Contrairement à Pravind Jugnauth, face aux accusations de Roshi Bhadain, Harel Mallac Technologies (HMT) a commandité un audit «exhaustif» des conditions entourant l’obtention du contrat du gouvernement pour la nouvelle carte d’identité nationale. Au-delà du contrat signé entre le gouvernement et HMT, les enquêteurs s’intéressent aussi aux consultants externes que HMT a sollicités et rémunérés. Parmi eux, la firme Synthesis.

Moins d’une semaine après que Roshi Bhadain a révélé avoir «transmis des informations au Premier ministre concernant un pot-de-vin de Rs 27 millions qui va être payé à Singapour pour un gros projet du gouvernement», Harel Mallac Technologies a annoncé qu’elle a choisi une des firmes du Big Four pour conduire un «fact-finding audit».HMT a en effet, aux côtés de la société française Thales, décroché le contrat pour la nouvelle carte d’identité ; contrat qui s’élève à USD 8,1 millions (environ Rs 370 millions) mais qui pourrait grimper jusqu’à Rs 600 millions et Roshi Bhadain a confirmé que c’est bien de ce contrat dont il s’agit.

Évidemment, sur le contrat signé par les vendeurs (HMT et Thales) et l’acheteur (le Prime Minister’s Office - PMO, représenté dans le document par le Permanent Secretary et la Deputy Permanent Secretary), il n’y a aucune trace de cet éventuel pot-de-vin. «Tout se fait dans les contrats de soustraitance de HMT», allègue une source à HMT. Selon elle, «ce sont ces contrats qui constituent des fenêtres de sortie pour transférer de l’argent à des bénéficiaires illégitimes».

Pour le projet de la carte d’identité, HMT a eu recours à trois contrats de soustraitance : Project Management, Mobile App Development et Change Management Consultant pour un total de USD 630 000 (environ Rs 28 millions). Si les bénéficiaires de deux d’entre eux ne sont pour l’heure pas connus, le nom d’une entreprise mauricienne pour l’aspect Project Management a filtré : Synthesis Mauritius & Africa Ltd pour une facture de USD 223 000 décrits comme «relationship fees».

Pourrait-il s’agir d’un dummy consultancy avec pour unique but de justifier un pot-de-vin ? «C’est hélas ce que nous craignons, car plusieurs aspects de ce contrat sont en train d’être réalisés in-house par HMT elle même», observe notre source.

Payer Synthesis en dollars

Celui qui signe la lettre où HMT retient les services de Synthesis, c’est Shateeaum Sewpaul, le General Manager démissionnaire de HMT. Joint au téléphone hier pour qu’il nous explique la pertinence de ce souscontrat et la nécessité de payer Synthesis en dollars américains alors que les deux compagnies sont sur le territoire mauricien, Shateeaum Sewpaul a répondu qu’il «est tenu par le silence que lui imposent les exercices administratifs en cours (NdlR, l’audit) et qu’il parlera en temps et lieu». Quand il le fera, il faudra également qu’il infirme ou confirme les liens qui lui sont prêtés – ainsi qu’à un de ses collègues – avec Deepak Balgobin, ministre de la Technologie, à qui le PMO a confié la partie technologique du projet de la nouvelle carte d’identité.

En attendant, nous avons appelé Synthesis et laissé un message sur la boîte vocale, mais personne n’a rappelé. Ce que l’on sait par contre c’est que la boîte est dirigée par un certain Tan Chee-Peng. Estce lui le courtier auquel Roshi Bhadain fait référence ? Est-il le bénéficiaire du fameux compte bancaire à Singapour que Roshi Bhadain a fait parvenir au Premier ministre ? C’est en tout cas le sens des dénonciations à HMT et c’est ce que devra déterminer l’enquête commanditée par la compagnie.

Par contre, nous avons pu discuter avec un des protagonistes de l’affaire pour qui «tout cela n’est qu’un montage politique dépourvu de sens». «Synthesis est une firme réelle, crédible, sérieuse et qui compte les meilleurs project managers du pays. D’ailleurs ce n’est pas Harel Mallac qui a voulu inclure les trois aspects à sous-traiter. Ils figuraient déjà dans le Request For Proposal, c’était donc une condition du gouvernement».