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«Planting»: une pratique qui s’enracine ?

18 juin 2023, 12:00

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«Planting»: une pratique qui s’enracine ?

Les confidences des policiers, contenues dans les bandes sonores diffusées de Vimen Sabapati, ont une nouvelle fois provoqué une onde de choc. Ajoutant de l’eau au moulin de ceux qui allèguent qu’ils ont été piégés. Le mot «planting», devenu célèbre depuis quelque temps déjà, y est mentionné comme une pratique régulière de certains policiers que plusieurs suspects avaient déjà dénoncée. Recap

Vimen Sabapati, arrêté le 3 mai, ne cesse de crier qu’il a été victime de planting. Cet ancien entraîneur national de Muay Thai, âgé de 39 ans, aurait délibérément enregistré ses conversations avec des policiers pour se prémunir contre toute éventualité de planting. Mais cela ne l’aurait vraisemblablement pas protégé, du moins jusqu’ici. Car le 3 mai, alors qu’il se trouvait à la rue La Poudrière à Port-Louis, les hommes de l’ASP Jagai de la Special Striking Team (SST) l’ont appréhendé et ont trouvé 10,35 kg d’héroïne d’une valeur de Rs 150 millions dans son 4x4.

Bruneau Laurette avait dénoncé la pratique de planting avant d’en être lui-même victime. Le 4 novembre 2022, lors d’une descente des limiers de la SST à son domicile à Petit-Verger, Saint-Pierre, il est arrêté ainsi que son fils. 40 kg de haschich d’une valeur de Rs 231 millions sont retrouvés dans sa voiture. Les limiers l’accusent aussi de blanchir de l’argent. Il nie les faits qui lui sont reprochés et passe presque quatre mois en détention policière. Le 27 février, Bruneau Laurette est libéré sous caution après avoir fourni deux cautions de Rs 1 million chacune et une de Rs 50 000; il a aussi signé une reconnaissance de dette de Rs 50 millions. L’activiste n’a jamais cessé de crier haut et fort qu’il avait été victime de planting. Craignant d’être victime d’un deuxième cas de planting, il a d’ailleurs déposé deux mains courantes aux postes de police de Goodlands et de Quatre- Bornes.

Akil Bissessur  accusé provisoirement de trafic de drogue, a vu la charge rayée en cour de Bambous le 28 mars. L’homme de loi avait été arrêté le 19 août dernier au domicile de sa compagne à Palma. Les limiers de la SST avaient débarqué sur place. L’homme de loi avait partagé cette scène en direct sur sa page Facebook. Des pierres et projectiles avaient été lancés et une maison saccagée. Quand les limiers ont pu avoir accès à l’intérieur, ils ont mis la main sur 53,06 g de drogue synthétique d’une valeur de Rs 260 000, que l’homme de loi affirme avoir été plantée. Akil Bissessur et sa compagne ont passé 18 jours en détention avant d’obtenir la liberté conditionnelle.

Vinessen Moonian, père d’un enfant malade, se dit lui aussi victime de planting. Il avait été arrêté le 14 janvier après que la brigade antidrogue a découvert une certaine quantité de drogue à son domicile. Après avoir passé 26 jours en détention, cet habitant de Cascavelle a été libéré sous caution. Une vidéo de la perquisition à son domicile viendra par la suite appuyer son allégation de planting. Lors d’une conférence de presse avec son homme de loi, Rama Valayden, les images de la perquisition sont divulguées. On peut notamment y voir un des officiers retirer quelque chose de sa poche, le déposer et faire croire qu’il a trouvé de la drogue, semble-t-il. Les policiers pensaient avoir éteint les caméras à l’intérieur de sa maison pendant la fouille mais celles-ci avaient continué à filmer toute la scène.

John Brant Vivien – aka John Brown – arrêté le 29 avril 2020 à son domicile à l’allée Pétunias, Résidence Sainte-Claire, à Goodlands, a affirmé qu’au moment de son arrestation, il n’était pas en possession de drogue, comme l’avait stipulé la brigade antidrogue dans son rapport après une opération musclée. L’ADSU avait affirmé qu’il avait été pris en flagrant délit devant sa maison, avec à la main un sachet en plastique contenant 34,68 g d’héroïne, 7,87 g de drogue synthétique, 15 petits sachets d’héroïne, 96 doses sous aluminium d’héroïne et 420 feuilles d’aluminium de drogue synthétique, d’une valeur de Rs 1 048 500 pour l’héroïne et Rs 346 750 pour la drogue synthétique. Mais les images CCTV ont démontré le contraire. À l’arrivée de l’ADSU, John Brown n’avait que son téléphone à la main. Il s’était aussi plaint d’avoir été torturé dans le fourgon qui le transportait aux locaux de l’ADSU. Ses proches ont porté plainte à l’Independent Police Complaints Commission. L’accusation provisoire contre John Brown, représenté par Me Rouben Mooroongapillay, a été rayée au tribunal de Mapou en janvier 2023. Il réclame Rs 50 millions de dommages à l’État et à huit policiers pour agression, torture et arrestation arbitraire.

Wayne Attock, un éleveur de porcs de Baie-du-Tombeau, a été arrêté par l’ADSU en novembre 2022. Sur des vidéos CCTV partagées par son avocat Me Rama Valayden, on peut voir un policier masqué procédant à ce qui s’apparente à du planting derrière le canapé pendant que le suspect avait le dos tourné, avec la complicité présumée d’un de ses collègues. Selon l’ADSU, lors de cette opération, 78,8 grammes d’héroïne d’une valeur d’environ Rs 1 million auraient été saisies, de même que des bijoux en or.

Raquel Jolicoeur, qui a passé plus d’un an en détention, n’a cessé de crier au planting. Cette thèse a été confirmée par l’inspecteur Sevanandee sur la bande sonore de Vimen Sapabati, après que le policier a expliqué que les armes retrouvées au domicile du chanteur ont été plantées. La motion pour la radiation des charges provisoires de cet habitant de Roche-Bois a été renvoyée au 26 juin. Il avait été arrêté le 2 mai 2022, après une descente policière. Les officiers avaient saisi un sac de sport contenant un revolver fabriqué au Brésil avec cinq balles de calibre .22 mm, une boîte de 35 balles du même calibre, deux explosifs et cinq sachets renfermant de l’héroïne d’une valeur marchande Rs 7 millions. Il a toujours soutenu qu’il s’était fait piéger par la police.

Bhavesh Rungee, un enseignant de 30 ans, a vu sa vie basculer du jour au lendemain. Arrêté le 11 septembre 2020, il a passé 19 jours en détention. La brigade antidrogue l’avait appréhendé à la gare de Saint-Pierre, et lors d’une fouille corporelle, 30 pilules soupçonnées d’être de l’ecstasy avaient été retrouvées. Une fouille à son domicile avait permis aux limiers de mettre la main sur 0,46 g de cannabis. Or, cet habitant de Palma n’a jamais cessé d’affirmer qu’il avait été piégé.
 

Témoignage : «j’ai tout perdu, ma fiancée m’a quitté, j’ai perdu mon travail…»

<p>Son arrestation remonte à trois ans, alors qu&rsquo;il dénonçait certaines pratiques peu religieuses de la brigade antidrogue, affirme-t-il. Depuis, il n&rsquo;a cessé de dénoncer les agissements de cette brigade. Cet habitant des PlainesWilhems, qui a tout perdu du jour au lendemain, se considère comme une victime d&rsquo;un système corrompu. Pendant longtemps, il a dénoncé les cas de <em>&laquo;planting&raquo;</em> (fabrication de preuves) et maintenant, il a perdu courage et attend que la justice fasse son travail.</p>

<p>Nous sommes en 2020, lors du premier confinement. Une équipe de la brigade antidrogue se présente à son domicile avec un mandat de perquisition. Ils découvrent quelques grammes de cannabis et une importante somme d&rsquo;argent qu&rsquo;il avait reçue en guise de gain. Ce jeune homme de 28 ans, sur le point de se marier, est arrêté. Lors de son interrogatoire, il nie toute implication dans le trafic de drogue. <em>&laquo;On m&rsquo;a associé à l&rsquo;identité d&rsquo;un trafiquant de drogue. J&rsquo;ai vu ma vie basculer du jour au lendemain. J&rsquo;ai tout perdu, ma fiancée m&rsquo;a quitté, mes proches me regardent différemment. J&rsquo;ai même perdu mon travail. Je suis tombé dans une profonde dépression. Pourtant, on m&rsquo;accuse de quelque chose que je n&rsquo;ai pas commis. Pendant longtemps, j&rsquo;ai crié au &laquo;planting&raquo;. Mais aujourd&rsquo;hui, je suis fatigué. Avec les confidences des policiers sur la bande sonore de Vimen Sabapati, j&rsquo;ai un peu d&rsquo;espoir que les magistrats ouvriront davantage les yeux sur les cas de &laquo;planting&raquo;, </em>confie-t-il.</p>

<p>Il explique que quelques jours avant son arrestation, il avait eu un différend avec un policier qui lui avait dit que cela &laquo;<em>ne se terminerait pas ainsi&raquo;.</em> Par mesure de précaution, il était entré en clandestinité et deux semaines plus tard, il a vu une équipe de la brigade antidrogue débarquer à son domicile.</p>