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Agriculture | Côte-d’Or et Highlands: des terres en quête de preneurs
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Agriculture | Côte-d’Or et Highlands: des terres en quête de preneurs
Une nouvelle expression d’intérêt a été lancée pour l’allocation des terres à bail dans les régions de Côte-d’Or et de Highlands. Cet exercice a été fait par Landscope Mauritius qui espère attirer les planteurs sur ces terres agricoles. Pourtant, ces derniers ne semblent pas vraiment emballés par ces régions…
Côte-d’Or, terre de convoitise, avec des projets à perte de vue. En effet, plusieurs annonces ont été faites au cours de l’année écoulée concernant divers projets dans cette région. Pour ne citer que la construction de l’hôpital Ayush, qui se fera sur 12 hectares avec le soutien du gouvernement indien. Ou encore la Côte d’Or International Racecourse and Entertainment Complex Ltd (COIREC), dont une enveloppe de Rs 30 millions a été allouée lors du Budget 2022-2023. Ce champ de courses s’étalera sur 175 arpents. Aujourd’hui, c’est au tour de Landscope Mauritius de louer 300 arpents non seulement sur cette région mais jusqu’à Highlands, pour la culture des légumes. Pour ce qui est du coût, il varie entre Rs 10 000 à Rs 15 000 par an, dépendant de la superficie.
Ce qui suscite des interrogations auprès des planteurs, comme le souligne Sanjeev Dindyal. Le président de la Centerwest Small Planters Association confie qu’un arpent de terre se loue à quelque Rs 1 000 par an, comme c’est le cas le concernant. «Je cultive les terres à Plaine-Sophie et je les loue annuellement à Rs 1 000 l’arpent.»
Néanmoins, il avance que les terres dans ces régions sont propices à la culture. «Les terres sont fertiles mais le problème que l’on peut rencontrer, c’est le manque d’eau pour l’irrigation.» Il explique qu’un agriculteur ne pourra pas planter tout au long de l’année dans ces régions. Durant la période estivale, ils pourraient rencontrer des problèmes. «On ne peut pas prendre un terrain et le cultiver juste pour quelques mois.» Sans parler d’un autre facteur qui pourrait également démotiver les planteurs à prendre ces terrains : les voleurs. «Ces terres sont exposées et à la vue de tous. Des voleurs pourront facilement se servir…»
Il n’est pas le seul sceptique. C’est aussi le cas de Krit Beeharry, membre de la Plateforme Planteurs des îles. Il constate que plusieurs facteurs découragent les agriculteurs. Dans un premier temps : le changement climatique. «Il y a le changement dans la pluviométrie, l’humidité, la température. La production est donc différente. Les maladies et les accumulations d’eau causent aussi des pertes. Sans parler qu’il n’y a pas de remède pour ces maladies. Contrôler les insectes pose aussi problème. Le calendrier des légumes est ainsi chamboulé.» Toutefois, il est d’avis que les planteurs devraient être constamment formés pour faire face aux changements et évoluer avec le temps.
De plus, les terrains proposés ne sont pas pour la production vivrière, déclare Krit Beeharry. Selon lui, Maurice est limité en termes de sol fertile. «Le terrain n’est pas préparé pour la culture. Et si le planteur ne sait pas comment rendre ce terrain fertile et qu’il n’a pas la connaissance, la technologie ou encore la mécanisation pour le faire, cela devient compliqué.» Il noircit le tableau.
«De plus, certaines régions où les légumes ont été produits ont déjà été contaminées. Les infections n’ont pas cessé d’augmenter. Là où les terrains sont encore fertiles, il y a déjà les plantations de canne ou alors nous avons déjà construit dessus.» De plus, les prix des intrants depuis le Covid-19 ont considérablement augmenté. Ce qui fait que le coût de la production a augmenté alors que le capital a diminué. Sans compter le manque de maind’œuvre. «Face à la population vieillissante des planteurs, les jeunes ne veulent pas prendre la relève. Ce secteur n’est pas valorisé à sa juste valeur. Il faut régulariser ce secteur, restructurer le système et encourager les perspectives d’avenir.»
Pour sa part, Olivier Fanfan, agro-entrepreneur, explique que dans tous les sols, il y a suffisamment de nutriments pour pouvoir soutenir une plante pour des milliers d’années. «Ce qui manque à ces sols, c’est juste un écosystème de microorganismes et de la matière organique dont une plante a besoin. Il faut le transformer en un nutriment qui est bio disponible. Ceci permettra ainsi d’avoir une certaine résilience au changement climatique.»
Connaissance de l’écosystème
La connaissance de cet écosystème est nécessaire pour que la terre puisse rester fertile. Cela pourra alors résoudre ce problème d’abandon des terrains, ou encore des cultures de moins en moins profitables, où les conditions du sol sont blâmées pour évoquer des raisons pour lesquelles ils ne peuvent planter. D’où le soutien des institutions qui accompagnent les planteurs incluant les organisations non gouvernementales (ONG) et les institutions gouvernementales et le ministère de l’Agro-industrie. Il faut éduquer les planteurs à une nouvelle approche adaptée aux nouvelles réalités du changement climatique ou la réalité de la terre érodée pendant des centaines d’années à Maurice. Le sol a été lavé et appauvrit en matière organique et aussi l’écosystème. Un support pour remédier à cette situation devrait être adopté et une approche qui est alignée à la réalité de la nature et de l’écosystème est nécessaire.
Notre interlocuteur poursuit en ajoutant que la personne qui fera ce métier se sentira ainsi valorisée au niveau de la contribution qu’elle apporte à l’humanité et à la nature. Il faut aussi une approche adaptée à la vie d’aujourd’hui. Il propose une approche plus écologique, comme l’agroforesterie. «Après six à dix ans, le business model change. Il commence par avoir beaucoup de légumes puis beaucoup de fruits. Puis les deux. Permettant ainsi la diversification dans la culture. À Maurice, la plupart des planteurs pratiquent la monoculture. Ils ont un terrain, ils ne vont planter que de la pomme d’amour, par exemple. Et tous les planteurs cultivent la même chose. Ils sont à ce moment-là tous pénalisés en raison de l’offre qui est plus forte que la demande, le prix ne vaut pas la peine pour payer la main-d’œuvre pour la mise sur le marché et l’agriculteur abandonne les champs. L’excès se vend bon marché et les autres légumes sont en manque et se vendent cher. C’est encore une fois l’approche qui pose problème. C’est la monoculture qui pose problème.»
Il renchérit. «Si un planteur adopte une approche agroécologique et utilise la polyculture pour créer un écosystème stable et résilient dans son champ, avec une plante protégeant l’autre, par exemple, il se retrouverait avec plusieurs variétés. On aurait une stabilité des prix des légumes tout au long de l’année. Ce qui permet de maintenir le business tout au long de l’année.» Par ailleurs, il faut une planification de la production et une structure nationale, à l’instar des recensements nationaux en temps réel, pour que les agriculteurs puissent prendre des décisions rationnelles. Ou avoir une database où les planteurs peuvent publier des informations sur leur culture.
Olivier Fanfan propose aussi de revoir le système éducatif. «Ce sont les approches durables qu’il faut enseigner aux enfants depuis qu’ils sont petits. (…) Il y a une insécurité alimentaire d’environ 80 %. Lors de la pandémie, les ménages produisaient une partie des produits qu’ils consommaient. C’est dommage que cet élan ait été ralenti.» En attendant, ceux qui aimeraient être locataires des terres dans ces deux régions ont jusqu’au 10 juillet pour s’inscrire auprès de Landscope Mauritius.
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