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Triton cuisine la chanson française aux épices locales
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Triton cuisine la chanson française aux épices locales
L’institut français de Maurice (IFM) était plein à craquer samedi soir. Eric Triton, un de nos plus grands artistes et sur le plan international, tente un pari fou. Dans ses six albums, le bluesman à la voix rocailleuse, avait touché à tout. Il est l’un des rares à avoir compris que le séga tel quel n’est pas exportable, mais qu’il faut le mitonner, l’arranger, le dénaturer presque. C’est ainsi qu’il s’intègre alors à la world music, au métissage musical. Mais, de là, à le fusionner avec la chanson française ?
C’est une nouvelle expérience sur laquelle Eric Triton a beaucoup travaillé. Cette innovation et ce besoin de créativité donnent huit chansons françaises qui, en septembre, sortiront en vinyle. Dès le premier morceau, Bidonvilles, du regretté Claude Nougaro, impacte les spectateurs et les oreilles avec un rythme tonitruant. Plus qu’un mariage, c’est une éruption incandescente avec ses laves de séga et les incursions jazz par la trompette de Philippe Thomas.
Triton notre chanteur/ guitariste gaucher coupe ensuite nette la température avec une version du Jardin d’Hiver d’Henri Salvador. Une mélopée de blues séga ou de séga blues. Triton vole de surprise en surprise. Imaginez ensuite le pétrissage des Copains d’abord du très classique Georges Brassens. Méconnaissable en séga endiablé, relevé par la percussion au djembé, les connaisseurs sont médusés par cette version virevoltante.
Fidèle à Nougaro (nous l’avions rencontré et interviewé dans ces mêmes colonnes), retour au séga bluesy pour la très tendre Cécile ma fille. La trompette est là pour jazzifier la mélodie. Émotion garantie quand Triton enchaîne avec un poids lourd de la chanson française, Charles Aznavour, pour une version émouvante de La Mamma, bercée par une nappe de couleurs musicales locales.
Un «bœuf» bien mauricien
Nougaro exhibe une élocution typiquement française dans son Le jazz et la java, évidemment jazzy, mais ici toujours en arrière-plan de notre blues local. Le joueur de djembé s’en donne à cœur joie. Nouvelle accalmie avec la mélodieuse La Bohème d’Aznavour au swing lent et dont le refrain est repris en chœur par les spectateurs. Le pari est plus que gagné. Nougaro à nouveau pour terminer avec le tendre mais très jazzy blues Une petite fille en pleurs, qui fait tanguer l’arène de l’IFM, peu habituée à un tel culot.
Et comme pour nous enfoncer dans cette world music à la française, totalement matinée de musique mauricienne, Triton rappelle ses racines avec un classique Ti-Frère, Roseda, qu’avait repris en première partie un des deux membres du duo Sadela dans la même veine que Triton. On appelle ça un «bœuf» bien mauricien orchestré de main de maître.
Les spectateurs plus qu’enthousiastes et les Mauriciens en général n’ont plus qu’à attendre la sortie de l’album, mais ceux présents n’oublieront pas de sitôt toute la créativité arc-boutée sur notre séga local. Triton peut désormais tout se permettre sur le plan multiculturel musical, du moins pour tous ceux qui comprennent ce que traduit le mot culture. Triton, un porte-drapeau comme il y en a peu. Reviens vite nous étonner et enrichir notre patrimoine musical national.
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