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Rs 2 milliards d’héroïne saisies en mars 2017: Kistnah détenu en cellule policière depuis six ans et toujours pas témoin vedette

14 avril 2023, 17:00

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Rs 2 milliards d’héroïne saisies en mars 2017: Kistnah détenu en cellule policière depuis six ans et toujours pas témoin vedette

Six ans, jour pour jour, demain samedi 15 avril, que Navind Kistnah passe ses journées et ses nuits dans une cellule policière au quartier général de l’«Anti-Drug and Smuggling Unit» (ADSU), aux Casernes centrales. L’enquête policière n’a toujours pas été bouclée dans l’affaire d’importation de 135 kg d’héroïne – passés à 119,5 kg par la suite – et estimés à plus de Rs 2 milliards, saisis au port, le 9 mars 2017, dans six cylindres en métal rouge «Sand Blasting Pots» dans un conteneur arrivé d’Afrique du Sud.

«Une expérience sans pareil qui m’a donné amplement le temps de me repentir.» C’est le sentiment que Navind Kistnah, plus connu comme Kunal, 41 ans le 13 octobre prochain, a partagé avec ses proches au bout de ses quelque 2 190 jours en captivité.

Celui-ci, qui s’est réfugié dans la prière, prie chaque jour pour sa libération et l’obtention d’une immunité totale. Le Bhagavad Gita et la Bible, auxquels il n’avait jamais touchés avant le 15 avril 2017 – jour de son arrestation après plus d’un mois de cavale en Afrique du Sud et au Mozambique – sont désormais ses livres de chevet.

Le souhait le plus cher du principal suspect dans l’affaire d’importation de 119,5 kilos d’héroïne dans six cylindres en métal rouge (Sand Blasting Pots) saisis dans un conteneur arrivé d’Afrique du Sud, le 9 mars 2017, est de retourner auprès de sa famille. Sa mère Savitree, 61 ans, son père Arjoon, 70 ans, et sa fratrie, qui à tour de rôle, se déplacent jusqu’aux Casernes centrales chaque après-midi pour lui apporter à manger. Le seul fait d’entendre leur voix, au loin, est pour lui fort réconfortant.

Navind Kistnah, qui s’est mis au yoga et s’entraîne une heure par jour au quotidien dans sa cellule, tente tant bien que mal d’avoir un moral d’acier. Mais, chaque jour qui s’écoule sans que son dossier ne bouge, est un de trop.

S’il occupe toujours l’une des deux cellules (elles peuvent accommoder deux détenus chacune) au QG de la brigade antidrogue aux Casernes centrales durant toutes ces années, c’est parce qu’il a accepté de collaborer avec cette unité. La police estime que sa sécurité est menacée.

Ses actuels compagnons de cellule sont deux policiers, également en détention. Jusqu’à tout récemment, la cellule de Navind Kistnah n’était pas fermée à clé. Là où il se trouve – au fond d’une entrée principale sous la supervision 24/7 d’une sentinelle de la Special Support Unit - il pouvait circuler librement jusqu’aux toilettes et la salle de douche, en passant par le couloir menant à l’exhibit room. Au réveil à 10 heures le matin, et après avoir nettoyé sa cellule et le couloir, il passe son temps à regarder la télé, écouter la radio, lire les journaux, les livres sacrés, avant de se coucher à 23 heures.

Ce n’est que le vendredi qu’il parvient à voir la lumière du jour et respirer le grand air pendant une demi-heure au maximum sous la garde d’au moins deux policiers. Si sa famille lui apporte à manger au quotidien, ce n’est que le samedi qu’il a droit de visite, et uniquement de ses proches pendant vingt minutes.

Au bout de chaque 21e jour, Kistnah doit se présenter devant la cour de Port-Louis, la salle numéro 3, à 10 heures pétante. À chaque fois, il est barricadé par un bouclier humain composé d’agents de la SSU et du GIPM. Et à 10 h 40, il a déjà regagné sa cellule.

Dans l’attente

Le fait demeure que, six ans après son arrestation, Navind Kistnah est toujours accusé et ne bénéficie pas encore du statut de témoin vedette. L’enquête de la police n’a toujours pas été bouclée et son dossier toujours pas soumis au bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP), soit le seul apte à lui accorder ou pas l’immunité.

Arrêté le 15 avril 2017, Navind Kistnah, sur qui pesait une Red notice d’Interpol à ce moment-là, a donné trois dépositions incommunicado (en isolement) et 49 autres à l’ADSU jusqu’en 2019, en présence de son avocat Neelkanth Dulloo. À l’ICAC, il en a donné 11 et au Central Criminal Investigation Department, trois autres. Cela fait trois ans et quatre mois qu’il n’a plus été interrogé.

Le remue-ménage au sein de l’ADSU, au début de mars de cette année, avec notamment le remplacement du DCP Choolun Bhojoo muté à l’aéroport par le DCP Mardaymootoo Rassen à la tête de l’unité antidrogue, n’a pas joué en sa faveur.

Son dossier aurait, semble-t-il, déjà été envoyé au bureau du DPP depuis le 15 mars 2023 s’il n’y avait pas eu cette vague de transferts. Ajoutées à cela, les multiples demandes d’extension de délai par la police en cour pour finaliser l’enquête.

Classé sous les OB 909/2017 et OB1111/2017, et case no 3704/2017, le dossier Kistnah est passé de l’ex-chef inspecteur Bhurdwarje Kumar Doss, qui l’avait interrogé au départ et aujourd’hui transféré dans un poste de police, aux mains du chef inspecteur Roland Dabeesing. Ce dernier est épaulé par le SP Imambaccus.

Aux dernières nouvelles venant de l’ADSU, Kistnah a trois à cinq dépositions additionnelles à donner pour que l’enquête soit bouclée afin que le dossier soit enfin soumis au DPP avant le 2 mai 2023.

Le DPP à son tour prendra, le temps qu’il faudra pour trancher. À ses proches, Navind Kistnah aurait confié que si Rashid Ahmine lui accorde l’immunité comme demandé, «tou so traka pou fini». De poursuivre que s’il écope d’une sentence minimale de six ans de prison, «li pou osi bizin aksepte».

Au cas contraire, ce sera une bataille juridique entre ses avocats, Rama Valayden et Neelkanth Dulloo, et l’ADSU. Toujours selon son entourage, Navind Kistnah est confiant à 100 % que ses avocats le sortiront de là.

Ils font valoir que Navind Kistnah «a uniquement déposé un document auprès du Customs clerk d’une société transitaire, sous les instructions d’un courtier maritime pour le dédouanement, avant de prendre le delivery order pour le déposer à l’entrepôt où le conteneur devait être livré. Ce courtier maritime aurait alors envoyé un camion pour prendre livraison de la marchandise».

Ces deux personnes, à savoir le Customs clerk et le courtier maritime, qui travaillaient chez le transitaire Ligentia Mauritius Ltd, sont, elles, toujours recherchées.

Chronologie

<p><strong>9 mars 2017 </strong></p>

<p>Saisie au port par l&rsquo;ADSU et la douane de 119,5 kg d&rsquo;héroïne d&rsquo;une valeur estimée à quelque Rs 2 milliards. La drogue était dissimulée dans des cylindres rouges <em>(sand blasting pots) </em>arrivés à Port-Louis dans des cartons à bord du navire MSC Ivana d&rsquo;Afrique du Sud, le 4 mars 2017.</p>

<p>Navind Kistnah, courtier maritime et directeur de KUN Management International Company Ltd, qui s&rsquo;est envolé pour l&rsquo;Afrique du Sud la veille, devient alors le principal suspect de la police. Il avait déjà été inquiété par la police le 14 janvier 2016, après que Rs 617 500 et des devises étrangères avaient été découvertes à son domicile à Camp-Benoît, Petite-Rivière. Une <em>Red notice</em> est tout de suite émise contre lui par Interpol.</p>

<p><strong>14 mars 2017 </strong></p>

<p>Arrestation et comparution de l&rsquo;Indien Sibi Tomas, 39 ans, et de l&rsquo;activiste du MSM Geanchand Dewdanee, en cour de district de Port-Louis. Les deux suspects liés à KUN Management International Company Ltd et à Brillant Resources Consulting Ltd,spécialisée dans l&rsquo;importation et l&rsquo;exportation de denrées comme la farine et le riz, ont nié toute implication dans cette affaire.Les deux ont, depuis, retrouvé la liberté.</p>

<p><strong>24 mars 2017 </strong></p>

<p>Nouvelle saisie toujours dans des cylindres rouges de 19,9 kg d&rsquo;héroïne d&rsquo;une valeur estimée à Rs 298 500 000, cette fois-ci. La drogue est arrivée à Maurice à bord du navire <em>MSC Filomena</em> de Durban le 9 mars 2017.</p>

<p><strong>9 avril 2017 </strong></p>

<p>Imtieyaz Baccus, un <em>bookmaker</em> clandestin habitant Coromandel, est arrêté, mais il nie les faits qui lui sont reprochés.</p>

<p><strong>15 avril 2017 </strong></p>

<p>Kistnah, qui était activement recherché depuis le 9 mars, est rapatrié à Maurice dans la soirée.Celui-ci, arrêté au Mozambique le 28 mars, était accompagné de deux policiers.Au cours de ses différentes dépositions, Navind Kistnah aurait mentionné le nom de Peroomal Veeren et a expliqué les liens internationaux du réseau du trafiquant de drogue actuellement en prison.</p>

<p><strong>21 avril 2017 </strong></p>

<p>Shahebzada Azaree est arrêté par l&rsquo;<em>Independent Commission against Corruption </em>avant de comparaître en cour dans le cadre de l&rsquo;enquête sur le blanchiment d&rsquo;argent allégué après la saisie de drogue au port. Il a ensuite été remis en liberté après avoir payé une caution etsigné une reconnaissance de dette de Rs 100 000.</p>

<p>Deux femmes, Marie Christelle Isabelle Bibi et Marie Annette Gooljaury, soupçonnées également d&rsquo;être mêlées à cette affaire, sont arrêtées et libérées sous caution. Tout comme l&rsquo;ancien judoka John Nanon, accusé provisoirement de trafic de drogue et de blanchiment d&rsquo;argent.</p>

<p>Keshwin Manish Seewoochurn, lui aussi arrêté, est relâché par la <em>Bail and Remand Court</em> après 44 mois de détention. Homunchul Ramdin, plus connu sous le nom de Doun, un courtier en douane habitant Vallée-des-Prêtres, et dont la photo a été diffusée par la police, est, lui, toujours recherché six ans après.</p>

<p><strong>17 juillet 2017 </strong></p>

<p>Alors que le poids initial de la drogue saisie, au port le 9 mars 2017, était de 135 kilos, il est passé à 119 kilos par la suite. Au Parlement, l&rsquo;ex-ministre mentor sir Anerood Jugnauth a affirmé avoir demandé qu&rsquo;un ancien juge de la Cour suprême ouvre une enquête à ce sujet.</p>

<p><strong>22 février 2018 </strong></p>

<p>Le conseil des ministres a pris note des conclusions du <em>Fact Finding Committee</em> présidé par l&rsquo;ex-juge Paul Lam Shang Leen sur les kilos d&rsquo;héroïne présumés manquants. Pour le comité, il n&rsquo;y a eu aucune disparition d&rsquo;héroïne et<em> &laquo;la différence de poids peut s&rsquo;expliquer par l&rsquo;utilisation d&rsquo;une balance de poche, dont la précision peut dépendre de la façon dont elle a été calibrée&raquo;.</em></p>