fond de la reprise du Covid 19, et la crise énergétique en Europe.
Maurice avec sa zone économique exclusive et sa position dans l’océan Indien - devenue zone de guerre - avec les acteurs comme l’Inde, les Etats Unis, la Chine, et l’Europe (France et Grande Bretagne) est très vulnérable, avec une marge de manœuvre réduite. Toutefois, les décisionnaires politiques ont la responsabilité et le devoir de dégager un plan de redressement et de survie socio-économique. Cela passe par la mobilisation de tous les acteurs du développement pour traverser cette période pleine de défis. Ceci fait cruellement défaut.
Maurice
Notre société va mal, très mal. Il y a une profonde crise de confiance dans les institutions fondamentales. Crise nourrie par un télescopage de crises systémiques, conséquences d’une mal gouvernance touchant toutes les sphères de la société. A commencer par l’économie et les finances. C’est le vécu et le ressenti d’une majorité de la population.
Economie
L’économie mauricienne traverse une sérieuse crise structurelle globale avec certains piliers traditionnels qui sont en fin de cycle et d’autres qui émergent. Et ce, bien avant la pandémie du Covid 19. La politique économique et financière du ministre R. Padayachy a été tout simplement catastrophique. Et il persiste aves ses inepties comme cela a été le cas avec par exemple la Banque de Maurice transformée en ATM du gouvernement, le tout dans l’opacité la plus totale, notamment autour du MIC.
R. Padayachy parle de reprise économique. La majorité des analystes et observateurs financiers et économiques sérieux et crédibles ne partagent pas son avis. Elle s’appuie sur l’état critique des fondamentaux : endettement - public, des entreprises et des ménages, une inflation qui va atteindre 14 % au mois de mars, dépréciation de la roupie, pénurie des devises qui nécessite l’intervention régulière de la BM dont le bilan financier montre une perte de Rs 11 milliards et le recul de 12 % des réserves du pays en un an.
Etat des secteurs «piliers»
Il y a certes des signes encourageants d’une reprise du tourisme mais gardons-nous de l’euphorie. Le pays a accueilli quelque 997 290 touristes. Il y a toutefois une préoccupante absence de visibilité pour les trois premiers mois de 2023 avec la récession qui va frapper la zone euro, notre principal marché. Le problème structurel de la pénurie de la main d’œuvre doit être résolu dans une stratégie globale des acteurs de l’industrie. Une reflex-action s’impose.
Le carnet des exportateurs opérant dans le secteur de la Zone franche serait rempli jusqu’à avril 2023. Qu’en est-il des précommandes pour 2023 ? Il y a la question des intrants venant de la Chine achetés en dollars et les produits vendus en euro, et l’effet ciseaux avec la parité euro-dollar jouant sur la compétitivité et les revenus.
Le secteur des nouvelles technologies se développe avec toutefois le problème de manque de la main d’œuvre. Le défi consiste à monter en gamme pour augmenter la valeur ajoutée et sa contribution à l’économie nationale.
Le BPO qui représente 12 % du PIB et emploie 14 000 personnes - dont une grande majorité de jeunes diplômés - est très sensible à la géopolitique et à la concurrence d’autres centres financiers (Inde, Afrique et Asie du Sud-est). Ils sont nombreux dans ce secteur à vouloir émigrer en raison de l’écosystème global à Maurice qui n’est pas selon eux porteur d’avenir pour eux et leurs enfants.
Le secteur de la construction qui bénéficie des chantiers des infrastructures et des bâtiments tant publics que privés risque d’être toujours confronte à deux problèmes : la disponibilité des matières premières et le prix des intrants – fer, ciment et autres matériaux.
Dans le secteur agricole, il convient d’apprécier comme il se doit l’initiative Smart Agriculture de la Chambre d’Agriculture qui, entre autres, encourage la culture vivrière selon des méthodes plus en phase avec les défis d’aujourd’hui.
Investissement étranger et attractivité
L’investissement étranger est tributaire de l’attractivité du pays, qui ne se réduit pas aux seuls critères économiques. A l’ère de l’internet tout se sait en quelques secondes sur la toile. Depuis maintenant plus de trois ans, la gestion de nombreux dossiers par le gouvernement a été comme un jeu de «massacre à la tronçonneuse» de l’image du pays. Il y a eu pêle-mêle le naufrage du Wakashio, la corruption systémique, les dérives autocratiques, le sniffing gate, l’instrumentalisation partisane des institutions (police, ICAC). Les cartons rouges se succèdent. Selon l’International Institute for Democracy and Electoral Assistance, Maurice est classifié dans la catégorie des 7 pays où l’érosion démocratique est la plus grave. Et le récent rapport de Reporteur Sans frontières parle des menaces contre les journalistes.
L’investissement est le moteur de la croissance et la part de l’investissement étranger est vitale pour notre économie. L’investissement reste concentre dans l’infrastructure et l’immobilier de luxe alors que le pays a urgemment besoin d’un nouveau modèle de développement pour assurer un développement véritablement durable eu égard au défi du siècle qu’est le dérèglement climatique. Notre pays est particulièrement vulnérable avec les inondations, l’érosion de nos plages, et sur le plan de la production alimentaire. Or, on continue à bétonner le littoral et la terre, et à investir dans des projets prestige. Entretemps, malgré la promesse d’une fourniture 24/7, le manque d’eau dans les robinets est un véritable calvaire pour des habitants de nombreuses localités à travers le pays. Visiblement, le sens des priorités fait cruellement défaut.
Gouvernance et socio-politique
L’économie ne fonctionne pas dans une bulle, ni sans la population. Notre société est sous très haute tension avec les différentes formes de violence, les dérives autocratiques s’attaquant à l’Etat de droit, les menaces contre les libertés fondamentales et le climat de peur qu’on distille dans la population, le verrouillage et la manipulation des institutions, la multiplication des trolls incitant à la haine raciale et communale qui ne sont pas inquiétées.
L’espérance
2023 s’annonce mal sur tous les fronts et sera marquée par une pauvreté grandissante, des inégalités croissantes et la précarité.
Les Ong sérieuses, malgré leur manque de moyens, doivent et essayent de se réinventer. Elles multiplient les efforts pour consolider et développer à travers les plateformes et réseaux pour développer davantage une approche collaborative.
Du côté officiel, nous avons eu droit au traditionnel message de fin-début d’année du PM. Son «feel good factor» est une insulte à l’intelligence de la population alors que l’heure est au nécessaire langage de vérité aux citoyens. Il faut une meilleure et plus grande prise de conscience de la gravité des enjeux et des efforts qu’il faudra consentir non seulement pour 2023 mais pour les années à venir. Oui, nous changeons de monde avec ses défis, contraintes et opportunités !
Idéalement, la société mauricienne aurait dû être unie autour d’un plan-programme-projet commun. Ce n’est pas le cas avec d'une part une classe politique polarisée entre le gouvernement et les oppositions fragmentées; et d'autre part, des clivages importants entre les acteurs de développement sur l’état de l’économie et de la société et les pistes de sortie possibles s’appuyant sur les initiatives immédiates et en fixant les choix/orientations pour le moyen et long termes.
Vivement que 2023 soit l’année où on arrête de voir que le bout de son nez et «le bef dan disab sakenn get so lizie». Allons-y tous pour voir loin et regarder de près afin d’avancer ensemble en exploitant le champ des possibles pour amorcer de manière intelligente une sortie de crise. Il faut toujours espérer et apporter sa contribution pour ne pas reculer. Avançons !
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