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Questions parlementaires rejetées: un nouveau phénomène qui menace la démocratie

13 juillet 2023, 16:00

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Questions parlementaires rejetées: un nouveau phénomène qui menace la démocratie

Ils sont nombreux à penser que, depuis le départ de Bibi Safeena Lotun comme secrétaire de l’Assemblée nationale, les questions de l’opposition sont plus souvent rejetées. L’impartialité de celle qui la remplace pour le moment à ce poste est remise en question.

Si l’opposition s’est résignée aux expulsions et interventions intempestives du speaker à l’Assemblée nationale (AN), aux longues réponses hors sujet des ministres, elle ne s’attendait pas à ce que leur droit de poser des questions au gouvernement soit désormais censuré ou que celles-ci soient carrément interdites en amont. Selon les Standing Orders, seul le speaker est habilité à rejeter des questions parlementaires, alors que la clerk de l’AN ne peut que les modifier.

«Auparavant, on nous appelait et, d’un commun accord, nous modifiions les questions. Maintenant, il n’y a plus de communication. Et c’est la première fois que deux questions d’un même député ont été rejetées», fait valoir Osman Mahomed, en faisant référence à ses deux dernières questions. Tout comme Farhad Aumeer et Patrick Asirvaden, il fait aussi état aussi d’une «nouvelle pratique très peu démocratique et peu transparente» : on ne daigne même pas les prévenir lorsque les questions sont rejetées. C’est seulement lorsque ces députés ont vu les versions éditées jeudi qu’ils ont remarqué l’absence de certaines questions. Il a fallu qu’ils appellent Urmila Ramchurn, l’acting clerk de l’AN, pour connaître les raisons du rejet.

Enquête en cours

Quelles ont été celles avancées pour justifier le retrait d’une question parlementaire (PQ) de la liste ? Cela varie. De vagues références à une affaire devant les tribunaux, par exemple, comme c’était le cas pour la PQ de mardi dernier de Patrick Assirvaden, qui voulait savoir pourquoi la police a recours à des hommes de loi du privé au lieu de ceux du State Law Office. «Affaire en cour ?» s’est étonné le député rouge. «Je parlais justement des affaires en cour mais pas de leur contenu ! Je voulais savoir en fait combien d’argent a été ou sera reversé à ces légistes du privé. Cela concerne les fonds publics pas les merits de ces affaires.» Pour lui, outre le fait que certains au Parlement ne suivent pas ou ne connaissent pas les procédures, il y a sûrement d’autres motivations. «Par exemple, on ne veut pas que la population sache combien d’argent ces avocats et avoués du privé ont reçu.» Il est d’avis qu’il s’agit là de «violation très grave de la démocratie parlementaire». D’ajouter : «J’ai rappelé à Madame Ramchurn qu’elle doit être impartiale, qu’elle représente l’AN et non le speaker ou le gouvernement.»

Le Dr Farhad Aumeer, député du Parti travailliste (PTr) voulait aussi savoir si, au cas où ces juristes seront payés, d’où viendra l’argent. «Le budget de la police a-t-il prévu ces dépenses ?» Il avait l’intention d’en poser d’autres. «Pourquoi la police ne fait-elle plus confiance au bureau du Directeur des poursuites publiques ? Est-ce parce que celuici n’est pas un rubber stamp du gouvernement ?» Pourquoi sa question a-t-elle été rejetée ? «Une affaire en cour !» Laquelle ? La secrétaire ne lui a pas donné davantage de précision.

Quant à Osman Mahomed – qui voulait aborder le même sujet mais à travers un angle différent – il tenait à savoir si les services de ces légistes du privé seraient gratuits. «S’ils l’étaient, se posent alors d’autres questions. N’est-ce pas en violation de l’article 15 de la Prevention of Corruption Act ?» Il est certain, dit-il, que ces questions allaient embarrasser en haut lieu car elles ont été bloquées dès le départ. «Je me demande comment le gouvernement y aurait répondu ou les aurait éludées…»

Diplomate indélicat

Le premier député de la circonscription n°2 s’est également vu opposer un refus à sa deuxième question qui concernait les diplomates rappelés au pays depuis l’an 2000. Raison évoquée par Urmila Ramchurn : l’immunité des diplomates en général. Osman Mahomed est surpris. «Pour moi, l’immunité s’applique à un diplomate dans le pays où il est posté, pas dans le pays dont il est l’ambassadeur. Et encore moins à l’AN !» De nous rappeler les questions et réponses obtenues dans le passé sur des diplomates, dont Showkutally Soodhun et Gunessee.

Mais qui a interdit ces questions ? Patrick Assirvaden nous rappelle que le speaker – qui est le seul à pouvoir rejeter une question – était en Géorgie (voir encadré) la semaine dernière. «L’acting clerk de l’Assemblée a-t-elle pris sur elle pour interdire ces questions ?» Les trois députés du PTr mettent également en avant ce qu’ils estiment être «une drôle de pratique» de la part d’Urmila Ramchurn. «Non seulement elle ne nous a pas écrit, elle n’a pas répondu à nos lettres.» Pourquoi ne veutelle pas leur écrire ? Selon un député, l’acting clerk «sait bien que tout cela n’est pas légal et que tout ce qu’elle écrira pourrait être utilisé contre elle». Ceux qui se sentent lésés devraient bientôt saisir la justice.

 

Les interpellations de Joanna Bérenger refusées durant sa suspension

La députée mauve a été suspendue le 4 juillet pour les deux prochaines séances, soit le mardi 11 et aujourd’hui. Elle pourra logiquement reprendre son siège mardi prochain. Elle a donc adressé ces questions hier mais la «deputy clerk» l’a appelée pour lui dire qu’elle ne peut envoyer de questions au gouvernement qu’après sa suspension. Joanna Bérenger se demande si la procédure a changé et si un député devra attendre désormais de reprendre son siège pour pouvoir envoyer de questions. Après sa suspension du 6 juin pour trois séances, les 7, 8 et 9 juin – c’était lors de l’examen des dotations budgétaires – l’AN a bien accepté ses questions pour le mardi 13 juin. Which is which? s’interroge-t-elle. 

 

 

Fabrice David en compagnie du speaker

<p>Sooroojdev Phokeer a pris l&rsquo;avion pour la Géorgie la semaine dernière pour participer à l&rsquo;Assemblée parlementaire de la Francophonie. Il était accompagné de Dorine Chukowry et de Fabrice David. Ce dernier n&rsquo;a pas semblé plus ému que cela par l&rsquo;expulsion de ses collègues de l&rsquo;opposition. Le député travailliste avait d&rsquo;ailleurs une question intéressante mardi 4 juillet sur la poste, et qui faisait l&rsquo;actualité ce jour-là. Fabrice David a tout simplement retiré sa question car, nous a-t-il dit, il avait un avion à prendre. Pour la Géorgie. Il a promis qu&rsquo;il reviendrait avec cette question sur la poste&hellip;</p>