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Culture chagossienne: une grande voix s’est éteinte loin de son Peros Banhos natal

15 juillet 2023, 12:04

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Culture chagossienne: une grande voix s’est éteinte loin de son Peros Banhos natal

Charlesia, Lisette, Rita… Mimose
«Mo ti ena trez an
Depi mo ti ena trez an dan Sagos
Kouto dekoke ti dan mo lame
Angle inn’arive missie angle inn’arive dan Sagos
Angle Ras nou bouse manze
Mo pa pou blie
Zame mo pa pou blie mo mama
Soufle trwa kou, Mauritius zet nou dan Moris…»

Sa puissante voix ne résonnera désormais qu’aux rythmes de l’héritage musical qu’elle a légué. Mimose Furcy – auteure et interprète de Mo ti ena trez an, titre de sa discographie de séga tambour Chagos et surtout l’une des grandes voix derrière l’inscription du séga tambour Chagos comme patrimoine immatériel de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) en décembre 2019 –, s’est éteinte à l’âge de 68 ans, mercredi. Déracinée de son Peros Banhos natal. 

D’ailleurs, le nom de la fondatrice et chanteuse principale du groupe Tambour Sagos figure aux côtés des défunts Charlesia Alexis, Lisette Aurélie Talate, Rita Bancoult et Fernand Mandarin, entre autres, dans le dossier soumis à l’Unesco par les autorités mauriciennes comme ceux ayant participé aux consultations depuis 2010, pour la reconnaissance et la sauvegarde du séga tambour Chagos par l’Unesco. 

Militante de la cause chagossienne, son nom s’ajoute à la liste de ces combattants susmentionnés, aujourd’hui disparus, mais qui demeurent des symboles de la souffrance, de l’exil de tout un peuple, eux qui ont lutté jusqu’à leur dernier souffle pour le retour des Chagos aux Chagossiens. Cinquante ans après l’expulsion de la population autochtone des Chagos, un crime contre l’humanité persistant, Mimose Furcy rejoint Lisette Aurélie Talate et Charlesia Alexis, décédées en janvier et décembre 2012 respectivement à l’âge de 70 et 83 ans, et sa mère Rita Elysée Bancoult, morte le 19 décembre 2016 à l’âge de 91 ans. Toutes, éteintes sans avoir pu retourner vivre dans leur archipel natal. 

Une encyclopédie de la culture chagossienne 

Mimose Furcy avait, en effet, 13 ans à son départ de Peros Banhos, avec sa famille, à bord du bateau Mauritius, en 1968. Son frère Olivier Bancoult, le leader du Groupe réfugiés Chagos, en avait quatre. Pour en revenir à sa chanson Mo ti ena trez an, avec ses parents et son frère, ils accompagnaient leur petite sœur Noëllie qui devait se faire soigner à Maurice. La petite avait eu le pied écrabouillé sous la roue d’une «saret bourik parski misie ki ti lor la, tinn dormi», a plusieurs fois raconté Mimose Furcy. Sauf que ses parents et elle étaient alors loin de se douter qu’ils n’allaient plus retourner vivre dans leur case, construite de bouse de vache et au toit en chaume, puisque «Angle inn fini vann zil». 

Militante de la cause chagossienne, Mimose Furcy s’ajoute à la liste de ces combattants aujourd’hui disparus, tels que sa mère Rita Elysée Bancoult.

Treize années passées sur son île, lor ban disab ou bor la mer, tantôt à grimper aux cocotiers, tantôt à attraper des zozo marianne aux côtés de son camarade d’enfance Ton Vie, de son vrai nom Olivier Sakir, et interprète du célèbre Peros Vert, que Mimose Furcy a su immortaliser en chansons et dans ses entretiens à la presse. Au sein de la communauté chagossienne, l’on parle d’«une grande perte pour la République». De la disparition d’une «encyclopédie de la culture chagossienne». Beaucoup reconnaissent le combat de cette «grande dame» pour la sauvegarde et la transmission du séga tambour Chagos depuis plus de 40 ans. Pour d’autres, sa joie de vivre, son sourire, ses chansons résonneront toujours dans Melodi nou lavi. 

Mimose Furcy emporte dans sa tombe 55 années à vivre déracinée de sa terre natale. Puis, l’unique et bouleversante visite qu’elle a effectuée avec 99 autres passagers, à bord du Mauritius Trochetia sur son île Peros Banhos, en 2006. À son retour, le 10 avril 2006, elle avait rapporté dans ses valises une bouilloire et une cuvette. Son cœur est resté à tout jamais aux Chagos.