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Pommes de terre «made in Germany»: les agriculteurs en ont gros sur la patate
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Pommes de terre «made in Germany»: les agriculteurs en ont gros sur la patate
Maurice importe presque la moitié de sa consommation de pommes de terre. Sans compter les frites et autres surgelés également importées. Pourtant, les planteurs veulent en produire plus, de même que d’autres cultures vivrières. Sauf qu’il a il y a de moins en moins de terres pour le faire.
Elles viennent de loin. En 2022, on a importé 13 000 tonnes de pommes de terre qui nous ont coûté Rs 442 millions. Nos deux plus gros fournisseurs : l’Égypte et l’Inde avec 4 900 tonnes chacune. Mais on importe aussi de la France et de la puissance industrielle qu’est l’Allemagne, avec 1 300 et 900 tonnes respectivement en 2022. Le prix de cette denrée venant de ces pays européens est plus cher, entre Rs 35 et Rs 37 le kg alors que celle de l’Égypte et l’Inde est à environ Rs 29. On ne connaît pas le prix du fret pour chacun, l’Agricultural Marketing Board (AMB) qui fait ces importations, ne nous ayant pas répondu. Mais le fret a sensiblement augmenté depuis 2021… Cependant, on continue à importer presque la moitié de nos besoins qui se chiffrent à 27 000 tonnes. Et l’on ne parle pas de chips et autres produits transformés à partir de la patate.
Le prix de la pomme de terre étant fixé à Rs 50 le kilo, AMB l’achète des planteurs locaux entre Rs 18 et Rs 34/kg, dépendant de la qualité fournie. Cependant, des subsides sont accordés à 50 % sur les fertilisants et Rs 15 000 par tonne de semence. La mécanisation est aussi subventionnée à Rs 3 000 par arpent pour les terrains de plus de 5 arpents. Les planteurs en sont satisfaits.
Or, nous n’avons produit que 14 500 tonnes en 2022. C’est presque la moyenne depuis 1980 avec cependant un pic, il y a longtemps de cela, en 1985, avec 23 305 tonnes, l’année de l’autosuffisance en cette denrée. La pomme de terre locale est plus appréciée des consommateurs car, entre autres, plus fraîche. Celle importée vient frigorifiée et l’on ne sait pas depuis quand elle a été récoltée. Les Mauriciens tombent souvent sur la patate qui commence à germer et qui peut devenir toxique car contenant de la solanine. Toutefois, beaucoup de Mauriciens mettent en terre ces pommes de terre germées ou même la pelure avec le germe qui peuvent rapporter alors de pommes de terre de bonne qualité.
Louées puis abandonnées
Mais pourquoi ne produit-on pas assez ? Pour Farhad Jugon, agriculteur habitant Camp-Diable et porte-parole de plus de 400 planteurs, le principal souci est le manque de terre. Le planteur nous rappelle qu’en 2019-2020, les planteurs de pomme de terre ont perdu Rs 11 millions. En 2022, il n’y a pas eu de culture de ce tubercule. Et en 2023 ? «Nous voulons semer, mais il n’y a pas de terre !» Pourtant, à quelques centaines de mètres d’où il habite, environ 200 arpents appartenant au Sugar Investment Trust (SIT) sont laissés en friche. Aucune culture, même pas de la canne à sucre. Malgré ses nombreuses demandes, Farhad Jugon s’est vu opposer un refus. Une source au SIT reconnaît qu’il y a des demandes en suspens. «On a remarqué que certains planteurs louent des terres pour ensuite les laisser à l’abandon. Cela pour bénéficier des facilités accordées aux gros agriculteurs, facilités qu’ils utilisent dans d’autres plantations. Nous avons noté que 40 % des locataires de nos terres s’adonnent à de telles pratiques. Cependant, nous avons revu les procédures et les contrôles et je puis vous assurer que dans les semaines à venir, les terres seront allouées aux demandeurs de façon transparente.»
Farhad Jugon nous fait remarquer qu’actuellement, il y a un manque de plusieurs légumes sur le marché, notamment la pomme d’amour, le concombre et le haricot qui sont normalement produits massivement dans le Sud. «Le prix maximum de la pomme d’amour l’année dernière était de Rs 25. Alors que maintenant, le prix en plein hiver ne descend pas au-dessous de Rs 70 et peut même aller jusqu’à Rs 130.» Raison : manque de terrain ! Un maraîcher de Curepipe, Steven, nous confirme que les prix ne veulent plus baisser.
Soupir d’un économiste : «Puisque le gouvernement privilégie la construction de villas et piscines sur de grands terrains, il faut s’attendre à un manque de terres pour l’agriculture.» Il soupçonne aussi les terrains du SIT du Sud d’être convertis bientôt en terrains constructibles. «On dira qu’il y a une baisse de culture de légumes, et c’est pour cela que l’on pense à d’autres façons d’utiliser nos terres.» Terres pourtant fertiles. Si l’on utilise moins de pesticides.
Main-d’œuvre et vol
<p>Farhad Jugon fait face aussi à la cherté de la main-d’œuvre. «<em>Je paie environ Rs 650 à un laboureur qui commence à 6 h 30 mais termine à 11 h 30 tapantes.»</em> Un planteur de Robinson, Curepipe, se plaint, lui, de ne plus trouver de travailleurs. «<em>J’avais recours aux personnes retraitées, les jeunes n’étant pas intéressés avec le travail de la terre. Or, récemment, ces vieux ne veulent plus travailler et me disent que la pension leur suffit.</em>»</p>
<p>Tous les planteurs sont unanimes sur un autre fléau : le vol des récoltes. Le gouvernement a prévu Rs 2 millions pour l’année pour financer à 50 % l’achat de caméra de surveillance, avec option d’alimentation à l’énergie solaire pour les jardins non connectés au CEB. Mais il semble que le scheme peine à attirer l’intérêt des cultivateurs qui ne maîtrisent pas trop les nouvelles technologies.</p>
<p><strong>Agri bio : piocher au lieu de répandre de l’herbicide</strong></p>
<p>Le prix de la banane a aussi presque doublé cette année. On en trouve de moins en moins sur les étaux. Pourquoi ? Les planteurs et maraîchers l’expliquent par la baisse de l’offre. Pour des agriculteurs, c’est la faute au manque de terrain. Pour un autre, le problème viendrait aussi de l’appauvrissement du sol. «Je suis convaincu que c’est l’usage intensif de pesticides qui en est la cause.» Il explique : «Jusqu’à tout récemment, on désherbait à la main ou à la pioche, (NdlR, houe). Or, par manque de travailleurs, il est plus facile et moins coûteux d’avoir recours aux herbicides chimiques, qui, de plus, seraient subventionnés.» Il nous parle aussi de l’effet délétère de l’usage de fertilisants chimiques sur la qualité du sol.</p>
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