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Conclusions de l’ONU sur l’exploitation des enfants: les «sugar daddies» séduisent

15 mars 2023, 21:00

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Conclusions de l’ONU sur l’exploitation des enfants: les «sugar daddies» séduisent

Manque de données par rapport aux cas rapportés, lacunes dans le système éducatif, manquements dans la Children’s Act, freins à une application efficace de nos lois... Ces points cruciaux ont été mis en exergue par Mama Fatima Singhateh, la rapporteuse spéciale des Nations unies (ONU) sur la vente et l’exploitation sexuelle des enfants (dont la prostitution, la pornographie enfantine et autres matériels d’exploitation sexuelle des enfants), la semaine dernière, dans son rapport au Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Et les «sugar daddies» à la rescousse de jeunes en difficulté financière sont devenus un phénomène qui interpelle à Maurice, selon elle.

Mama Fatima Singhateh, qui était en visite à Maurice et à Rodrigues en juin dernier, s’appuie sur les informations recueillies avant, pendant et après sa visite de dix jours où elle a tenu des réunions. Elle donne un aperçu des mesures législatives, du cadre institutionnel et des politiques de protection de l’enfance qui ont été mis en place pour prévenir et combattre ces phénomènes. Évoquant des lacunes dans nos lois ainsi que le manque de suivi des cas rapportés, tant en matière d’enquête que de poursuite, elle invite Maurice à redoubler d’efforts pour prévenir et éliminer la vente et l’exploitation sexuelle d’enfants.

L’étendue et la prévalence réelles des diverses manifestations d’abus sexuels et d’exploitation sont inconnues. Elles sont causées par la nature clandestine de ces délits et du manque de données complètes et collectées systématiquement sur le nombre de cas signalés, ainsi que les enquêtes et poursuites engagées. «Le manque de partage de données cohérent entre les diverses agences de protection de l’enfance est encore exacerbé par le manque de cas rapportés, en raison du manque de sensibilisation, et des barrières sociétales et religieuses dominantes, qui incluent la stigmatisation, la honte et la négligence entourant la question des abus et de l’exploitation sexuels des enfants.»

Relations abusives

La rapporteuse note qu’en dépit des données limitées et le fait que l’exploitation sexuelle commerciale des enfants reste largement inexplorée, «the anecdotal evidence gathered showed that sexual abuse of minors within circles of trust and communities, including incest at home and socalled cross generational sex perpetrated by ‘sugar daddies’, was common». Mama Fatima Singhateh a appris que de plus en plus de jeunes filles aspirent à avoir de soi-disant «sugar daddies», sans en comprendre la nature abusive. Elles se considèrent dans une relation malgré le paiement ou les transactions sans numéraire effectuées pour des faveurs sexuelles ou des services qu’ils fournissent. En raison de sa nature apparemment consensuelle et volontaire, souligne-t-elle, cette forme de relation abusive impliquant un mineur et une personne âgée n’est pas considérée comme une exploitation sexuelle commerciale ou de la prostitution.

Le dernier rapport de Maurice au sujet des cas d’exploitation sexuelle remonte à 2003. La rapporteuse souligne qu’il est urgent de comprendre l’ampleur et la manifestation du phénomène et de mener des interventions et des politiques pour y faire face.

Trafic d’enfants

De nombreux interlocuteurs ont observé que les enfants dans les poches de pauvreté courent un risque plus élevé d’être les victimes de trafic à des fins sexuelles commerciales et d’exploitation, souvent facilité par l’industrie du divertissement et d’autres intermédiaires. Selon l’Ombudsperson for children, la traite des enfants à des fins d’exploitation sexuelle est de plus en plus facilitée en ligne. «While the legislative developments related to the new Children’s Act are commendable, the Act does not make any provision for cases involving the sale of children and has not distinguished the crime of sale of children from child trafficking, despite the distinct concept», dit Mama Fatima Singhateh.

Au moment de sa visite, aucune information n’était disponible sur les mesures prises pour surveiller l’adoption informelle au sein des familles élargies et pour identifier tout abus potentiel. Des données cohérentes sur le nombre d’adoptions internationales illégales manquaient, laissant les enfants des communautés marginalisées vulnérables à la vente.

Le Comité de l’ONU se dit aussi inquiet de l’arrêt signalé du soutien aux victimes d’exploitation sexuelle et l’insuffisance des services de réadaptation pour elles. Il recommande que Maurice élabore des programmes et des politiques pour la prévention de l’exploitation et des abus sexuels des enfants dans l’industrie touristique.

«Inclusive education»

La rapporteuse spéciale a été informée que, malgré le transport public gratuit et diverses facilités pour les enfants, le taux d’abandon scolaire est élevé. Certains l’ont expliqué par le fait que les enfants rencontrent des difficultés de langage dès le primaire car l’enseignement est en anglais alors que la langue parlée de tous les jours est le créole. De nombreux enfants abandonnent l’école parce qu’ils sont «either differently intelligent, or artistically talented or had been abused or traumatized, and they ended up in secondary pre-vocational streams with teachers from mainstream schemes who were not trained to work with these children». Il existe donc le besoin de plus de personnel qualifié pour répondre à la demande dans les filières préprofessionnelles. Elle note également un manque d’éducation sexuelle à l’école à Maurice : «Effective sex education in schools is one of the few interventions Mauritius could make to accelerate efforts that target and address teenage pregnancies.»

Enfants à risque

Mama Fatima Singhateh observe de même que «les enfants d’origine culturelle créole sont souvent soumis à de multiples formes de discrimination dans divers contextes, les amenant à être réticents à signaler les abus». L’absence d’enregistrement des naissances les expose davantage à une multitude de violations, y compris le refus des soins de santé et de l’accès à l’école, ce qui les rend vulnérables au travail, au mariage et au trafic.

Maurice a une importante population d’enfants des rues, qui y sont généralement poussés à cause des faibles revenus des parents, de leurs mauvaises relations familiales et de la pauvreté. La plupart de ceux âgés de 11 à 16 ans ne vont pas à l’école et travaillent depuis l’âge de 13 ans. Les mesures prises par le gouvernement mauricien ont eu un impact limité sur la prévention de la vente et de l’exploitation sexuelle des enfants, et sur la protection des enfants victimes. Ceci est dû en grande partie au manque de ressources humaines, techniques, financières et administratives pour lutter efficacement contre la vente et l’exploitation des enfants et pour leur offrir des possibilités de rétablissement, de réadaptation et de réintégration.