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Deuxième arrestation des Bissessur: un postier, trois colis, plusieurs questions
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Deuxième arrestation des Bissessur: un postier, trois colis, plusieurs questions
La «Special Striking Team» était à Plaisance pour réceptionner le colis suspect, présumément destiné à Akil et Avinash Bissessur. Dans une lettre, l’employé qui en a la responsabilité parle de trois colis adressés à trois personnes différentes. Il affirme aussi que la SST l’a forcé à faire des choses qui ne tombent pas sous sa responsabilité et qui ne sont pas réglementaires.
Le jour même de l’arrivée du colis à Plaisance, colis qui allait faire son chemin vers les frères Bissessur le lendemain, le 20 juin, l’employé de la poste de ce centre de tri a rédigé et adressé une lettre à son Chief Executive Officer (CEO), Anand Ramchurn, et à d’autres personnes pour se plaindre de la façon de faire de la SST. D’ailleurs, le fait qu’il en ait mis sa hiérarchie au courant le même jour, avant l’arrestation des Bissessur et de Doomila Moheeputh, démontrerait que ce qui s’est passé ce jour-là n’était pas normal.
Ce 19 juin, au «Ground to Air Department»
Dès son arrivée à son bureau, l’employé, qui a écrit cette lettre et que l’on appellera X, est approché par deux inconnus, l’un se présentant comme un agent de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU) et l’autre de la Customs Anti Narcotics Section (CANS) de la Mauritius Revenue Authority. Ils l’informent qu’ils surveillent l’arrivée d’un colis suspect d’Allemagne, via le vol BA 2065 de la British Airways, tout en lui remettant le numéro du colis, 179 Frankfurt. X obtempère et dès qu’il repère le colis, il en informe les deux agents qui, d’ailleurs, sont demeurés sur place, à côté de lui.
Après la surveillance, la demande, puis le scan
Les deux agents lui demandent de leur remettre le colis suspect. X refuse car il n’en a pas le droit. Les deux agents changent alors de tactique et tentent de le convaincre, en lui disant qu’ils veulent seulement en faire un scan. X accepte, mais exige que le scan soit effectué en sa présence. X en informe son Area Manager, un certain G.
Or, aussitôt le scan fait, les deux agents veulent maintenant ouvrir le colis. Refus de X, qui recherche alors l’autorisation de G. Celui-ci lui demande si les policiers ont un mandat dûment certifié. En attendant, l’Area Manager essaie de contacter le CEO Anand Ramchurn. Les heures s’écoulent lorsque, soudain, débarquent une vingtaine d’agents de la SST avec, à leur tête, l’assistant surintendant de police (ASP) Ashik Jagai. Ce dernier veut prendre le colis. Devant le refus maintenu de X, qui explique qu’il n’en a pas le droit sans au moins l’autorisation de ses supérieurs, l’ASP lui rétorque qu’il «na pa pran lordr ek mwa (NdlR, X), ni avek mo bann managers ni mem avek CEO la post pou ouver koli». X lui demande d’attendre quelques minutes, le temps qu’il ait l’autorisation de ses supérieurs. X veut savoir si l’ASP Jagai a un mandat en sa possession. Réponse élusive de Jagai : «C’est une affaire strictement confidentielle et il ne faut y avoir aucune fuite d’informations.»
X rappelle alors son supérieur hiérarchique, G., pour l’informer que l’ASP ne veut pas lui montrer le mandat. Réponse de G.: «Ok, bé donn li sac la, ki nou pou kapav fer plis ki sa.» X accepte de remettre le colis à l’équipe de la SST, non sans avoir prévenu G. qu’il ne veut pas qu’on lui reproche son acte après.
Que se passe-t-il après ? Ce n’est pas très clair. X écrit que la SST a pris le colis, a refermé les portes – laissant X à l’extérieur? – et «zot inn fer apel mwa…pou ouver koli ki siposéma ti éna ladrog».
Trois boîtes adressées à trois différentes personnes
Le récit devient, ici, encore plus troublant. Selon X, en ouvrant le colis, il voit qu’il y avait trois boîtes adressées à trois différentes personnes, la seule qui sera ouverte est adressée à un certain «Avinash Sesur» (NdlR, Bissessur mal écrit ?), et à être livrée à l’adresse, avenue des Tulipes, Quatre-Bornes. La SST intime l’ordre à X de prendre des gants et d’ouvrir la boîte, en présence des autres employés de la poste. L’opération est filmée par la SST. X accepte, tout en rappelant dans sa lettre, que ce n’est pas son travail d’ouvrir les colis, mais celui des douaniers. Il y a une autre boîte à l’intérieur qui, précise-t-il, devrait contenir une balance, mais en fait contient de la drogue.
L’équipe de la SST évalue le contenu qui est, selon le récit de X, des pilules d’ecstasy. X est alors «prié» de le faire et de signer plusieurs déclarations. On lui fait également signer sur l’enveloppe scellée dans laquelle les pilules d’ecstasy ont été placées. Puis, les agents de la SST préparent un «dummy» (NdlR, colis factice) en son absence, qu’ils placent dans le paquet pour être utilisé lors de la «controlled delivery».
L’équipe de la SST suit ensuite le fourgon de la poste, de Plaisance à Port-Louis, où X remet le colis au douanier. Il affirme qu’il ne sait rien de ce qui se passe par la suite. Fin du récit de X.
Nous avons contacté le président du syndicat regroupant les employés autres que les facteurs, Jayen Rangasamy, qui a, lui aussi, reçu une copie de la lettre. Il ne veut pas commenter, sauf pour dire qu’il entend défendre les droits de X. Rakesh Bandooa, l’International Business Manager, nous a référés au chargé de communication Jairaj Ittoo. Celui-ci n’a pas répondu à nos divers appels. Idem pour Anand Ramchurn, le CEO de Mauritius Post. On apprend que l’Area Manager G. a fait valoir ses droits à la retraite, le 30 juin. Alors qu’il lui restait encore quatre ans à travailler. G. n’a pas répondu à notre appel. Jayen Rangasamy n’y trouve rien d’anormal.
Le protocole n’a pas été respecté dans ce cas, confirme un officier de la douane
<p>Un employé de la CANS nous confirme que le protocole n’a pas été respecté lorsque le colis, renfermant 1 022 pilules d’ecstasy, est arrivé sur le vol de la <em>British Airways</em>. Il affirme que lorsque le colis est arrivé à la <em>Ground to Air</em>, les hommes de la SST se trouvaient déjà sur place. Il nous explique : <em>«Lorsqu’un colis suspect arrive à l’aéroport, ce sont les officiers de la CANS, accompagnés des limiers de l’ADSU qui doivent effectuer le scan. Si de la drogue est retrouvée, ils doivent ouvrir le colis, effectuer un field test pour confirmer la présence de traces de produits illicites. Si cela est confirmé, le colis est alors mis sous scellé comme une pièce à conviction.» </em></p>
<p>Un officier de la brigade antidrogue abonde dans le même sens. Pour lui, lorsque les officiers de la CANS de la <em>Mauritius Revenue Authority</em> ont constaté qu’il y avait quelque chose de louche avec le colis, ils auraient dû faire appel aux limiers de la brigade antidrogue de l’aéroport. <em>«Les officiers de la CANS doivent ouvrir le colis en présence des limiers de l’ADSU et ces derniers doivent confirmer qu’il s’agit bien de drogue. Cela, en effectuant des field tests.»</em> Ce n’est qu’après ces procédures que l’opération de <em>«controlled delivery» </em>est mise sur pied, sous les instructions d’un surintendant de police ou d’un officier de <em>higher rank.</em> Un faux facteur est ensuite chargé de remettre le colis au destinataire, à l’adresse mentionnée sur le colis. Le récipiendaire peut être contacté alternativement au téléphone ou par le service courrier, qui lui demande de se présenter à l’entrepôt pour récupérer le colis.</p>
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