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Hôpital Brown Sequard: des «shelters» accusés d’internements punitifs
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Hôpital Brown Sequard: des «shelters» accusés d’internements punitifs
En début de semaine, un adolescent de 13 ans du «shelter» l’Oiseau du Paradis, à Cap-Malheureux, a été interné au Brown Sequard Hospital, après que des «carers» aient décrété qu’il était un danger pour lui et les autres, parce qu’il avait refusé de manger du briani de bringelle au dîner. Il y sera pour une semaine avant de rentrer au «shelter». Ce cas choque et ne serait pas le seul...
Trois enfants venant de shelters du ministère de l’Égalité des genres et du bien-être de la famille sont actuellement internés au Brown Sequard Hospital (BSH). Selon nos sources, il est très commun pour certains shelters gérés par ce ministère d’envoyer des enfants à l’hôpital psychiatrique en guise de punition. «Dès que des enfants sont un peu trop bruyants, montrent de la résistance ou ont du mal à exprimer leurs émotions, certains carers les menacent de les faire interner.» De plus, s’il y a des démarches qui soient longues les concernant, comme un changement d’école, entre autres, ces mêmes personnes censées les protéger préféreraient les faire interner pour ne pas avoir à faire ce travail. Toutefois, un préposé du ministère déclare : «Il y a un protocole bien établi pour faire interner un enfant au BSH. Ce sont les médecins qui prennent cette décision, pas les employés des shelters.»
Comment cela est-il possible ? Selon nos informations, il est vrai que ce sont les médecins qui décident d’interner un enfant. Le protocole est que l’enfant soit transporté au BSH par un carer, dont les dires sont pris en considération. «Zot inn rant dan sa plas la lor baking. Zot péna pasians, zot pansé tou permi. Zot koz manti ar bann dokter la pou sir ki bann zanfan la interné. Zot dir ki zot inn sey suisid zot ou sey touy zot bann kamarad sipaki.» Comme l’enfant est mineur, les dires de l’adulte pèsent donc plus fort dans la balance...
Les résultats de ces internements punitifs ne sont pas sans conséquences, révèlent nos sources. «Lorsqu’on affirme qu’un enfant a voulu se suicider, par exemple, pour être sûr qu’il soit interné, on lui administre des médicaments comme des psychotropes ou neuroleptiques pour rien.» Et après des mois sous ces médicaments, des filles âgées de neuf à 14 ans, commencent à avoir des montées de lait dues à un excès d’hormones dans ces médicaments. Mis à part ce problème physique, ces enfants souffrent aussi de maux de tête et sont incapables de comprendre pourquoi ils doivent endurer tout cela.
En effet, comme l’indique la psychologue clinicienne et directrice de Pedostop, Virginie Bissessur, quand un enfant est placé dans un shelter, il arrive déjà avec plusieurs traumatismes, comme avoir été séparé de ses parents à cause de maltraitances ou de violences sexuelles, et la manière-même dont on l’a amené dans l’institution. «Maintenant les faire interner sans raison valable, en guise de punition, ne fait qu’ajouter au trauma.»
Le manque de personnel adéquat, dans les institutions publiques ou au BSH, apte à évaluer un enfant doit aussi être pointé du doigt, ajoute-t-elle. Ce que confirme l’ancien directeur de l’hôpital psychiatrique, le Dr Taroonsing Ramkoosalsing. «Les enfants qui viennent des shelters ont besoin d’énormément d’accompagnement. Mais il est malheureux d’avouer que nous n’avons pas le personnel requis et qualifié pour ces enfants.» D’ailleurs dans le rapport de 2021-22, de l’Ombudperson for Children, il est noté que d’après l’Organisation mondiale de la santé, à Maurice, il n’y a qu’un seul pédopsychiatre au BSH. Le rapport a démontré que «le système actuel met l’accent plus sur les traitements médicamenteux que psychologiques».
En effet, selon nos sources, il n’y a pas de psychologues ou de thérapeutes à l’Oiseau du Paradis pour suivre les enfants alors qu’ils en ont besoin. De son côté, Rita Vencatasawmy dit être au courant du «nombre restreint de shelters qui utilisent le BSH en guise de punition.» Mais dans beaucoup de cas, ajoute-t-elle, l’hôpital a été thérapeutique pour des enfants qui avaient besoin de traitements médicamenteux. Cependant, son bureau dénonce toujours le manque d’accompagnement après les internements et aussi pour ceux travaillant dans les shelters. «Il est vraiment temps qu’au niveau du recrutement, ceux qui demandent à travailler avec ces enfants, aient un minimum d’aptitudes et de compétences.»
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