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Perquisitions: policier voleur ou «lamé long» ?
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Perquisitions: policier voleur ou «lamé long» ?
Ils seraient plusieurs à avoir été victimes de vol alors que leur domicile était perquisitionné par la Special Striking Team (SST) ou encore par l’Anti-Drug and Smuggling Unit. Les hommes de la SST seraient en tête de liste et ils se sont taillé une réputation de «lamé long».
Dans les Vimen Leaks, concernant la diffusion de la bande-son explosive d’un aveu de taille, l’inspecteur Sevanandee, ex-membre de la brigade anti-drogue de Rose-Hill, a accusé ses propres hommes de vol. «Ki zafer ou krwar zot inn kapav kokin? Enn parfum? Mo gagn pa krwar. Kan madam la pé dir mwa mo pé met ar li. Mo prop zom dir mwa kalmé madam la, intel kinn pran sa», a raconté l’inspecteur Sevanandee. Il a dit que ses hommes avaient aussi volé une chaîne en or lors d’une perquisition et qu’il s’était retrouvé dans cette situation à trois reprises. «Mwa si dan enn lopérasion mo pa kapav kontrol partou apré lot vinn dir mwa ti ena la sén lor ousi», a relaté l’inspecteur.
Cette révélation pourrait très bien être une triste réalité. Les hommes incriminés sont actuellement à la Special Striking Team (SST) et continueraient d’agir en toute impunité.
Sur sa page Facebook, l’avocat Akil Bissessur, lors de son arrestation après la saisie de drogue synthétique chez sa compagne à Palma, a aussi accusé la SST d’avoir volé les friandises de sa fille lors d’une perquisition de son appartement à Sodnac, en août 2022. Chaussures, parfums, montres… des membres de la SST ne laisseraient rien passer lors de leur passage. Outre les objets futiles, ce qui les intéresse le plus c’est l’argent. Ainsi, le jack- pot serait lors de la saisie de grosses sommes d’argent. «Gagn plis sa. Dan la plipar ka zot déklar inn gagn mwen, aprè zot pran lé ress pou zot. Apel sa met la mé dan gajack dan zargon», confient nos sources policières. «Li bien sagrinan mé enn parti fer sa travay malonet la», poursuivent nos interlocuteurs.
Un médecin a dénoncé la pratique de personnes véreuses à l’Independent Commission against Corruption en décembre 2021. Des policiers de la brigade antidrogue, qui soupçonnaient son fils de 18 ans et lui de trafic de stupéfiants, avaient débarqué chez lui, à Laventure. Après cette opération conduite par l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU) de l’Est, le médecin a été étonné d’apprendre des policiers qu’une somme de Rs 1,2 million avait été retrouvée. Selon le médecin, il y avait environ Rs 3,8 millions chez lui. Il a accusé les policiers d’avoir volé Rs 2,6 millions et d’avoir seulement déclaré Rs 1,2 million. Le médecin a aussi dit avoir perdu des bouteilles de whisky chez lui. Suite à cette affaire, les policiers ont été mutés.
Il y a aussi eu cette opération de l’ex-Landing Step de l’ADSU, à Baie-du-Tombeau le 2 juin 2020, qui a fait couler beaucoup d’encre. Le domicile de la directrice d’une agence de voyages a été perquisitionné et Rs 6 millions ont disparu lors de cette descente. L’ICAC a été alertée. Trois policiers ont été arrêtés pour vol, le 4 novembre. La directrice, qui était soupçonnée d’opérer un réseau hawala, jonglant avec jusqu’à Rs 500 millions entre Maurice, Dubaï et les Comores, avait, elle, été arrêtée en juillet 2020. En juin de cette année, un document que le Premier ministre a fait circuler au Parlement faisait état que l’Independent Police Complaints Commission (IPCC) a enregistré, du 9 avril 2018 au 30 mai 2023, 1 942 plaintes, qui incluent des vols lors de perquisitions.
Sollicitée, une source aux Casernes centrales conseille à toute personne qui pense s’être fait voler lors d’une opération policière de porter plainte à l’IPCC. «Que ce soit de l’argent ou autre chose, nous vous conseillons de le déclarer et de ne pas avoir peur. Sé kum sa ki ban la polis ki fér sa bann pratik pa korek pou pér ou sa va servi zot dé leson. Kapav ena inpé plis disiplin dan travay la.»
Il ajoute qu’il n’y a jamais eu ce niveau d’indiscipline dans le passé et que ce qui se passe résulte d’un laisser-aller. Certains policiers se pensent intouchables parce que, en contrepartie, ils font de sales tâches pour filer un coup de main au régime en place, comme procéder à des arrestations arbitraires. «Enn group dan lapolis pé fer sé ki zot anvi. Zot koné zot protezé akoz zot bann travay sou tapi», relate-t-il.
Rs 1 million
Récemment, une perquisition de la SST chez une personnalité à Quatre-Bornes a aussi suscité la controverse, de même que celle chez un bijoutier. Des allégations de vol ont fait surface après ces opérations. Un contracteur du Sud se serait fait voler Rs 1 million lors d’une opération de la SST. L’affaire n’a pas été reportée. Des sources expliquent que le modus operandi de la SST serait de débarquer chez les gens sur lesquels ils ont des renseignements d’être en possession de fortes sommes d’argent chez eux. Certaines de ces personnes préfèrent perdre de l’argent plutôt que d’avoir des ennuis avec les autorités. En effet, s’il n’est pas un délit de conserver quelque somme d’argent que ce soit chez soi, il faut, en revanche, déclarer ses revenus à la Mauritius Revenue Authority (MRA).
Toute somme qui n’est pas déclarée à la MRA constitue une infraction à l’Income Tax Act. Si une personne accepte des paiements qui s’élèvent à plus de Rs 500 000, elle est en infraction à l’article 5 de la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act (FIAMLA) qui stipule : «Any person who makes or accepts any payment in cash in excess of 500,000 rupees or an equivalent amount in foreign currency, or such amount as may be prescribed, shall commit an offence.» Ainsi, la personne qui donne l’argent et celle qui l’accepte sont toutes deux en infraction de la FIAMLA. Elles sont passibles d’une amende n’excédant pas Rs 2 millions et d’une peine d’emprisonnement maximale de dix ans.
Hector Tuyau, ancien assistant surintendant de police à la retraite et ex-membre de l’ADSU, pense que pour mettre fin à ces pratiques douteuses, il est nécessaire d’avoir une «proper intelligence». «Avant d’intégrer une personne à l’équipe, il faudrait faire une proper intelligence de l’équipe. Nous devons faire confiance à nos membres. S’il y a une opération conjointe avec une autre équipe, il faudra les surveiller. Sé enn parmi bann métod pou évit tentasion.» Hector Tuyau ajoute qu’il faut un bon «profiling».
Il est d’avis qu’il ne faut pas accepter n’importe qui dans les opérations délicates qui impliquent le maniement d’argent. Il confie que, durant sa carrière, il n’a pas «encounter» ce type de problème, qui semble être davantage un phénomène nouveau. «Mo pa dir pena li mé li bien minim ek souvan sé bann konplaint lor mém dimounn ki pé tander», estime l’ex-haut gradé, qui considère cette situation comme étant tout de même très grave.
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