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Aqiil Gopee: le lauréat qui veut faire mieux que travailler pour le gouvernement
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Aqiil Gopee: le lauréat qui veut faire mieux que travailler pour le gouvernement
Il a été accepté comme doctorant en anthropologie et archéologie à l’université de Chicago. Aqiil Gopee, de passage à Maurice, a retrouvé ses anciennes amours, l’écriture et la littérature, et anime un «Creative Writing Circle» à Beau-Bassin. L’occasion de revenir sur le parcours de celui qui fut, il n’y a pas si longtemps, lauréat du collège Royal de Curepipe.
Avant d’être lauréat du Collège Royal de Curepipe, Aqiil Gopee brillait en littérature. À ses débuts, il est parrainé par deux «monstres de la littérature mauricienne», Barlen Pyamootoo et Ananda Devi. En 2015, année où il décroche une bourse d’État, il est aussi lauréat du prix Jean Fanchette des Jeunes, présidé par le prix Nobel Jean-Marie Gustave Le Clézio.
Huit ans plus tard, Aqiil Gopee, 25 ans, va entamer un nouveau chapitre de son existence. La semaine dernière, il a été accepté comme doctorant en anthropologie et archéologie à l’université de Chicago. Mais avant de (re)devenir l’élève, le voici en «prof». De passage à Maurice, Aqill Gopee anime, depuis fin janvier, le Creative Writing Circle*. Les séances ont lieu les samedi et dimanche à Beau-Bassin. Enthousiasmé par les réactions, il a choisi de limiter les sessions à cinq personnes. «La plupart des participants commencent à écrire et n’ont pas encore publié. Il y a des étudiants et beaucoup de profs du primaire.»
Il insiste : ce n’est pas une relation prof-élève. «La seule chose que j’ai de plus qu’eux, c’est l’expérience, pas nécessairement le talent.» Cet atelier d’écriture est un espace collaboratif. «Je ne leur montre pas comment écrire parce qu’il n’y a pas qu’une seule façon d’écrire. Je veux qu’ils cultivent la singularité de leur écriture.» C’est aussi une façon de prévenir que «si on cherche à être publié, le monde littéraire est plutôt agressif, surtout à Maurice». Il n’y a pas de hasard. À 14 ans, Aqiil Gopee suit les ateliers d’écriture animés par l’écrivain Barlen Pyamootoo. «Il a arrêté depuis quelques années et il n’y a plus d’opportunités comme celle-là.»
Premier exercice : lire The company of wolves d’Angela Carter, version revisitée du Petit Chaperon Rouge. (Aqiil Gopee a gagné le Prix du jeune écrivain de langue française avec Loup et Rouge, réécriture du conte de Perrault en 2014). Travaux dirigés pour aller plus loin que les adaptations où «les personnages sont blonds aux yeux bleus. On a intériorisé que les personnages de littérature sont des blancs. J’étais comme ça aussi. Même quand on n’est pas blanc, on écrit d’après ce que l’on sait de la littérature. Il y a un travail de décolonisation de l’esprit à faire»
Fouilles archéologiques
Aqiil Gopee y est d’autant plus sensible que ses études ont touché à ces questions. Il a passé les six dernières années aux États-Unis. Quatre ans à l’Amherst College, à étudier la religion et l’Histoire. Puis, deux ans à Harvard, pour un Masters in Theological Studies.
L’étudiant se souvient : après l’Amherst College, il reçoit des courriels officiels de Maurice lui indiquant les postes vacants dans la fonction publique. Sa réaction : «Il n’y a pas que l’argent qui compte, mais c’est insultant d’être passé par la rat race du Higher School Certificate, pour se voir offrir un job à Rs 12 000. Ce n’est pas le monde dans lequel je veux évoluer.»
Aqiil Gopee en est convaincu : animer un atelier d’écriture est «beaucoup plus riche comme contribution à la société mauricienne que de travailler dans un bureau. Dès le début j’ai dit que je ne rentrerai pas à Maurice. C’est très difficile de s’y épanouir intellectuellement. Je peux contribuer à la connaissance de la société mauricienne sans être présent physiquement ici. Et sans travailler pour le gouvernement.» La semaine dernière, l’université de Chicago lui a ouvert les bras. «J’ai aussi postulé à Stanford et Harvard, j’attends les réponses. Harvard, c’est une école comme une autre, c’est ce que l’on en fait qui compte.»
Durant le programme d’étude sur la religion, l’étudiant fait l’apprentissage de l’archéologie. En un an, il participe à cinq chantiers de fouilles. Il a creusé à Oman, puis dans une «ferme avec des restes de l’ère biblique», dans la cité antique de Tibériade, en Israël. Il est allé en Bosnie, où on fouillait une église de l’époque médiévale. Pour l’étudiant en théologie, même si les fouilles sont physiquement éprouvantes, cela permet de «revenir aux textes avec une vision enrichie».
L’an dernier, avec l’équipe de Stanford et l’Associate Professor Krish Seetah, Aqiil Gopee participe aux fouilles dans un vieux cimetière d’Albion, ainsi qu’à l’ancienne station de quarantaine de l’île Plate. «Ce n’était plus l’ancien monde, mais de l’archéologie coloniale. Tout ce qui s’est passé à cette époque se reflète dans notre présent.» Ce qui rejoint son projet de doctorat proposé à l’université de Chicago : une étude des cimetières. «Dans la mort, il y a des ségrégations comme dans la vie.» Par exemple, des parcelles de cimetières délimitées selon la religion. «Est-ce que cela s’est développé pendant la colonisation, époque où les appellations ethniques se cristallisent ?» s’interroge-t-il.
Ce sujet d’étude est motivé par l’envie de «désinsulariser» Maurice. «On parle de l’étoile et de la clé de l’océan Indien, mais aux États-Unis, on ne voit pas du tout d’où je viens.»
*Creative Writing Circle. Renseignements et inscriptions à l’adresse suivante: aqiilgopee@hotmail.com ou par WhatsApp au +14134042304.
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