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«National Insurance Claims Database»: entre attentes et appréhensions

15 août 2023, 22:00

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«National Insurance Claims Database»: entre attentes et appréhensions

La National Insurance Claims Database (NICD) est en bonne voie. Cette plateforme, annoncée dans le discours budgétaire 2021- 2022, vise à faciliter l’échange d’informations entre les assureurs de véhicules afin de simplifier les réclamations et à mettre en place un système de bonus-malus à Maurice. Les regulations, elles, sont prêtes. Face à ce nouveau projet, certaines craintes sont exprimées alors que d’autres parlent d’un projet qui s’est trop fait attendre. 

L’annonce avait été faite dans le discours budgétaire 2021-2022. Une plateforme sera mise en place par la Financial Services Commission (FSC) «to facilitate motor insurance claim recoveries». Puis, en septembre 2021, la FSC avait émis un communiqué pour donner plus de détails sur le projet. La NICD serait mise en place pour permettre l’implémentation du système bonus-malus. Cela rendrait le secteur des assurances plus dynamique, avait dit Mahen Seeruttun, ministre des Services financiers, alors que Mardayah Kona Yerukunondu, qui était alors le président de la FSC, avait déclaré que ce système permettrait de garder l’équilibre entre toutes les parties concernées. Sollicitée, la FSC a expliqué que la plateforme est dans les derniers stades de développement, qu’elle sera bientôt lancée et qu’elle a déjà été testée. 

Le système bonus-malus 

En quoi consistera ce système ? Mahen Seeruttun avait déclaré que cela permettrait de moduler le prix des assurances en fonction du comportement du chauffeur. «Un chauffeur prudent doit être récompensé et ne doit pas être traité comme celui qui ne prend pas de précautions», avait-il dit, précisant que cela existait dans d’autres pays et avait porté ses fruits. Pour mettre en place ce système, il faut une base de données contenant les informations des assurés afin que les compagnies d’assurances aient accès au profil des assurés pour calculer leur paiement. «La plateforme établira un historique des réclamations et ce sera utilisé pour la mise en place de ce système, qui vise à récompenser les bons conducteurs et à pénaliser les mauvais. Une formule sera dérivée de ces historiques, et c’est sur cette base que les assureurs calculeront le bonus ou le malus de leurs clients», explique la FSC. 

Selon les regulations, toutes les réclamations aux assurances devront être déclarées sur cette plateforme. Elles devront être accompagnées d’un Agreed Statement of Facts et d’une copie du permis de la personne impliquée dans l’accident, qu’elle soit la personne assurée ou une tierce personne. Les déclarations sur la plateforme devront être faites dans les deux jours ouvrables suivant la réception de la réclamation. Une fois la faute confirmée sur la plateforme, elle ne pourra être modifiée qu’avec l’accord de la FSC. 

Sollicité, Vashish Ramkhelawon, secrétaire général de l’Association des assureurs de Maurice, avance que ce projet est accueilli avec enthousiasme. «Au départ, nous voulions mettre un tel système en place nous-mêmes. Mais la Data Protection Act nous en empêchait», avance-t-il. Les règlements précisent que la convergence des données permettra de déterminer qui aura droit à un bonus – ou à une réduction du prix de son assurance – ou le contraire. L’assureur pourra demander le «Claims History Certificate» d’un assuré ou d’une personne qui souhaite obtenir une nouvelle couverture. Cependant, cela ne pourra se faire qu’avec le consentement formel de cette dernière. Quant à l’accès à la plateforme, ce sera aux compagnies de s’assurer qu’elle ne soit accessible qu’aux personnes autorisées et que des «appropriate security measures should be in place to prevent unauthorised access or disclosure». 

L’intention de mettre en place le système bonus-malus est bonne. De plus, ce système permettra aux compagnies d’assurances de suivre les changements de nom des polices, ce qui aidera à détecter les prête-noms et renforcer le combat contre le blanchiment d’argent. Au sein d’une compagnie d’assurances, l’on fait ressortir qu’une fois en ligne, la NICD permettrait à la National Land Transport Authority, à la police et aux compagnies d’assurances d’avoir accès aux informations sur les polices d’assurance de tous les véhicules. «Dans la pratique, lorsqu’un policier arrête une voiture pour un contrôle de routine, il pourra immédiatement vérifier sur le portail si le véhicule est assuré ou pas, pour quelle période et sous quelle catégorie (privée, commerciale, taxi, etc.).» 

Quant à Sattar Jackaria, Chief Executive Officer d’Eagle Insurance, il estime également que le projet est une excellente initiative. «Cette plateforme centralisée nous permettra de mieux comprendre les profils de nos nouveaux clients, le but étant de leur proposer des prix plus équitables. In addition, the NICD comes with the innovative feature of also being a settlement platform which will speed up the process of recouping funds from other insurers and reimbursement of the corresponding excesses when our insureds are not at fault»,avance-t-il. 

Et si cette base de données est détournée ? 

Cependant, dans le milieu, certaines craintes sont exprimées. «Nonetheless, to fully harness the advantages of this initiative, the implementation of the Alternative Dispute Resolution mechanism would play a crucial role in efficiently and promptly resolving any disputes that may arise», précise Sattar Jackaria. Mais que se passera-t-il, se demandent certains assureurs, si, demain, cette base de données est détournée de sa fonction première ? Car, avec la NICD, les autorités auront accès à tous les bons et mauvais conducteurs du pays, et ce type de données peut être utilisé à mauvais escient ou être vendu à d’autres. Vashish Ramkhelawon affirme que le problème ne se pose pas car la FSC, en tant que régulateur, a déjà un droit de regard sur les assurances. «De plus, une telle base de données centralisée, avec l’âge, les types de véhicules et les lieux sur une même plateforme donnera la possibilité de faire de meilleures analyses sur la sécurité routière à Maurice», avance un autre expert du domaine des assurances. 

Mais tous ne partagent pas le même avis. Quant à la FSC, elle explique que «any information collected will be kept confidential by the FSC. Insurers accessing information from the NICD shall use the information exclusively for the purposes of the insurance policy underwriting, claims processing, claims administration and claims settlement». Et elle rappelle que la plateforme inclut un système de sécurité interne pour la sécurité des données. Cependant, les explications ne suffisent pas pour apaiser les craintes car une telle base de données centralisée n’inspire pas confiance à tous.

Au sein de la compagnie d’assurances mentionnée plus haut, l’on confie que ce projet peine à prendre son envol. «Déjà, l’acronyme NICD est considéré comme étant trop proche de NIC (National Insurance Company), l’ancienne BAI», y déplore-t-on. De plus, selon eux, il semble que la FSC subisse les pressions d’un groupe pour que la plateforme n’incorpore pas les assurés tiers, mais seulement ceux couverts par l’assurance tous risques. À noter que la version des réglementations qui circule comprend les tierces, mais il ne s’agit pas de la version finale. Raison pour laquelle les petites et moyennes compagnies d’assurances ne voient pas ce projet d’un bon œil car elles vendent principalement des polices tierces. 

De plus, il y aurait toujours une réticence, malgré les assurances données par les régulateurs, d’installer un logiciel qui donnerait accès à la FSC aux données des compagnies. «En l’absence de cette interface de programmation d’application (API), les compagnies d’assurances sont aujourd’hui contraintes de saisir manuellement les données sur le portail NICD, alors que la plupart d’entre elles disposent déjà d’une infrastructure informatique capable d’enregistrer toutes les données nécessaires.»