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Indiren Parasuraman, Chief Executive Officer du Bella Amigo Group: au nom du père

12 août 2023, 21:30

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Indiren Parasuraman, Chief Executive Officer du Bella Amigo Group: au nom du père

Il y aura une soirée grandiose au restaurant Rêve d’R, le samedi 26 août. Et pour cause : son propriétaire Indiren Parasuraman, qui est aussi le Chief Executive Officer du groupe Bella Amigo, qui englobe ce restaurant de produits fins de la mer, y soufflera ses 60 bougies. Si les activités de ce groupe, qui occupe 50 % du marché d’importation et de distribution des produits de la mer, s’étendent sur un terrain de cinq arpents et 19 perches à Petit Raffray, la famille Parasuraman est partie de rien à Cap Malheureux. L’homme en grande partie derrière cette réussite a été Rajoo, le père d’Indiren Parasuraman. Ce dernier a non seulement réalisé ses rêves en son nom mais a même été au-delà de ses espérances.

Indiren Parasuraman a la parole facile. Il met tellement ses interlocuteurs à l’aise qu’ils ont l’impression de le connaître depuis toujours. Le nom de feu son père, Rajoo Parasuraman, mort à 69 ans, n’est jamais très loin dans la conversation. Son fils parle de lui comme de son «guru». «Mon père était un visionnaire et presque tout ce que vous voyez sous vos yeux viennent de ses rêves», souligne-t-il.

Il n’est pas exagéré de dire que les Parasuraman sont partis de rien. Rajoo Parasuraman exerçait comme laboureur pour le compte du ministère de l’Agriculture et était payé quatre sous. Rookmanee, son épouse, qui lui a donné sept enfants, quatre garçons et trois filles, a été femme au foyer. La vie était alors difficile. La famille vivait sur un terrain de 14 perches à la route Mariamen à Cap Malheureux. Le passe-temps préféré de Rajoo Parasuraman, qui lui permettait également de mettre un peu de beurre dans les épinards, était la pêche.

En 1971, Rajoo Parasuraman réussit à acheter une petite pirogue portant le nom d’Amigo et dont l’immatriculation est C 704. Indiren Parasuraman, cinquième enfant de la fratrie, a, à cette époque, huit ans.  Tous les jours, dès que Rajoo Parasuraman rentre de son travail, lui et une famille de pêcheurs sortent en mer à bord d’Amigo pour s’adonner à la pêche artisanale. L’excédent des prises est vendu et permet d’arrondir les fins de mois.  

Attachement familial

De tous les enfants Parasuraman, Indiren est celui qui est le plus attaché à ses parents. «Je ne pouvais pas voir ma mère soulever quelque chose de lourd. Je m’empressais alors de la lui prendre des mains. Ziska massala monn al craze pou li pas bisin fer li.» Il n’accompagne que très rarement son père à la pêche mais il reste des heures à l’écouter parler de sa passion pour la mer et des îles du Nord, notamment de l’Île Plate, de l’Île Ronde et surtout du Coin de Mire. C’est ainsi qu’Indiren Parasuraman développe une fascination pour la mer. «Mon père me répétait sans cesse que la mer était mon avenir. Il voulait me dire qu’il fallait se concentrer sur la pêche.» C’est lui que son père emmène au cinéma et à d’autres sorties, tout comme c’est aussi à lui que Rajoo Parasuraman évoque ses rêves. «En sus de développer un business de poisson, mon père rêvait d’avoir un restaurant et même une quincaillerie.»

Si son père s’occupe de la vente des prises pêchées, lorsqu’il est transféré de l’Agriculture à l’unité de pulvérisation du ministère de la santé en 1972, Rajoo Parasuraman confie à Indiren, qui a alors neuf ans, la lourde responsabilité d’aller récupérer le poisson pêché et de le transporter, le lendemain, par autobus jusqu’à la capitale, pour le vendre au Marché central. C’est ainsi que chaque matin, Indiren Parasuraman quitte la maison à 6 h 30 avec sa tente en ‘vacoas’ remplie de poissons, qui reposent sur de la glace pillée par la famille. Il prend alors l’autobus de Triolet pour Port-Louis et va vendre les prises aux marchands. A cette époque-là, les supermarchés n’existent pas et les poissons pêchés ne se vendent qu’au Marché central.

Pour que son fils puisse continuer à assumer cette responsabilité, lorsqu’Indiren Parasuraman termine son cycle primaire, son père le fait admettre au collège Bhujoharry à Port-Louis.  Le matin, c’est le même train-train pour le jeune Indiren. Et dans l’après-midi, il quitte l’enceinte de l’école avant la fin des classes pour aller récupérer l’argent obtenu de la vente des prises.

Si Rajoo Parasuraman ne peut plus aller à la pêche car il n’a pas d’heure fixe pour rentrer, il se lève tôt le matin et plante des légumes. La pêche à Maurice est à cette époque presque miraculeuse et pour soulager, dans une certaine mesure, son fils Indiren, Rajoo Parasuraman lui fait quitter le collège Bhujoharry et admettre au collège Friendship à Goodlands où la ligne d’autobus est plus directe jusqu’à Port-Louis. Le garçon fait le même parcours et l’accomplit en sens inverse pour pouvoir se rendre ensuite à l’école. Malgré la fatigue, Indiren Parasuraman ne se plaint jamais. «Ce n’était pas un fardeau pour moi car j’aimais tout ce qui s’appelle poisson

Il réussit ses examens de School Certificate à 17 ans. On est alors en 1980. Cela ne l’intéresse pas de pousser plus loin les études. «Mes idées d’avenir étaient claires et elles passaient par la vente de poissons et des produits de la mer.» Rajoo Parasuraman lui achète alors un vélo et Indiren va vendre les prises de la veille auprès des propriétaires de campements dans le Nord. Il vend aussi les légumes cultivés par son père. Tout l’argent obtenu est remis entre les mains de sa mère.

Amigo II

En 1983, sous l’impulsion de Vishnu Lutchmeenaraidoo, le ministre des Finances d’alors, la Banque de Développement de Maurice accorde des prêts d’un maximum de Rs 50 000, remboursables en sept ans, à un taux d’intérêt de 8 %, aux petits entrepreneurs. Indiren Parasuraman décide de contracter un emprunt de Rs 40 000 pour acheter un bateau qu’il nomme Amigo II et dont le numéro de matricule est C 168. Sentant qu’il a mis son fils sur les rails, l’année suivante, Rajoo Parasuraman décide de lui confier la gestion des affaires, qui commencent à marcher très fort. Indiren Parasuraman a alors 21 ans.

Plus gros bateau signifiant prises plus importantes, la même année, Indiren Parasuraman demande et obtient un permis pour exporter du poisson, plus précisément des vieilles rouges, vers La Réunion où un restaurateur les achète. Chaque semaine, il exporte par avion jusqu’à 100 kg de poisson à l’Île Sœur. Puis en 1989, le profil de ses clients réunionnais change et il approvisionne alors les plus gros poissonniers.

Le tourisme étant en plein essor, un de ses cousins lui conseille de faire une demande pour obtenir un permis d’opérateur de taxi. Il s’exécute, achète une voiture et l’obtient. Il sympathise avec le propriétaire de l’hôtel Le Coin de Mire, qui achète son poisson. Indiren Parasuraman lui demande s’il peut opérer son taxi à partir de son hôtel et sa demande est acceptée. Son emploi du temps quotidien prend alors une nouvelle tournure. Il va donc livrer le poisson au Marché central en taxi le matin avant d’emmener les touristes de l’hôtel en balade. Il joue ainsi sur ces deux tableaux jusqu’en 1991. Le fait d’avoir ses entrées dans les hôtels lui fait rencontrer les chefs étrangers des brigades en cuisine avec qui il sympathise et propose son poisson. Ces derniers lui passent commande et il fait travailler les banyans de la région, achetant les fruits de leur pêche pour les distribuer aux hôtels du Nord. «J’ai toujours misé sur la qualité des produits. Cela a toujours été ma marque de fabrique

Quand ses amis chefs lui conseillent de se lancer dans la commercialisation des fruits de mer et d’autres crustacés en quantités importantes, Indiren Parasuraman se tourne vers l’importation de l’Inde. Le jour où sa première expédition de produits de la mer frais débarque à l’aéroport, sa mère Rookmanee tire sa révérence. Bien que très affecté par ce décès, Indiren Parasuraman doit se ressaisir.

Il sait que l’avenir réside dans la diversification des produits de la mer qu’il propose. Et d’une expédition  par semaine, il en fait venir deux hebdomadairement. Sentant qu’il a besoin de s’équiper en conséquence, il fait un ami lui construire une chambre froide de 14 par 16 pieds qu’il place sur le terrain familial à Cap Malheureux. Il prend aussi avantage des facilités de congélation de l’Agricultural Marketing Board.

Professionnaliser ses activités

Ses affaires décollant, il fait construire une deuxième chambre froide à Cap Malheureux et se lance dans la transformation de poisson et d’autres produits fins de la mer. Cela passe par la congélation par air pulsé (blast freezing) afin que les processus soient non seulement hygiéniques mais aussi réalisés en milieu stérilisé. En 1994, il achète un van frigorifique pour la distribution aux hôtels. La même année, Indiren Parasuraman épouse Prettyla et celle-ci lui donne deux fils, Mathivanan et Poubalen, âgés respectivement de 27 et 24 ans aujourd’hui.

Comme l’entreprise familiale s’agrandit et qu’ils sont à l’étroit à Cap Malheureux - en sus de la distribution des produits de la mer, les clients viennent s’approvisionner directement chez eux et cela devient difficile de circuler dans le coin -, en 1999, Indiren Parasuraman trouve un terrain de un arpent et 97 perches à Petit Raffray. Il l’achète en deux temps à Rs 1,3 million car il veut y transférer toutes ses activités professionnelles et y aménager un restaurant de produits fins de la mer. Il fait sa demande pour l’obtention d’un permis afin de mener à bien ces développements.

Or, les autorités font la sourde oreille. Entretemps, en 2002, ses activités obtiennent la certification ISO 9001. Pour ne pas laisser son terrain de Petit Raffray en friche, il le confie à un agriculteur qui y plante des légumes et qui réussit, avec ses gains, à envoyer son enfant étudier à l’étranger.

C’est sous l’accord à l’israélienne avec Paul Bérenger comme Premier ministre en 2005, soit six ans après avoir effectué sa demande de permis de développement, qu’il l’obtient finalement. Avec son frère Sangaren, de quatre ans son cadet, il achète deux lopins de terrain attenant le sien et qui font trois arpents 22 perches, pour y créer un immense espace jardin et y  mettre des chapiteaux – selon le vœu de son père. Avec recul, Indiren Parasuraman estime que «cette attente pour obtenir mon permis de développement était un mal pour un bien car avec l’argent que j’avais mis de côté pour ce développement, j’ai pu acheter un terrain à Pereybère et y faire construire une villa pour chacun de mes fils et une pour ma femme et moi et les aménager en conséquence.»

Le développement qu’il entreprend à Petit Raffray est coûteux, soit Rs 100 millions. C’est à ce coût que sortent de terre le restaurant Rêve d’R, ledit R étant le sigle pour Rajoo, de grands jardins bien aménagés, des chapiteaux, l’usine de transformation de poisson et autres fruits de mer fins et dans laquelle se trouvent quatre chambres froides, deux chambres réfrigérées, une salle de congélation à air pulsé, le tout ayant une capacité de transformation et de stockage de 250 tonnes, des bureaux et une boutique pour la vente au public.

En parallèle, il achète dix conteneurs réfrigérés pour le stockage des produits et aussi pour la location auprès de l’AMB. Depuis, Indiren Parasuraman a étendu ses marchés d’importation des produits de la mer. En sus de l’Inde, il en importe de Dubayy, des Seychelles et de la Chine. Il achète également du poisson frais des banyans mais ses importations dominent. «Allons dire que 15 % de mes ventes proviennent du marché local et le reste de l’importation.» Ses clients sont les plus gros hôtels de l’île et des particuliers. Le Bella Amigo Group - c’est ainsi qu’il a appelé la société regroupant toutes ses compagnies -, occupe 50 % du marché de distribution des produits fins de la mer à Maurice. Si Indiren Parasuraman s’occupe de l’administration générale, de l’usine et de la boutique, son frère Sangaren chapeaute le restaurant Rêve d’R.

Le poisson s’étant raréfié autour de Maurice, il a fait don des deux bateaux Amigo à des pêcheurs, notamment à la famille qui a fait ses débuts avec Rajoo Parasuraman. Si le Covid-19 lui a fait perdre beaucoup d’argent, «nous avons chômé pendant 18 mois mais heureusement que les entreprises ont pu bénéficier de l’aide du gouvernement», la pandémie lui a ramené ses deux fils. L’aîné n’avait pas complété ses études d’architecture au Canada et y travaillait tandis que le cadet a terminé ses études d’ingénieur aéronautique. Ils sont rentrés au pays et depuis, Poubalen gère le restaurant avec son oncle alors que Mathivanan s’intéresse à la transformation des produits de la mer et à faire fumer le poisson. Son père l’envoie d’ailleurs régulièrement en France, plus particulièrement à Rungis où débarquent tous les produits de la mer et ceci, afin qu’il se perfectionne. «Ils ont compris que ce patrimoine va leur revenir et qu’ils doivent travailler pour eux.»

L’an prochain, Indiren Parasuraman ajoutera une autre chambre froide d’une capacité de stockage de 250 tonnes dans la cour de Bella Amigo et dans deux ans, il fera construire deux étages sur le bâtiment abritant l’usine et y aménagera des bureaux et une salle de conférence qu’il mettra en location. 

Si Rajoo Parasuraman a pu voir ses rêves se matérialiser, le seul vœu que son fils n’a pu réaliser est l’ouverture d’une quincaillerie. «Dans les années 70, mon père avait pressenti que la construction connaîtrait un boom et m’avait dit qu’il fallait investir dans une quincaillerie mais je ne me voyais pas dedans. Ce n’était pas mon activité.» Et même son père est mort depuis, il n’empêche qu’Indiren Parasuraman ne peut ignorer ce qu’il considère ses dernières volontés. Il compte donc importer en gros et sur commande des produits pour la construction et des dry products qu’il vendra en direct. 

Comme deux de ses frères sont morts jeunes – l’aîné Putty est décédé à 38 ans et le benjamin Ambigah à 36 ans -, le fait d’avoir pu accomplir autant de choses et d’être arrivé à 60 ans est comme une bénédiction pour Indiren Parasuraman. D’où la méga-fête du 26 août, qui ne manquera sans doute pas de ravir ses quelque 400 invités…