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CP vs DPP: Dip trouble
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CP vs DPP: Dip trouble
Voilà une affaire qui risque de provoquer un «evil precedent». Le commissaire de police de même que le PM – même s’il ne l’a pas cité de vive voix – s’en prennent au DPP après sa décision de ne pas faire appel après la libération sous caution de Bruneau Laurette. Pourquoi cet acharnement ? La guerre entre le judiciaire et la police est déclarée.
La remise en question par le commissaire de police (CP), Anil Kumar Dip, des pouvoirs constitutionnels du Directeur des poursuites publiques (DPP), Me Rashid Ahmine, a pris une ampleur démesurée. Le déclencheur de cette offensive pourrait bien être la décision du DPP de demander une révision judiciaire de la grâce présidentielle accordée à Chandra Prakash Dip, fils du CP. Dip the Kid, qui a une autre épée de Damoclès au-dessus de la tête avec un autre procès au pénal, serait-il celui par qui le scandale arrive ?
Pendant plusieurs années, Dip The Kid est resté dans l’ombre après son arrestation dans un détournement de fonds de plus de Rs 3 millions au préjudice de la Barclays Bank (aujourd’hui ABSA) jusqu’à ce qu’il soit «bienveillamment» gracié en décembre dernier par le président de la République. Dans une démocratie, la grâce accordée à un condamné qui n’a même pas purgé sa sentence et qui entamait en même temps des démarches pour faire appel directement au Privy Council est certes matière à enquête.
En effet, le 2 février, le DPP, qui, sans doute, veut comprendre les raisons qui ont motivé cette décision, loge une demande de révision judiciaire de la décision de la Commission de pourvoi en grâce et réclame que tous les documents ayant trait à la demande de grâce présidentielle de Chandra Prakash Dip, datée du 9 novembre 2022, et tous ceux considérés par la commission de l’ancien chef juge Matadeen soient produits en Cour suprême. La Commission objectera à cette démarche, de même que le fils du CP qui ira plus loin pour dire dans son affidavit que le DPP n’a aucun intérêt juridique dans cette affaire et qu’il a déjà payé l’amende imposée à la place. La manœuvre de Me Ahmine ne sera hélas pas sans conséquences.
“Willfully and criminally”
Avec les événements qui se succèderont, Dip the Kid est perçu comme le détonateur d’un conflit aux effets potentiellement multiplicateurs. Si Dip Junior pensait qu’il allait en finir avec ses démêlés avec la justice après cette grâce présidentielle, il aura eu tort. Le détournement de Rs 80 M de la Bramer Bank en 2011 n’était pas un chapitre clos car 12 ans après, un procès au criminel pour détournement et blanchiment a été logé contre lui par l’ICAC devant la Financial Crime Division de la cour intermédiaire.
Chandra Prakash Dip devra désormais répondre à au moins 162 charges de blanchiment d’argent pour avoir, entre mars et juillet 2011 à la State Bank de Rose-Belle, “willfully, unlawfully and criminally, receive property which, in whole, directly represented the proceeds of a crime, where he had reasonable grounds for suspecting that the property was derived, in whole, directly from a crime”. En liberté conditionnelle dans cette affaire, il est considéré comme le présumé cerveau dans ce détournement. Par ailleurs, son modus operandi est tellement secret et vaste que certains accusés et poursuivis dans cette affaire affirment l’avoir vu pour la première fois le jour de leur comparution, dans le box des accusés. “Nou pa ti koné mem kisana sa, lakour ki premié fwa nounn trouv so figir bien”, disent-ils.
Affaire de famille
Le procès auquel fait face Chandra Prakash Dip en cour intermédiaire a aussi une portée familiale. En 2012, l’enquête du Central CID sur le détournement de fonds de Rs 80 millions confirme qu’un réseau comprenant les familles Katoaroo, Dip et Mulloo se trouve au centre de cette affaire. Ainsi, après l’arrestation de Chandra Prakash Dip, sa mère Chandni est aussi inculpée provisoirement de complot. Devant l’objection formelle de la police à une remise en liberté provisoire, la prévenue passera même la nuit en cellule au poste de police de Pailles. Selon les enquêteurs, plus de 100 000 dollars des fonds détournés auraient été crédités à un de ses comptes bancaires. L’accusation retenue contre l’épouse du CP est qu’elle aurait comploté avec son fils et deux autres suspects, Younousse Katoaroo et Dharmendra Mulloo, pour détourner la somme de Rs 21 millions d’un compte à la Bramer Banking Corporation. Elle figure d’ailleurs sur la liste des témoins dans l’affaire en cours.
Le 4 décembre 2013, Anil Kumar Dip qui était alors ACP sera aussi arrêté pour complicité dans cette affaire. Après une nuit en cellule, il avait dû fournir une caution de Rs 50 000 et une reconnaissance de dette de Rs 1 million pour retrouver la liberté. La police le soupçonnait d’être au courant de transactions d’importantes sommes d’argent sous son toit.Cinq jours après, il était appréhendé de nouveau sous deux nouvelles charges provisoires de complot et de tentative d’influencer un fonctionnaire.
Position compromettante
Ainsi, la demande de révision judiciaire de la grâce présidentielle accordée à son fils et ce procès devant le tribunal des crimes financiers pourrait bien mettre le CP dans une situation compromettante ou d’autres actions plus cachées pourraient être mises au jour. La demande de révision judiciaire logée par le DPP pour comprendre la décision de la Commission de pourvoi en grâce pourrait apporter son lot de révélations sur les étapes et procédures suivies car la police est appelée à soumettre un dossier sur le background du demandeur et ses antécédents criminels. Chandra Prakash Dip en avait puisqu’il était en liberté provisoire dans l’affaire de détournement des Rs 80 M.
Or, prétextant l’abus constitutionnel et le besoin de protéger le pays des trafiquants de drogue, le CP n’aurait-il pas fait d’une pierre deux coups ? Ce n’est pas la première fois que le bureau du DPP décide de ne pas faire appel d’un bail ruling dans une affaire de drogue. Dans le cas de Vishal Shibchurn qui était en liberté conditionnelle quand il a été arrêté pour un autre délit de drogue ce dernier a quand même été libéré le 14 février; et le DPP n’a pas fait appel. Ce n’est pas le seul cas passé.
De plus, l’argument du CP pour contester la libération de Bruneau Laurette selon lequel le DPP lui est redevable en tant que representing counsel et non prosecuting counsel semble être bien plus qu’une préoccupation d’ordre constitutionnel. Le dénouement de cette affaire dans les jours à venir permettra certes de comprendre les réels motifs de cette obstination du CP pour que Bruneau Laurette retourne en prison et son acharnement sur les décisions de Me Ahmine.
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