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Gestion budgétaire: l’économie souterraine, une menace perfide et constante
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Gestion budgétaire: l’économie souterraine, une menace perfide et constante
Ce système, alimenté par de l’argent provenant d’activités cachées ou réalisées en plein jour, mais dont les recettes ne sont pas déclarées au fisc, est d’autant plus difficile à maîtriser car il n’est pas mesurable. Impossible de dire avec certitude le montant qu’il représente. Un phénomène avec lequel il faudra vivre pendant longtemps encore.
Depuis le vendredi 2 juin, le pays est en ébullition. Tous les regards sont tournés dans une seule direction : l’Assemblée nationale. Une seule personne est parvenue à mobiliser l’attention de la nation mais également celle des étrangers qui ont un intérêt dans le pays. Il s’agit de Renganaden Padayachy, ministre des Finances. En cause : le dévoilement des orientations de l’économie officielle pour l’exercice 2023-24. Être satisfait ou pas du contenu ou de sa démarche n’est pas la question. Pour la simple raison, que l’exercice en lui-même est une demi-vérité car parallèlement à l’économie officielle, il existe un phénomène financier de même nature qui échappe aux yeux des autorités.
La Mauritius Revenue Authority (MRA) est chargée de réclamer la part d’État dans les revenus de toute personne qui touche de l’argent et doit payer des impôts pour que ce même État puisse disposer d’un budget pour assurer ses dépenses sur une période donnée. Le rôle de la Banque de Maurice (BoM) consiste à gérer la politique monétaire de l’État. Bref, des activités illicites sont pratiquées au nez et à la barbe des autorités et leurs auteurs profitent de toutes les facilités financées par l’État sans lui verser un sou de leurs revenus souvent acquis au noir.
Ces acteurs appartiennent à deux catégories. La première catégorie comprend des activités tout à fait légales, mais où les auteurs ne versent pas un sou à l’État. Cette liste non-exhaustive comprend le marchand de gâteaux, dont l’accoutrement inciterait le passant à lui demander s’il a de quoi nourrir sa famille ; l’enseignant qui, après ses heures de travail normales ou lors de jours de congé de maladie, donnent des leçons particulières 7 jours sur 7 ; le plombier qui empoche des revenus dans dévoiler son statut de contribuable potentiel à la MRA ; et le comptable qui ne déclare pas au fisc ses honoraires perçus pour des services à des PME ou des organisations à but social.
L’autre catégorie d’acteurs du secteur mystérieux et insaisissable qu’est l’économie souterraine pratiquent des activités carrément illicites et punissables par la loi. Les plus en vue sont les marchands de drogue. La valeur des produits qu’ils vendent se mesure à coup de millions de roupies. C’est un marché florissant, un secteur où l’argent coule en abondance. C’est un marché où l’offre parvient difficilement à satisfaire la demande. Ce qui a pour conséquence, la hausse de la valeur des produits. Pour donner des ailes à la demande, c’est un marché qui assiste régulièrement à l’entrée en scène de nouveaux produits, les uns censés être plus efficaces que les autres. Cette concurrence entre produits de ce marché illicite contribue à faire monter davantage leurs prix.
Sur quoi débouche cette rentrée d’argent aussi longtemps que ni la MRA ni la police ne met la main au collet de ces acteurs illicites ? Essentiellement sur des signes extérieurs de richesse visibles à qui veut bien ouvrir les yeux – bijoux de grande valeur, implantation de dents en or ou platine, grosses cylindrées, vêtements dernier cri, multiplication de voyages pour soi-même et les siens ou encore investissement dans l’immobilier. Imaginez une situation où le propriétaire d’une maison veut céder son bien pour Rs 1 million et qu’au moment de conclure la transaction, un autre acheteur lui propose quatre fois le prix initial. Il est peu probable qu’il va refuser cette manne qui tombe du ciel. Que se passe-t-il s’il est établi que cet argent provient d’une activité illicite ? On assiste alors à l’empiètement de l’économie souterraine sur l’économie officielle. Une situation susceptible de provoquer des situations de déréglementation.
On aura d’ores et déjà saisi la nuance. L’économie souterraine fausse le jeu de la libre concurrence car les concurrents ne partent pas sur le même pied d’égalité. C’est ainsi que des sommes considérables provenant d’activités illicites, voire criminelles, sont recyclées dans le circuit officiel. Il n’est pas interdit de croire que de telles activités constituent un facteur inflationniste, vu sa capacité à grossir les prix de manière artificielle. L’économiste Pierre Dinan peine à trouver les mots pour parler d’une économie qui n’est que de nom mais n’a rien d’officiel. Comment économiste peut-il se prononcer sur un phénomène difficilement mesurable.
«Une des institutions susceptibles de quantifier le montant de l’argent produit par l’économie souterraine» explique l’économiste, « est sans nul doute la BoM.» Il estime qu’il est tout à fait possible pour la MRA de ramener dans le concert des contribuables de l’économie officielle, les acteurs de la première catégorie de l’économie souterraine en promettant de ne pas les pénaliser pour les manquements passés, les amnistier et les intégrer à la liste de ses contribuables conventionnels. Pour ceux qui s’adonnent à des activités illicites, il estime que les autorités appropriées doivent trouver des mesures susceptibles de mettre un terme à leurs activités. L’économie souterraine constitue un véritable défi pour la MRA qui voit passer sous son nez des milliards de roupies qui pénètrent l’environnement de l’économie officielle sans pouvoir les soumettre aux obligations fiscales.
Le silence de la MRA ne signifie pas qu’elle a baissé les bras devant ce phénomène qu’aucun pays au monde ne peut maîtriser parfaitement. « Dès son avènement », argue Amick Teeluckdharry, Assistant Director, Taxpayer Education and Communication Department à la MRA, « la MRA a mis en place tout un système pour identifier et traquer les contribuables qui ne déclarent pas leurs revenus correctement. Ce système comprend des officiers formés tant à Maurice qu’à l’étranger pour bien mener cette lutte contre l’évasion fiscale. Les méthodes déployées sont universelles et pratiquées par plusieurs pays. Malheureusement, la MRA ne peut pas dévoiler l’identité de ces personnes non conformes avec les lois fiscales, ni le montant dont ils auraient dû s’acquitter.»
La difficulté de maîtriser ce phénomène aux répercussions tant économique, financière que monétaire sur l’économie officielle n’est pas une caractéristique du seul État mauricien. Il a fait l’objet d’une intéressante étude en 2002 pour le Fonds monétaire international (FMI) par Friedrich Schneider, professeur d’économie à l’université Johannes Kepler de Linz, en Autriche et Dominik Enste, qui a étudié l’économie, la sociologie et la psychologie socioéconomique à l’université de Cologne, au Trinity College et à l’université de Dublin. L’ouvrage présente s’intitule Sous la protection de l’ombre La croissance de l’économie souterraine. « L’économie souterraine » écrivent-ils, « est en général petite dans les pays où les institutions publiques sont solides et efficaces. En effet, certaines études ont montré que ce n’est pas le relèvement des impôts proprement dit qui accroît la taille de l’économie souterraine, mais l’application inefficace et discrétionnaire du régime fiscal et de la réglementation par les gouvernements. Une réglementation rigoureuse de l’économie, accompagnée d’une administration laxiste et discrétionnaire de la loi, offre un terrain particulièrement fertile aux activités de l’ombre et crée les conditions propices à l’expansion de la corruption. Il existe peu d’études empiriques sur la relation entre la corruption et l’économie de l’ombre, mais celles qui existent montrent que plus la corruption est forte, plus l’économie souterraine est relativement grande. La corruption est essentiellement l’usage abusif du pouvoir public au profit d’intérêts privés. »
Les deux experts avouent la difficulté de mesurer et de calculer l’économie souterraine. « Les analystes et décideurs », disent-ils, « doivent être avertis que les estimations de la taille de l’économie souterraine peuvent varier fortement selon la méthode d’estimation. Il n’y a pas de méthode d’estimation qui soit «meilleure» que les autres; chaque approche a ses points forts et ses déficiences, et donne ses propres informations et résultats. Les méthodes fondées sur la demande numéraire et les variables latentes sont celles dont l’usage est le plus répandu. »
Tout sur la nouvelle réforme fiscale
Le nouveau régime fiscal est progressif, explique Fazeel Soyfoo, partenaire à Andersen. En termes simples, cela signifie que les taux d'imposition augmentent à mesure que le revenu d'un individu augmente. Leur taux d'imposition effectif, c'est-à-dire, l'impôt total payé en pourcentage de leurs revenus, augmente en conséquence. «Considérez-le comme un ensemble d'escaliers, où un taux de taxe plus élevé s'applique à mesure que vous montez, un escalier à la fois. Par conséquent, à mesure que le revenu d'une personne augmente, elle monte les escaliers et paie un impôt à un taux plus élevé sur la partie du revenu attribuable à chaque escalier.»
Ainsi, comme annoncé dans le Budget 2023-24, pour une personne sans personne à charge, les premiers Rs 390 000 seront taxés à 0 %. C'est le “point zéro". La première marche concerne les revenus de Rs 390 001 à Rs 430 000, auquel un taux d'imposition compris entre Rs 430 001 et Rs 470 000. La prochaine cible les prochains Rs 60 000 jusqu’à Rs 530 000 à un taux de 6 % sur les revenus de cette tranche. Suivent sept tranches supplémentaires, culminant à un taux de 20 % sur des revenus supérieurs à Rs 2 390 000.
Fini le prélèvement de la taxe de solidarité de 25 % sur le revenu imposable plus les dividendes, dépassant Rs 3 000 000. C'était en effet une préoccupation majeure des contribuables car il entraînait un taux de 40% pour les revenus de Rs 3 millions à Rs 5 millions – largement considéré comme prohibitif et dissuasif. Le taux d'imposition diminuerait éventuellement pour les revenus supérieurs à Rs 5 millions jusqu'à un maximum de 25% en raison de la suppression de la Solidarity Levy. Sinon, sous le nouveau régime fiscal, le montant d'impôt qu'une personne paiera dépendra, comme d'habitude, de plusieurs facteurs, tels que le nombre de personnes à charge, les déductions dont elle dispose, etc.
Tout le monde est-il mieux loti sous ce nouveau régime ? Fazeel Soyfoo y répond.
1. Avec la suppression de la Solidarity Levy, ceux gagnant plus de Rs 3 millions par an sont susceptibles de bénéficier d'un taux d'imposition réduit plafonné à 20 %. Ils paieront donc moins d'impôts et auront plus de revenus disponibles.
2. Ceux qui perçoivent jusqu'à Rs 1 490 000 paieront l'impôt à un taux maximum de 14 %, sur une base progressive en opposition aux taux forfaitaires appliqués auparavant. Ils seront donc également mieux lotis.
3. Ceux qui touchent entre Rs 1 490 000 et Rs 3 millions seront mieux loties sous le nouveau régime. En effet, les économies accumulées sur leurs revenus jusqu'à Rs 1 490 000 doivent dépasser les impôts qu'ils doivent payer dans les tranches supérieures qui attirent un taux d'imposition de 16 % et plus.
Comment lutter contre l'évasion fiscale ?
L'évasion fiscale est un problème grave, soutient Fazeel Soyfoo, qui continue d'affliger notre société. D'une part, nos lois fiscales permettent un degré de planification fiscale tout à fait acceptable. «Plutôt que de sévir contre les contribuables de bonne foi, qu'il s'agisse d'individus ou d'entreprises – en particulier ceux qui ont choisi de faire des affaires à ou via Maurice – sur des questions subjectives et souvent parfaitement défendables dans les deux sens, il serait préférable que la MRA consacre plus de ressources à lutter contre l'évasion fiscale, qui est illégale.» Il ajoute également qu’il faudrait peu de sympathie pour ceux qui, vexés par le paiement de certains impôts, franchissent la frontière entre la planification fiscale légale et l'évasion fiscale illégale. «Ils ont souvent dit que si les impôts étaient payés, l'argent serait de toute façon gaspillé par l'État, d'où la raison de ne pas payer d'impôts. Malheureusement, cela ressemble beaucoup à l'argument d'un ancien président américain.»
Une amnistie fiscale temporaire peut-elle aider ?
«Oui, mais souvent le problème avec ce type de stratagèmes est que les criminels peuvent les utiliser pour blanchir les produits du crime sans crainte de poursuites. À un moment où le pays renforce les lois et les cadres pour réprimer les pratiques de blanchiment d'argent, une amnistie fiscale pourrait avoir des effets opposés. Si Maurice devait introduire une amnistie fiscale, nous devrions nous assurer qu'elle est conforme aux normes du GAFI.» Fazeel Soyfoo souligne également qu'une meilleure approche pour la MRA serait de renforcer sa capacité à améliorer le respect futur des exigences fiscales et à former et équiper son personnel pour lutter contre les fraudeurs fiscaux. «La MRA peut également utiliser les dernières technologies pour lutter contre l'évasion et la fraude fiscales, tout en continuant à éduquer et à sensibiliser aux dangers d'une telle évasion», conclut le partenaire à Andersen.
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