Publicité

ADSU | Mutations: questions cruciales

27 mars 2023, 12:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

ADSU | Mutations: questions cruciales

Si la police a toujours maintenu que le transfert d’un policier à tout moment est légitime «for the good sake of the force», la récente vague de mutations au sein de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU), y compris celle de son numéro 1, Choolun Bhojoo, suscite encore beaucoup d’interrogations. État des lieux.

Est-ce que le patron de l’ADSU aurait refusé la demande du commissaire de police (CP) Anil Kumar Dip, de mèche avec un politicien qui souhaitait utiliser l’unité à des fins politiques et semer la terreur ? Nos sources aux seins de la force policière font état d’une situation où l’ex-numéro 1 de l’ADSU aurait été contacté par le CP sur ordre d’un politicien pour mettre à contribution l’ADSU dans une tactique politique. Le Deputy Commissioner of Police (DCP) Choolun Bhojoo aurait refusé, la mission principale de l’ADSU pour lui étant le combat contre le trafic de drogue. D’où la mise sur pied de la Special Striking Team (SST), le 3 août 2022, avec à la tête l’assistant surintendant de police (ASP) Ashik Jagai, précédemment affecté à l’ADSU de la division Ouest. Ce dernier a alors pris des hommes de confiance pour rejoindre l’unité sous sa tutelle.

Depuis, les relations entre le haut gradé et le numéro 1 des Casernes n’étaient plus au beau fixe. Une lettre anonyme envoyée au Prime Minister’s Office, faisant état d’un rapport accablant sur Jean Hubert Celerine alias Franklin et ses connexions, dont un golden-boy, a suscité des remous. La méfiance se serait installée entre le CP Dip et le DCP Bhojoo, le premier ayant de forts soupçons que le second en soit à l’origine. Choolun Bhojoo a été muté à l’aéroport au 1er mars. Depuis, une série de transferts s’est enchaînée à la brigade antidrogue de plusieurs divisions ; les Casernes centrales les justifient comme une restructuration et un renouveau pour rendre l’unité plus efficiente. 

L’informateur trafiquant ?

L’ASP Ashik Jagai a été affecté à la Western Division de 2017 à 2022. Selon nos renseignements, ce n’est un secret pour personne que la police effectue beaucoup de saisies de drogue sur la base d’informations, qui sont d’abord vérifiées et contre vérifiées. Ces informations sont fournies par d’autres informateurs. Franklin, habitant de Rivière-Noire, agissait aussi comme informateur pour l’ADSU de l’Ouest depuis 2018. Ainsi, tout trafiquant qui ne figurait pas dans son réseau se faisait arrêter par l’ADSU de l’Ouest, lui laissant le champ libre pour continuer ses «business». L’ADSU de l’Ouest, dont le QG était à Rose-Hill, couvrait les régions comprenant Rose-Hill, Beau-Bassin, Quatre-Bornes, Rivière-Noire, Bambous et Petite-Rivière, entre autres. Selon des sources, la couverture de ces régions n’était pas suffisante pour l’équipe. Il avait ainsi été décidé de mettre en place un bureau de l’ADSU à La Gaulette ; mais l’idée a dû être abandonnée pour des raisons qui ne sont pas connues. 

Clash Franklin/ Raquel Jolicoeur ?

Franklin, surnommé le «boss de Rivière-Noire», est connu pour sa proximité avec Raquel Jolicoeur, TikTokeur et leader du groupe 666 Armada. Ce dernier fréquentait le réseau de Franklin et était petit ami d’une de ses proches. Mais le couple aurait fini par se séparer et les ennuis de Raquel Jolicoeur auraient commencé après avoir quitté le clan Franklin. Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, il fait de sérieuses allégations contre l’ASP Jagai. Celui qui dit gagner sa vie comme marchand de légumes y affirme être en possession d’une clé USB pour prouver ses dires. Quelques jours après la diffusion de cette vidéo, son frère Miguel est arrêté et son domicile à Roche-Bois est perquisitionné, le 30 mars 2022. De la drogue de synthèse estimée à Rs 2,2 millions est saisie. Après cette arrestation, Raquel Jolicoeur s’exprime dans une autre vidéo : «Ti pe vinn pou mwa sa, zot pann rési gagn mwa.» Il a été arrêté le 2 mai 2022. Lors d’une opération conjointe, le Field Intelligence Office du Nord et l’ADSU de l’Ouest ont dit avoir saisi de l’héroïne valant Rs 10 millions, des explosifs, une arme à feu et des munitions chez Raquel Jolicoeur, à Roche-Bois. Ce dernier accuse la police d’avoir planté de la drogue chez lui et d’avoir endommagé ses caméras et son disque dur.

L’ADSU de Savanne aurait-elle enquêté sur l’homme qu’il ne fallait pas ?

Franklin a été arrêté une première fois le 15 avril 2019 pour possession de 6 grammes de cannabis, puis, le 15 septembre, en possession de Rs 326 300 et d’une certaine quantité de cannabis. En 2020, Franklin a bénéficié d’un «conditional discharge» devant le tribunal de Pamplemousses. Il a eu un sursis et a été sommé de se comporter car, en cas d’infraction, il devra purger une peine. Depuis, des perquisitions ont été faites sur ses propriétés mais pas de drogue saisie. Une perquisition des plus intrigantes a eu lieu le 30 août 2022 dans une maison que louait Franklin dans une «gated community». Des officiers de l’ADSU ont été désignés pour pénétrer dans la maison et les autres ont eu l’ordre de rester à l’extérieur. De même, Franklin est intercepté en compagnie d’une Seychelloise dans son Range Rover à La Prairie, avec Rs 525 000, en octobre 2022, par l’ADSU de Savanne. Il lui est simplement reproché de «failing to produce driving licence». Il a justifié être en présence de cette somme après avoir récolté les recettes de ses business et l’argent lui a été restitué. Une perquisition a également été faite chez la tante de Franklin à EDC Rivière-Noire après la saisie de l’argent. Il a expliqué qu’il habitait chez elle.

En 2022, une dizaine de personnes soupçonnées de faire partie du réseau de Franklin ont été arrêtées par l’ADSU de la division Sud. Parmi elles, Louis Kevin Mangue, un jardinier de 45 ans, qui cultivait du cannabis dans une villa à Bel-Ombre. Il s’occupait de 17 plants en terre et a aussi été pris avec 1,3 kilo de feuilles séchées réparties en 43 colis, un stock d’une valeur marchande estimée à Rs 1,6 million de roupies. Des dix suspects arrêtés, l’enquête n’a pu aboutir et remonter qu’à un «selfproclaimed businessman». Certains des suspects ont réservé leur droit au silence alors que d’autres ont simplement préféré prendre la responsabilité des charges. «Pou mo mem sa», ont-ils déclaré et n’ont pas divulgué la source de la drogue. Aucune incrimination de Franklin n’est mentionnée dans ses arrestations.

«Trapping» des opposants politiques ?

Est-ce que la thèse de «planting» tient la route ? La police a toujours avancé : «Nou pa plant la drog nou.» Pourtant, l’ombre de l’outil politique a tout de suite plané sur la SST dès sa création ; l’arrestation de l’avocat Akil Bissessur et de sa compagne Doomila Moheeputh n’a fait qu’alimenter cette perception. Le couple a été arrêté à Palma au domicile de cette dernière le 19 août 2022. Lors de cette opération, 52 grammes de drogue de synthèse, estimés à Rs 260 000 ont été saisis. Mᵉ Akil Bissessur maintient que la drogue a été plantée par la police pour le piéger.

La SST a refait parler d’elle lors d’une saisie chez l’activiste politicien Bruneau Laurette. Selon la SST, 46 kilos de haschich auraient été saisis dans le coffre de sa BMW ainsi que des armes à feu et une somme d’argent chez lui à Petit-Verger, St-Pierre, le 4 novembre. Bruneau Laurette maintient aussi qu’il a été victime de «planting». Le 27 octobre 2022, la SST a dit soupçonner la présence d’articles illégaux sur place et a débarqué chez les beaux-parents de l’avocat Sanjeev Teeluckdharry.Après plus de deux heures de fouilles, la SST est rentrée bredouille.

Il semblerait que ceux qui dérangeraient le gouvernement figureraient sur le «trapping» de la SST avec l’appui de Franklin et de ses hommes. L’étape du «planting» se ferait d’abord par un exercice de repérage et, une fois le «travail» fait, la SST recevrait un appel pour passer à l’action.