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Les jeunes et la politique: un amour impossible ?
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Les jeunes et la politique: un amour impossible ?
Lors des dernières élections américaines de mi-mandat, Maxwell Alejandro Frost est devenu le plus jeune membre du Congrès à tout juste 25 ans. En France, Louis Boyard, 22 ans siège à l’Assemblée nationale. Sur la scène internationale, les jeunes occupant des places importantes dans la politique de leur pays abondent. Mais sur la scène locale, les jeunes aspirants politiciens se font rares. Nous avons la perception que la politique est une affaire de “vieux”. Au contraire, jeunesse et politique peuvent faire bon ménage. Nous avons recueilli les propos de quelques jeunes sur la question.
• 1. Suivez-vous la politique mauricienne et pourquoi ?
• 2. Qu’y a-t-il à améliorer dans la politique mauricienne ?
• 3. Vous sentez-vous représenté par les politiciens mauriciens ?
• 4. Comprenez-vous pourquoi autant de jeunes s’abstiennent de voter ?
• 5. Quels sont vos espoirs pour la politique mauricienne ?
R.T, 17 ans, Grade 12
Non, je ne suis pas vraiment la politique mauricienne. Ce n’est pas parce que ça ne m’intéresse pas forcément, mais plutôt parce nous avons un réel manque d’éducation politique à Maurice. L’école ne nous enseigne pas l’importance d’avoir un intérêt pour la politique. De plus, les agissements de nos parlementaires ne m’encouragent pas à suivre la politique. J’ai l’impression qu’ils ne prennent pas leur rôle au sérieux et en font une plaisanterie. Le chaos qui prévaut chaque mardi au Parlement nous montre le manque de sérieux réel de nos politiciens.
Je pense que notre paysage politique doit devenir plus inclusif. On sait tous que la politique à Maurice depuis des décennies est très communautariste et je pense qu’il est temps d’arrêter tout ça pour donner la possibilité à toutes les personnes compétentes, indépendamment de leur communauté ethnique, de représenter les Mauriciens au Parlement. De plus, en tant que jeune femme, j’aspire à voir plus de femmes au Parlement et au gouvernement occuper des postes à responsabilité. Certes, nous avons progressé avec le temps, mais je suis persuadée que nous pouvons et devons faire mieux. Par ailleurs, je pense que des sujets concernant les femmes doivent être abordés dans les programmes politiques, tels que le menstrual leave qui a été introduit en Espagne.
Non. Nos politiciens phares sont assez âgés et notre Parlement manque de jeunesse. Nous avons l’impression que les préoccupations des jeunes ne sont pas représentées comme il se doit. Je vois que sur notre scène politique, les visages ne changent pas et se répètent année après année. Dans le dernier Budget, le gouvernement a annoncé que ceux atteignant la majorité recevront Rs 20 000 de l’État. Bien que je pense que cela pourra effectivement nous aider, beaucoup de jeunes comme moi ont l’impression qu’on essaie de nous acheter.
Oui. Moi-même, je ne sais pas vraiment pour qui je voterai aux prochaines élections. Comme je l’ai dit, nous voyons toujours les mêmes personnes se présenter et occuper des sièges. Ils ne proposent rien de novateur qui nous encourage à voter pour eux.
Personnellement, j’espère que des sujets tels que l’écologie seront au cœur de notre politique. Étant un petit État insulaire en développement, l’île Maurice est l’un des pays les plus à risque face au réchauffement climatique. Je pense qu’il faut faire de l’écologie une priorité et mettre en oeuvre des mesures audacieuses pour contrer les effets sur notre île. Je pense aussi que le secteur de l’éducation doit s’améliorer. Par exemple, dans de nombreux collèges de filles à Maurice, la matière design and technology n’est pas disponible et, dans certains cas, après le grade 11, les matières scientifiques ne sont plus disponibles. Nous sommes en 2023 et je pense qu’il est temps qu’on arrête cette marginalisation des femmes dans le domaine scientifique.
S.A, 12 ans, Grade 7
1. Non, ça ne m’intéresse pas vraiment. Le monde politique ne m’interpelle pas et je ne me sens pas trop concernée.
2. Je dirais qu’il y a beaucoup de demandes du public qui ne sont pas toujours prises en considération et il faut que ça change. Le bien-être des citoyens doit être une priorité pour les politiciens. De plus, il y a encore beaucoup de discriminations dans le pays et je pense que les politiciens doivent faire davantage d’efforts pour améliorer la situation.
3. Non. Personnellement je ne me sens pas représenté par toutes les choses que les politiciens clament. Certains propos et idées sont problématiques et je n’y adhère pas en tant que jeune. De plus, nous n’avons pas assez de jeunes dans la politique du pays.
4. Oui, il est vrai que beaucoup de jeunes ne se sentent pas satisfaits des candidats ou de leurs stratégies pour augmenter leur nombre d’électeurs et les jeunes ne sont pas assez éduqués sur la politique et l’importance de voter. Ils préfèrent alors ne pas se mêler à la politique par manque d’intérêt.
5. J’espère que nos politiciens pourront faire de l’île Maurice un pays sûr où il fait bon vivre. Cela concerne aussi la protection de l’environnement puisque nous faisons face aux effets du réchauffement climatique au quotidien.
F.P, 20 ans, étudiante à l’université
1. Je dirais que je me tiens informée, mais je ne suis pas la politique assidûment. Je trouve qu’il est important de se tenir au courant de ce que nos leaders veulent ‘faire de nous’ et des changements qui arrivent dans notre pays. Cependant, la politique mauricienne tourne trop autour de querelles entre politiciens et familles ancestrales qui dominent les partis politiques depuis des décennies, ce qui m’intéresse moins.
2. Moins de corruption, plus de méritocratie et plus de jeunesse. Je ne dirais pas que notre politique est ‘pourrie’, mais elle a définitivement besoin de se soigner. Les mêmes familles se disputent le pouvoir depuis des années, à la manière d’une oligarchie, avec la particularité de toujours remettre d’actualité des conflits vieux de plusieurs années et s’en servent pour remplir les premières pages de nos journaux. Plutôt que de ressasser les mêmes magouilles incessamment, je pense qu’il serait bénéfique que nos politiciens dévouent cette énergie à améliorer notre société pour son propre bien et pour celui des générations à venir, pas juste pour ramasser plus de votes. De plus, le manque cruel de jeunes se fait de plus en plus sentir, mais nous ne pouvons pas leur en vouloir excessivement non plus de choisir de se détourner d’un secteur où les ‘dinosaures’ et le ‘backing’ priment.
3. Pas réellement. Bien que je connaisse et apprécie le travail qu’il a été fait pour les jeunes (l’éducation gratuite, les Rs 20 000 à la majorité, entre autres), je trouve que la jeunesse n’est pas suffisamment représentée dans la politique mauricienne. De plus, en tant que jeune fille de foi catholique, je dois souligner le manque de femmes parmi nos politiciens et le traitement accordé aux quelques-unes que nous avons. Du côté de la communauté créole, c’est encore pire puisqu’elle n’est quasi pas représentée.
4. À mon avis, nos jeunes ne se retrouvent pas dans la politique mauricienne. De plus, ils n’ont pas une éducation adéquate sur la question. Très peu de jeunes de nos jours sont réellement renseignés sur la politique, malgré la facilité avec laquelle nous avons accès aux actualités. Gardons-nous cependant de rejeter la faute sur eux, considérant la réputation de la politique mauricienne comme un système corrompu.
5. J’espère voir un vent de renouveau pour notre politique, y voir plus de transparence et d’équité à tous les niveaux.
A.M, 20 ans, étudiant à l’université
1. Oui je suis la politique mauricienne parce que je pense que c’est important de rester informé de ce qui se passe dans son pays, vu que les décisions prises impactent de près ou de loin notre vie quotidienne et notre avenir.
2. La politique, c’est le débat des idées et des idéologies mais à Maurice on a souvent l’impression que c’est plus une confrontation de partis, de personnalités et de noms de famille. Alors il nous faudrait plus de débats publics, durant la campagne électorale, sur les grandes questions qui concernent le pays afin de permettre aux électeurs de faire des choix plus informés lors des suffrages exprimés. Aussi, il faudrait plus de transparence pour faire barrage à la corruption et au népotisme et que la séparation des pouvoirs soit mieux respectée.
3. Pas assez malheureusement. Voyant l’âge moyen des parlementaires, il semble que Maurice commence à ressembler à une gérontocratie. Ainsi, un renouvellement et un rajeunissement de la classe politique donneraient un nouveau souffle au pays et les nouvelles idées apporteraient un nouvel élan au progrès national. Il nous faut du sang neuf !
4. Je pense que les jeunes s’abstiennent parfois par manque d’intérêt parce qu’ils ne réalisent pas l’importance de bien choisir leurs représentants et ils ne réalisent pas l’importance de leur vote dans la prise de décision du pays, sans doute parce qu’ils se sentent relégués au second plan car, comme les senior citizens représentent 25 % de l’électorat, la majorité des décisions sont prises pour leur plaire. Avoir plus de représentants jeunes pourrait aider.
5. Une politique plus propre et plus jeune, avec une meilleure représentation de tous au sein des partis politiques et une politique des idées au lieu des partis, ethnies et castes ainsi qu’une plus grande multiplicité des partis pour promouvoir plus de choix lors des suffrages.
Mrinal Daby, 19 ans, collégien
Oui, je suis fortement intéressé par la politique locale, au même titre que la politique internationale. Depuis toujours, j’ai gravité vers l’actualité politico-sociale mauricienne, mais mon enthousiasme et mon intérêt pour la politique active ont émergé après la mise sur pied de la Parliament TV. Cela m’a permis de vraiment comprendre les rouages d’un système démocratique westminstérien et de former ma propre opinion sur les valeurs constitutionnelles de notre République. Cela m’a d’ailleurs mené jusqu’au siège de Speaker of the House dans la dernière édition du National Youth Parliament.
Vu les spécificités de notre pays, notre réalité géopolitique et la pluralité qui définit notre société, il est très difficile, à mon avis, d’implémenter un système politique préétabli à Maurice et d’espérer que ce système fonctionnera. La représentativité des cultures est bien évidemment un thème qui suscite un profond débat depuis l’Indépendance. Cela dit, je pense que la responsabilisation partisane, mais aussi parlementaire, est une chose qui est souvent délaissée au profit d’autres sujets. La transparence est une valeur prêchée par tous les partis politiques que notre pays a connus, et malgré un bon nombre d’avancées en ce nom, il reste encore beaucoup à faire, au niveau systémique et exécutif pour combler le vide qui existe entre paroles, actions et résultats. Par exemple, les budgets présentés à l’Assemblée nationale depuis des dizaines d’années maintenant sont tous plus modernes et complexes les uns que les autres. Un pas dans la bonne direction serait d’établir un comité pour assurer la mise en oeuvre intégrale des mesures au cours de l’année financière, et de souligner le «carry forward» des mesures qui passent souvent sous le radar de la population.
Je suis d’avis que la Parlement mauricien a toujours été l’un des plus représentatifs, pour de bonnes, comme de mauvaises raisons. Laissant de côté la représentativité culturelle, dont a émané le système du «best loser», le Parlement actuel est l’un des plus jeunes que nous ayons connus. En tant que jeune, je pense qu’une politique représentative et moderne, qui reflète la jeunesse et ses vertus, ne se résume pas à un nombre de jeunes parlementaires qui occupent un siège de la majorité ou de l’opposition. Pour moi, il s’agit avant tout de la conviction politique pure des éléments de notre Parlement. Les élus doivent maintenir la conviction et la philosophie politico-sociale promises le jour des élections, peu importe leur couleur politique et leur dossier partisan. La représentativité absolue, je m’aventure près d’un idéalisme absolue, sera vraiment atteinte lorsque nos politiciens, parlementaires comme extra-parlementaires, se tourneront vers une politique plus orientée vers la conviction d’agir pour le peuple, plus que vers un parti «mainstream» et ses valeurs souvent traditionalistes.
Cette abstention est flagrante et parle d’elle-même. D’après moi, elle émane du fait que la politique locale a été pendant trop longtemps une entité exclusive, autocratique au niveau exécutif, et possiblement élitiste. Peut-être est-ce même encore le cas aujourd’hui. Les jeunes ne s’intéressent pas à la politique tout simplement parce qu’ils ne pensent pas en avoir le pouvoir. La notion que la politique puisse devenir un moyen pour tous de se faire entendre, de partager ses convictions et de rassembler d’autres individus qui s’orientent vers la même école de pensée n’existe quasiment pas chez la jeunesse mauricienne. L’introduction de la Parliament TV a aidé à pallier ce problème, mais le chemin reste encore très long. Avec une action collective des acteurs politiques locaux, délaissant la partisanerie, j’ose espérer que cela changera dans les années à venir.
L’inclusion, la décentralisation et surtout la démocratisation de notre système politique demeurent des thèmes pressants, à mon avis. Il s’agit avant tout de promouvoir la libre pensée politique et le partage d’idées conflictuelles pour espérer arriver au meilleur consensus possible. Je suis optimiste en disant que la politique mauricienne recèle de belles choses, qui ne sont malheureusement pas toutes mises de l’avant aujourd’hui.
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