Une décennie au service de sir Anerood Jugnauth a permis à Bhinod Bacha de s’ériger en fonctionnaire le plus puissant de tous les temps. Certes, le mandarin, tué dans un accident de la route à l’âge de 81 ans, a servi sous quatre différents Premiers ministres, allant de sir Seewoosagur Ramgoolam (SSR) à Pravind Kumar Jugnauth, en passant par sir Anerood Jugnauth (SAJ) et le Dr Navin Ramgoolam.

Bien qu’il ait rejoint la fonction publique après ses études universitaires en Angleterre, juste avant l’Indépendance et à l›âge de 24-25 ans, Bhinod Bacha a connu une ascension fulgurante à partir de 1982, après la victoire écrasante de l’alliance MMM-PSM avec un score de 60-0. Il a commencé sa carrière en tant qu’enseignant dans un collège d’État. Pour se donner davantage de ressources dans les services gouvernementaux après l’accession du pays à l’Indépendance, de jeunes universitaires ont été recrutés et affectés aux différents ministères et départements à l’Hôtel du gouvernement. C’est ainsi que Bhinod Bacha, Vijay Kumar Joypaul et plusieurs autres jeunes ont accédé aux fonctions d’Administrative Officer (AO).

Bhinod Bacha a été déployé au bureau du Premier ministre (PMO) où régnaient en maîtres des vétérans, tels que Dayendranath Burrenchobay et Kissoonsingh Hazarareesingh. Le jeune Bacha a patiemment gravi les échelons sous le gouvernement de sir Seewoosagur. La défaite de SSR en juin 1982 a marqué l’ascension fulgurante du fonctionnaire Bacha, alors dans la quarantaine. Il a été affecté au bureau d’Anerood Jugnauth. Il a navigué étroitement dans les eaux tumultueuses des différents conflits qui ont ébranlé l’alliance entre le MMM et le PSM, et qui ont vu la création du Mouvement socialiste militant d’Anerood Jugnauth. Bhinod Bacha a sans aucun doute été conforté par la victoire du MSM et de ses alliés en août 1983.

Son ascension a été fulgurante au PMO si bien qu’il est devenu indispensable à SAJ. Il l’accompagnait dans toutes les délégations. Il organisait tout. Bien sûr, avec la bénédiction de sir Anerood, il est devenu le premier fonctionnaire à occuper à la fois les fonctions de Head of Civil Service et Secretary for Home Affairs (SHA). En tant que SHA, Bhinod Bacha a été en mesure d’exercer son contrôle sur toute la police, le service pénitentiaire, les services de renseignement, la Mobile Force et les garde-côtes. Ainsi, il est devenu le chef de tous les salariés de l’État, en civil et en uniforme.

L’hyperpuissance du mandarin ne peut être mieux illustrée que par la décision du gouvernement d’inclure la toute nouvelle épouse de Bhinod Bacha, Lady Kathleen Bacha (née Colimalay), aux délégations officielles, aux côtés de Lady Sarojini Jugnauth, l’épouse du Premier ministre. C’était du jamais vu dans les annales de l’administration publique de Maurice. À partir de ce moment, la pratique d’un per diem séparé pour l’épouse d’un membre de la délégation a également été établie.

Malheureusement, ce conte de fées au sommet de l’État a pris fin avec un incendie qui a ravagé la demeure des Bacha à l’avenue Naaz, à Quatre-Bornes, et qui a entraîné la mort de Lady Kathleen et du fils du couple, Lamesh. Arrestation, incarcération, poursuites en cour pour «meurtre», «incendie criminel» et «conspiration» – tel fut le calvaire que sir Bhinod a dû vivre. Sa précédente épouse, Rubee Pillay, avec qui il a eu un fils, Yasmesh, était elle aussi morte dans des circonstances tragiques plusieurs années auparavant.

Sans cet épisode douloureux de l’incendie de Quatre-Bornes, il aurait été au PMO lorsque SAJ a été battu par 60-0 en 1995. Le grand survivant Bacha aurait-il continué à «servir» sous le nouveau gouvernement PTr-MMM de 1995 ? Bien des années après, il a fait son retour au service de l’État en tant qu’Advisor du ministre Abu Kasenally, avant de rejoindre le PMO de Navin Ramgoolam. Ensuite, il est devenu Senior Advisor de Pravind Kumar Jugnauth.

Hélas ! Une carrière marquée par de nombreux épisodes, les uns plus dramatiques que les autres, a pris fin. Il a suffi d’une petite Yaris pour terrasser un géant. Certains diront que c’est la loi du karma.