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Dettes: l’étau des taux d’intérêt se resserre autour des jeunes

6 août 2023, 17:00

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Dettes: l’étau des taux d’intérêt se resserre autour des jeunes

La dette des ménages atteignait Rs 146 milliards à janvier 2023. Le taux directeur, lui, est de 4,5 %. Conséquence : le remboursement des prêts pèse lourd sur le budget des emprunteurs, dont les jeunes, qui ont de plus en plus de mal à entrevoir l’avenir, certains préférant aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs, dans d’autres pays. Nous avons interrogé certains d’entre eux.

Au cours des derniers mois, les taux d’intérêt sur les prêts à Maurice ont connu une augmentation progressive. Ces taux impactent les prêts étudiants, immobiliers et commerciaux, entre autres, et les jeunes font face à des conditions de remboursement de plus en plus difficiles et une augmentation de la charge financière qui limite leur capacité à emprunter de manière responsable. Cette flambée des taux d’intérêt est attribuable à une combinaison de facteurs, dont l’inflation et les fluctuations économiques mondiales. Cette situation affecte directement le pouvoir d’achat des jeunes et accroît le risque qu’ils s’enfoncent davantage dans l’endettement.

La santé financière en jeu

Cette tendance a un impact particulièrement préoccupant sur l’avenir des jeunes Mauriciens. Dans une société où l’accès à l’éducation est perçu comme un moyen de progresser socialement, l’augmentation des taux d’intérêt limite leur possibilité d’accéder à l’enseignement supérieur. De nombreux jeunes se voient contraints de renoncer aux études ou de rechercher des alternatives moins coûteuses, ce qui compromet leurs opportunités professionnelles futures.

Un exemple édifiant est celui d’Anousha, 22 ans. Après avoir réussi son Higher School Certificate, elle rêvait d’étudier le management en Australie. Cependant, les taux d’intérêt des banques pour un prêt étudiant ne convenaient pas à ses parents. Anousha a donc été contrainte d’abandonner son projet d’études à l’étranger et a intégré une société de télécommunications pour économiser en vue de financer ses études ultérieurement. Malgré les obstacles financiers, sa détermination à obtenir un diplôme est restée intacte.

Par ailleurs, l’achat d’une propriété est l’objectif majeur de nombreux jeunes, symbolisant la stabilité financière et la sécurité. Cependant, les taux d’intérêt élevés rendent les prêts hypothécaires prohibitifs pour de nombreux ménages, ce qui prolonge la durée avant de devenir propriétaire ou, dans certains cas, rend l’acquisition d’une maison quasi impossible.

Matthieu, employé dans un magasin à Rose-Hill, explique qu’il vient de se marier et souhaite acheter un terrain. Cependant, avec le salaire minimum, il se retrouve dans une situation difficile pour rembourser un prêt sur plus de 12 ans. «Avec seulement Rs 15 000, si la banque prélève Rs 7 000, comment vais-je faire avec Rs 8 000 pendant un mois ? J’ai des factures à payer, l’essence, la nourriture et d’autres dépenses si quelqu’un est malade. La situation n’est pas facile, je vais me retrouver endetté jusqu’au cou.» Il ajoute que le surendettement engendré par les taux d’intérêt élevés peut entraîner un effet domino sur la santé financière des jeunes et, par extension, sur l’économie nationale. Les difficultés à rembourser les prêts peuvent entraîner retards de paiement, défauts de crédit et une diminution du pouvoir d’achat.

Quelles solutions envisager ?

Face à cette crise grandissante, Fazeel Soyfoo, partenaire chez Andersen, souligne l’importance pour chaque individu de prendre conscience de son niveau d’endettement et de comprendre les échéances de remboursement. Selon lui, il est essentiel d’accorder la priorité au remboursement des dettes avec des taux d’intérêt élevés. Les prêts sur les cartes de crédit et les découverts bancaires, par exemple, sont souvent assortis de taux d’intérêt punitifs, ce qui les rend plus coûteux à rembourser. Faire des choix financiers éclairés est également crucial pour gérer efficacement ses ressources financières et s’assurer que sa dette peut être remboursée à temps.

«Avec seulement rs 15 000, si la banque prélève Rs 7 000, comment vais-je faire avec Rs 8 000 pendant un mois ? J’ai des factures à payer, l’essence, la nourriture et d’autres dépenses si quelqu’un est malade. La situation n’est pas facile»

Il reconnaît que de plus en plus de personnes se retrouvent malheureusement dans cette situation à mesure que les taux d’intérêt augmentent. Pour faire face à ces défis, il recommande une planification et une budgétisation efficaces pour anticiper les difficultés potentielles liées au remboursement des dettes. Cependant, il admet que parfois, malgré une planification soignée, certaines personnes peuvent faire face à des difficultés financières soudaines et imprévues. Dans de tels cas, il encourage les individus à communiquer avec leurs créanciers pour demander des prolongations de paiement si possible ou de chercher des sources alternatives qui pourraient leur offrir un soutien supplémentaire dans ces moments difficiles.

Un haut cadre proche qui évolue au sein de la finance insiste sur la nécessité d’une collaboration étroite entre le gouvernement et les institutions financières pour trouver des solutions efficaces. La révision des politiques de taux d’intérêt pour les prêts étudiants et immobiliers est évoquée comme une mesure susceptible d’alléger le fardeau financier des jeunes. De plus, il souligne l’importance de promouvoir l’éducation financière auprès des jeunes pour les aider à prendre des décisions éclairées sur l’emprunt et la gestion de leur argent. La mise en place de programmes d’éducation financière dans les écoles et les établissements d’enseignement supérieur est considérée comme un facteur clé pour améliorer la culture financière des jeunes générations.

Enfin, notre interlocuteur propose la création de mécanismes d’aide au remboursement pour les jeunes en difficulté financière, ce qui pourrait leur apporter un soutien supplémentaire pour éviter des défauts de paiement et les conséquences néfastes sur leur situation financière future.