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Raj Rajkoomar: «Il faudrait promouvoir Maurice comme un pays où il fait bon travailler»
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Raj Rajkoomar: «Il faudrait promouvoir Maurice comme un pays où il fait bon travailler»
Au premier semestre 2023, Maurice a accueilli 596 466 touristes. Le Budget prévoit plusieurs mesures pour booster encore ce secteur. Le recrutement de travailleurs étrangers, rendu plus facile, pourrait résoudre le problème de pénurie de main-d’œuvre. Le directeur administratif de «Maritim Resort and Spa» estime qu’il est urgent de renforcer la qualité des services dès l’arrivée à l’aéroport et que le manque de personnel ne peut justifier un mauvais service.
Quel constat faites-vous des arrivées touristiques comparées à l’année dernière ?
Regardons en amont le dynamisme actuel dans l’industrie touristique. Si nous n’avions pas vécu le cauchemar de 2020-2021 du Covid-19, personne ne devinerait que nous nous relevons des séquelles d’une pandémie inédite. Le tourisme a retrouvé ses couleurs d’avant 2020. L’an dernier, à pareille époque, nous venions de jeter les balises pour la relance économique. Aujourd’hui, le train est en marche et nous avançons, assez rapidement, pour booster l’industrie et garantir notre destination. Maurice étant un pays stable, la reprise économique a été facile. Le pays a vu une hausse des arrivées avec 596 466 touristes au premier semestre 2023.
Les tendances sont-elles toujours les mêmes ?
Oui, avec un constat : le marché allemand a connu une certaine ascension et les Anglais – affectés par l’inflation qui y a provoqué une crise économique – ont réduit leurs voyages à Maurice. Sinon, la France, l’Afrique du Sud et La Réunion restent nos principaux marchés. L’Inde, les pays du Golfe, certains pays européens et la Chine sont des marchés d’opportunités que nous nous efforçons de maintenir et de fidéliser. Cependant, il est urgent de renforcer la qualité de nos services et ce, dès l’arrivée du touriste à l’aéroport. On ne peut pas le faire attendre plus d’une heure à l’Immigration, faute de personnel. Ce qui d’emblée laisse une mauvaise impression du pays. Nous devons donc investir dans les ressources humaines et leur formation, à commencer par le personnel d’accueil à l’aéroport, et améliorer la qualité de nos services.
Sur quels aspects faudrait-il miser davantage ?
Il faut miser sur la formation de la main-d’œuvre étrangère qui remplace, peu à peu, les Mauriciens qui ne désirent plus travailler dans les services. Cette main-d’œuvre doit acquérir le sens de l’hospitalité mauricienne pour offrir les services qui ont toujours reflété notre accueil légendaire. Mais une chose est claire : il y a une pénurie de main-d’œuvre locale et nous devons trouver des solutions à ce problème. Regardez la construction ! Même le gouvernement, pour honorer son programme de logement, devra importer de la main-d’œuvre pour construire les maisons prévues.
Les étrangers n’usurpent pas le travail des Mauriciens. Ces derniers, qui étudient davantage, ne sont plus attirés par le service hôtelier. Mais pas les étrangers. Donc, il nous faut créer des conditions favorables, comme une installation en famille de cette maind’œuvre qui contribue pleinement à l’essor économique de Maurice. Et en même temps, pourquoi ne pas promouvoir Maurice comme un pays où il fait bon travailler ? De plus, pour gagner du terrain dans la qualité des services offerts sur nos compétiteurs dans l’océan Indien, nous devons combler au plus vite l’absence de main-d’œuvre qualifiée.
Comment le Budget cette année pourrait-il améliorer le secteur hôtelier ?
Le gouvernement a augmenté l’enveloppe dédiée à la promotion du pays à l’étranger, qui est passée à Rs 500 millions. Ce qui est honorable. Maurice a des compétiteurs et, sans visibilité à l’échelle internationale, le pays restera dans l’ombre. Les secteurs hôtelier et touristique doivent évoluer de manière responsable. Le pays doit bénéficier du Budget et, par ricochet, le tourisme en sortira gagnant. Le Budget 2023-24 doit aussi consolider la sécurité et l’embellissement du pays pour que le secteur hôtelier opère dans un environnement économique et social stable. Prenons l’exemple de Madagascar, un pays miné par l’insécurité, qui fait obstacle à l’épanouissement du tourisme. Nous sommes reconnaissants au gouvernement pour son soutien indéfectible pendant les deux confinements. Maintenant, il nous faut nous prendre en charge.
Le recrutement de travailleurs étrangers, rendu plus facile, réglera-t-il le problème de maind’œuvre dans le secteur hôtelier ?
L’assouplissement des procédures de recrutement de travailleurs vise à pallier la pénurie de main-d’œuvre locale dans des domaines spécifiques et relever le pari de la croissance. Dans notre secteur, les départements d’opérations souffrent d’une érosion non souhaitée. Les mesures du Budget 2023-24 nous seront donc bénéfiques s’il nous faut recruter hors de Maurice. Pour l’instant, nous comptons sur des étudiants de la région, d’Afrique et d’Inde, placés en entreprise pour le service dans la restauration, entre autres. L’extension d’une année de leur contrat a été une décision win-win, pour eux et pour nous, hôteliers. D’autres révisions pourraient suivre pour leur offrir des opportunités attractives pour un travail à long terme. Par ailleurs, soyons fiers de nos compatriotes qui décident de privilégier d’autres métiers et de profiter d’autres opportunités professionnelles. Leurs compétences, qui évoluent avec l’éducation et la formation, font avancer l’économie.
Le tourisme durable est-il toujours réalisable ?
Plus que jamais ! Au Maritim Resort & Spa, nous nous efforçons d’appliquer la politique zéro plastique, avons recours à l’énergie solaire et l’anti-gaspillage. Mais les actions à l’interne ne suffisent pas. La participation de la communauté et des secteurs public et privé est impérative pour offrir aux visiteurs un cadre respectueux de l’environnement. Les entreprises de production ont fait beaucoup pour réduire leur empreinte carbone et embarqué leur personnel dans leurs actions. Le secteur public a des progrès à faire. La transition énergétique est encore en réflexion et l’introduction de services en ligne pour réduire l’utilisation du papier avance à petit pas…
Si Rodrigues a pu bannir le plastique, pourquoi pas Maurice ? On est à l’ère de la voiture électrique et il y en a pas mal sur nos routes. Il est grand temps de penser aux bus ; trop d’entre eux sont des sources de pollution nocive à l’environnement. On ne peut pas parler de tourisme durable sans la sensibilisation et l’éducation du Mauricien dès son plus jeune âge. Tout comme dire que le tourisme responsable peut se cantonner au tourisme vert. Laissons le soin aux écologistes de créer ces concepts. Le tourisme durable n’est pas à sens unique, mais multisectoriel. Le touriste est aussi appelé à être responsable. Mais nous devons lui donner de quoi l’encourager à participer dans la démarche vers une île durable. Il pourrait à son arrivée s’acquitter d’une taxe participative, transparente, qui financerait un programme national vert. Les visiteurs accordent une attention particulière à l’environnement dans l’île. Il est donc dans notre intérêt à tous de garder le pays propre.
«Si Rodrigues a pu bannir le plastique, pourquoi pas maurice ? On est à l’ère de la voiture électrique (...) il est grand temps de penser aux bus ; trop d’entre eux sont des sources de pollution…»
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