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«Employeurs voyeurs»: ces travailleurs étrangers privés de… vie privée
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«Employeurs voyeurs»: ces travailleurs étrangers privés de… vie privée
Les travailleurs étrangers sont-ils réellement libres dans leurs agissements et déplacements une fois leur journée de travail terminée ? Plusieurs témoignages laissent entendre qu’ils demeurent sous la supervision de leurs employeurs, voire «confinés» dans leur dortoir durant la nuit. Des atteintes aux droits fondamentaux sont-elles commises ? Nous avons tenté de clarifier cette question en sollicitant l’avis éclairé des syndicalistes.
La semaine précédente, les révélations d’une Bangladaise employée dans un salon de massage ont suscité l’étonnement de nombreux observateurs. Dans une correspondance au ministère du Travail et au haut-commissariat du Bangladesh à Maurice, elle a exposé ses conditions de travail difficiles, pointant du doigt des violations de ses droits fondamentaux.
Ce problème récurrent soulève des interrogations sur la liberté de mouvement des travailleurs étrangers à Maurice. Cependant, Leevy Frivet, consultant en relations industrielles et ancien conseiller au ministère du Travail, met en lumière le manque d’un cadre légal relatif à la liberté des travailleurs en dehors de leurs heures de travail, un vide propice aux abus de certains employeurs. «La protection des travailleurs semble reléguée au second plan par le ministère du Travail. Les entreprises exercent une influence considérable, en particulier dans les secteurs manufacturier et d’exportation, ce qui influe sur les décisions concernant la liberté individuelle des travailleurs migrants», affirme-t-il.
Leevy Frivet explique également que la liberté d’un travailleur migrant dépend souvent du code de conduite interne de son employeur. Les moments où il peut sortir et rentrer dépendent de chaque employeur. Or, le consultant souligne qu’un employeur a la responsabilité de protéger les travailleurs, en particulier ceux résidant dans ses dortoirs, ce qui peut entraîner l’imposition de certaines conditions.
«Trouver un équilibre est une tâche complexe, d’autant plus en l’absence d’un cadre légal clair dans ce domaine. Il serait intéressant de savoir si le ministère a récemment proposé une loi au Parlement visant à garantir la liberté fondamentale des travailleurs migrants. Le projet de loi sur les agences de recrutement privées a été mis en avant pour servir les intérêts de ceux qui ont profité de l’importation de la main-d’œuvre étrangère», insiste-t-il.
Selon Reeaz Chuttoo, président de la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP), il ne devrait y avoir aucune forme de discrimination entre travailleurs étrangers et mauriciens. «Toutefois, il est évident qu’il y a une complaisance de la classe politique depuis les trois dernières décennies. Sous prétexte de fournir un logement aux travailleurs et de prétendument les protéger, les employeurs installent des caméras partout. Certains vont même jusqu’à embaucher des gardes de sécurité pour surveiller les résidences et verrouiller les portes. Ils imposent des horaires stricts pour les sorties et les retours, allant jusqu’à fixer des heures précises.»
Surveillance électronique
Le président de la CTSP prend pour exemple une grande entreprise textile. «Pour une sortie à la plage, la compagnie met à disposition un bus et même un agent de sécurité. Cependant, les employés ont peu de temps pour profiter de la baignade, car ils doivent regagner leurs dortoirs à une heure précise.» C’est pourquoi la CTSP continue de faire entendre sa voix à travers des manifestations, dont une récente sur ce problème. La surveillance électronique ne vise pas seulement les travailleurs étrangers, mais également les Mauriciens. «Certains employeurs, à l’aide des caméras installées dans leurs usines, se comportent comme des voyeurs, même en pleine nuit», déplore-t-il.
Il est crucial de se souvenir que le nom de Maurice est malheureusement associé au «trafic d’êtres humains». Dès qu’un travailleur étranger pose le pied sur le sol mauricien, il devient de facto la «propriété» de son employeur. «Ce dernier détient tous les droits sur lui et, en cas de désobéissance, le patron peut l’expulser sans nécessiter l’autorisation des autorités, avec le soutien du Passport Immigration Office.» Sans aucun processus d’expulsion approuvé par les autorités.
Il ne faut pas non plus oublier le triste cas de la Bangladaise «victime de viol» par son employeur dans une usine. Malgré sa grossesse, elle a été expulsée. «On peut également évoquer le cas de deux Malgaches qui ont donné naissance à leur bébé à Maurice. La police envisageait de placer les nourrissons en détention, simplement parce qu’ils ne possédaient pas les autorisations nécessaires pour séjourner à Maurice. La CTSP a dû intervenir», souligne Reeaz Chuttoo. Il ne faut pas oublier que certains employeurs utilisent le «chantage» pour rendre leurs employés vulnérables.
Ce manque flagrant de considération du droit à l’intimité et à la liberté des travailleurs expatriés est aussi vivement critiqué par le syndicaliste Fayzal Ally Beegun. Il reste perplexe devant la présence de caméras, parfois placées jusque devant les portes des toilettes dans certaines usines. «Certains employeurs vont jusqu’à utiliser leur téléphone portable pour surveiller les déplacements des travailleurs. Dans les espaces communs, l’installation de caméras peut se justifier pour des raisons de sécurité du personnel, mais voir des caméras devant les toilettes est tout simplement révoltant…» s’indigne-t-il.
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