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Sarita Boodhoo: geetharines, «women empowerment» avant l’heure
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Sarita Boodhoo: geetharines, «women empowerment» avant l’heure
Bien plus que du divertissement. Dans son nouvel ouvrage, Sarita Boodhoo rend hommage à la résilience des femmes qui ont su préserver l’art du geet gawai, ces chansons folkloriques en bhojpuri.
Ces femmes ne font pas que chanter dans les veillées de mariage. Artistes divertissantes «ki met lagam, jalsa», mais surtout gardiennes des traditions, les geetharines – chanteuses de geet gawai – sont des «brave ladies». Sarita Boodhoo les saluent. Elle s’interroge : «What could have been life for the first Geetharines who despite all the humiliations, poverty, sufferings, poor habitations and injustice faced, still they managed to secure in their throats and memories these gens of humanity, the Geet Gawai.»
Retour aux sources en préface de Geet Gawai Bhojpuri Folk Songs in Mauritius, nouvel ouvrage de Sarita Boodhoo. Presque 300 pages qui font la transition d’un patrimoine oral à l’écrit. L’auteure y a aussi retranscrit des chansons bhojpuri en écriture romaine avant de les traduire en anglais. L’ouvrage a vocation de référence pour ethnologues, anthropologues, historiens et étudiants.
Le livre a pour sous-titre An ode to geetharines of Mauritius. Fruit de quatre ans de travail, il a été lancé à New Delhi le 24 janvier, sous les auspices du Diaspora Research and Resource Centre, l’Antar Rashtriya Sahayog Parishad.
Sarita Boodhoo raconte : en avril 2019, elle organise un heritage tour pour 25 geetharines en Inde. Suite à une représentation à l’Antar Rashtriya Sahayog Parishad, à Delhi, cette ONG demande à Sarita Boodhoo de soumettre un document de recherche sur le geet gawai. La commande honorée, «on m’a dit que le sujet mérite un livre».
Comme le geet gawai est intimement lié à l’engagisme, Sarita Boodhoo s’est plongée dans l’histoire. «Au début de l’immigration indienne, les travailleurs engagés étaient uniquement des hommes.» Elle écrit : «It is estimated that around 1829 to 1910, more than 100,760 Indian women immigrants came to Mauritius, amounting to some 22% of the total number of immigrants. They were mostly young women and girls ranging between 10 and 50 years of age. The British authorities then had to impose a quota system for each arriving ship from India for an adequate proportion of women.» Histoire de rétablir l’équilibre social, de mitiger le taux de suicide parmi les engagés.
L’auteure s’est demandé «à quelle époque ces chanteuses ont-elles émergé ?» Cela dans des conditions précaires, à une époque sans électricité, dans des huttes «masone» à la bouse de vache. Dans un contexte où elles quittaient l’autorité du père pour celle du mari, sans compter celle de la belle-famille.
Des chanteuses qui ont persévéré même si elles étaient mal vues «jusqu’à tout récemment. Nous en avons tellement fait la promotion que le regard de la société sur elles a changé», se réjouit Sarita Boodhoo. Elle est présidente de la Bhojpuri Speaking Union depuis 2012. À ce titre, elle a contribué au dossier de demande d’inscription au patrimoine intangible de l’humanité du sega typik et du geet gawai. «L’une des recommandations de l’Unesco était de réaliser un inventaire.»
Ce n’est pas un hasard si l’ouvrage est dédié à Bhayawati Devi Makhansingh Gayasingh, grand-tante de Sarita Boodhoo du côté de son père. «Elle a écrit le premier livre sur le geet gawai, The Vivah Mangal, en 1910». C’était 35 chansons de mariage. Elle était la première épouse du pandit Gayasingh. Le texte est d’abord paru dans un journal. Remanié par le pandit Gayasingh, il est paru sous forme de livre posthume en 1935, après le décès de son épouse. «J’ai l’intention de republier ce livre», affirme l’auteure.
La richesse des chansons c’est aussi qu’elles ne se limitent pas qu’au mariage. En réalité, elles accompagnent les moments clés de la vie, de la naissance à la mort, en passant par la tonsure des cheveux du nouveau-né ou le moment où l’on se fait percer les oreilles.
Si les geetharines ont été physiquement coupées de l’Inde mère, les nombreux voyages de Sarita Boodhoo dans la Grande péninsule lui ont appris que, «là-bas, on chante toujours les mêmes chansons, sur le même air, avec les mêmes paroles». Le répertoire local comprend des chansons préservées ainsi que des créations mauriciennes qui ont intégré des mots en créole. Un second tome est à venir. Il regroupe des interviews de geetharines.
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