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Industrie sucrière: l’importation de main-d’œuvre divise syndicalistes et planteurs
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Industrie sucrière: l’importation de main-d’œuvre divise syndicalistes et planteurs
Après la rencontre d’une délégation du «Joint Negotiating Panel» avec la «Mauritius Cane Industry Authority», lundi, ce sera au tour des planteurs de canne à sucre de discuter avec l’instance, demain, de la décision des autorités de faire appel à la main-d’œuvre étrangère, y compris dans le secteur cannier.
Le Joint Negotiating Panel (JNP) a fait une sortie en règle contre les autorités qui ont pris la décision d’importer la main d’œuvre dans le secteur agricole, plus précisément cannier. Lundi, une délégation du JNP a eu une rencontre avec la Mauritius Cane Industry Authority (MCIA) pour obtenir des informations au sujet de ses démarches pour l’importation de travailleurs étrangers. C’est cette institution qui s’est chargée de travailler sur ce dossier. Le Chief Executive Officer de la MCIA nous avait informés, il y a deux semaines environ, qu’il travaillait sur les formules. Une rencontre avec des planteurs de canne à sucre est prévue pour demain.
La position adoptée par le syndicat n’est pas appréciée par des planteurs. Salil Roy de la Planters’ Reform Association (PRA) soutient que les agriculteurs ont de plus en plus de difficultés à retenir les services des travailleurs des champs. «Avec le vieillissement de la main-d’œuvre sur le plan local, nous éprouvons des difficultés à trouver des travailleurs. C’est une des raisons, pour ne pas dire la principale, qui pousse les planteurs à abandonner leurs terres. Et ce qui explique que, d’année en année, la production de sucre diminue.» Il dit ne pas comprendre la position des syndicalistes car, sans la main d’œuvre étrangère, le secteur du textile aurait connu une triste fin. Sans les travailleurs étrangers, les Mauriciens auraient éprouvé des difficultés à obtenir leur pain quotidien.
Nem Sewraz, qui est à la tête d’une coopérative avec 500 membres, affirme que la majorité d’entre eux ont des difficultés à trouver des personnes pour travailler dans leurs champs de canne. Il est catégorique que, pour sauver ce secteur, il faut absolument faire appel à des travailleurs étrangers.
Selon Kailash Ramdharry, un petit planteur, entre 2010 et à ce jour, près de 20 000 hectares de terrain sur lesquels il y avait la culture de la canne ont été abandonnés. Selon lui, si tous ces terrains étaient toujours exploités, ce sont près de 200 000 tonnes de sucre de plus que le pays aurait pu produire. «Je pense qu’il faut renverser cette tendance, avec un retour à la terre. Pour cela, il faut de la main-d’œuvre. Et si on ne la trouve pas à Maurice, alors pourquoi ne pas faire appel à l’étranger ?»
Néanmoins, c’est vers des contractuels qui importent de la main-d’œuvre étrangère que doivent se tourner les planteurs. L’une des compagnies est K.R.K.M Multipurpose Cooperative Society Ltd. Son directeur, Satyajit Samma, soutient que ce problème touche plus les petits planteurs que les usiniers. «Peut-être du fait qu’ils emploient des travailleurs en permanence et qu’ils ont recours à des contractuels, ils n’ont pas la même difficulté. Même si je pense que dans le secteur agricole en général, la main-d’œuvre étrangère aurait très bénéfique au pays.»
Il avance que depuis le dernier Budget, le gouvernement est venu avec une mesure sur la levée du quota au niveau de la main-d’œuvre étrangère. «S’il y avait un quota d’une dizaine de personnes, on peut maintenant importer le double ou le triple.» D’expliquer qu’avec l’interdiction d’avoir recours aux travailleurs bangladais, c’est vers l’Inde qu’il se tourne. Ainsi, il est en contact avec un agent indien pour l’importation de 14 travailleurs de ce pays. Il ajoute que les procédures sont en cours et que, d’ici un mois, ils seront dans le pays.
Satyajit Samma souligne qu’à part le prix des billets d’avion, qui se situerait entre Rs 15 000 et Rs 18 000, chaque travailleur lui coûtera environ Rs 20 000 par mois. «Outre leur paie qui devrait être le salaire minimum, soit de Rs 15 000, ils auront des facilités de logement et de nourriture.» Il explique que pour chaque travailleur importé, il faut payer un permis de travail de Rs 19 500 pour une durée de trois ans.
«Avec les étrangers, on est plus sûr qu’il n’y aura pas d’absences régulières et que ces travailleurs seront disponibles pour des heures supplémentaires.» Il tient à faire ressortir qu’il avait une quinzaine de travailleurs locaux, mais Mauriclean les a tous recrutés. «Je sais que c’est mieux pour eux. Mais je me demande qui travaillera dans les champs sans les travailleurs étrangers.»
Ashok Subron parle d’une «énorme escroquerie des fonds publics»
«Derrière cette transformation de l’industrie sucrière en une coolie economy se cache une énorme escroquerie des fonds publics.» Déclaration forte du syndicaliste Ashok Subron, le jeudi 10 août, lors de la conférence de presse du JNP – composé de l’Union of Artisans of the Sugar Industry, la Sugar Industry Labourers Union, la Plantation Workers’ Union et de l’Artisans et la General Workers Union (AGWU) – qui s’est tenue au Emmanuel Anquetil Centre, à Sable-Noir. Les syndicalistes ont exprimé leur désarroi face à l’intention du ministère de l’Agro-industrie de recruter des travailleurs étrangers dans l’industrie sucrière, conformément aux mesures annoncées dans le Budget 2023-2024.
Évoquant le protocole d’accord signé entre la Mauritius Sugar Producers’ Association (MSPA) et les différents syndicats de travailleurs de l’industrie sucrière, Ashok Subron a rappelé l’engagement de la MSPA à ne pas recruter de main-d’œuvre étrangère sans l’accord préalable des syndicats concernés. «La MSPA est également tenue de remplacer les travailleurs qui sont décédés en embauchant des ouvriers locaux afin d’éviter toute pénurie de main-d’œuvre. La question du recrutement de main-d’œuvre étrangère ne se pose donc pas.»
Le syndicaliste précise également que le JNP n’a pas de position xénophobe. Toutefois, dit-il, cette décision du ministère est prise dans le but de détruire les normes de travail qui ont été construites à travers différents mouvements depuis plus de 150 ans. «C’est un modèle pour créer une coolie economy où finalement, d’un côté, nous aurons de belles smart cities et des villas luxueuses appartenant à des riches, notamment des étrangers, et, de l’autre, des camps de coolies. Entre les deux, le Mauricien lambda se verra contraint de quitter le pays puisqu’il sera un fardeau dans son propre pays. Est-ce là l’idée de développement du gouvernement ?» a-t-il demandé.
Qualifiant cette initiative d’escroquerie des fonds publics, Ashok Subron a pointé du doigt le ministre de l’Agro-industrie, Maneesh Gobin, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, ainsi que le Premier ministre, sans oublier la complicité alléguée de la MCIA, chargée par le ministère de l’Agro-industrie de la mise en œuvre de cette mesure. «Dans certains établissements sucriers, il y a déjà une surcharge de travailleurs saisonniers, avec peu de travailleurs permanents. Nous ne tolérerons pas cela et, parallèlement, nous ne permettrons aucun abus à l’égard des travailleurs étrangers. Derrière cette transformation en coolie economy de l’industrie sucrière se cache une vaste escroquerie car ce nouveau système de main-d’œuvre à bas prix est payé avec des fonds publics», a-t-il affirmé.
Ashok Subron a envoyé une sévère mise en garde au gouvernement pour qu’il reconsidère sa position. «Les trois ministres ont osé met lédwa dan nik mous zonn. Nous n’avons pas oublié les souffrances qu’ont subies nos ancêtres de la part des oligarques. Si cela devait arriver de nouveau à l’industrie sucrière, il y aurait un prix à payer, aux niveaux syndical et électoral. Ne pensez pas que si vous avez remporté les élections deux fois, vous les remporterez une troisième fois.»
Pour sa part, Lall Dewnath, président de l’AGWU, a fait part des inquiétudes relatives à cette initiative du gouvernement alors que le développement en cours cause déjà, ironiquement, des dommages au secteur agricole. «Les habitants de ce pays sont de bonnes personnes. Nous ne pouvons pas nous permettre une situation xénophobe comme celle d’Afrique du Sud. (…) Les terres où l’on peut faire des plantations sont aujourd’hui abandonnées ; les terrains les plus propices à la plantation de canne à sucre sont maintenant utilisés pour construire des hippodromes, et on détruit les forêts pour construire des malls et des villas. Face au manque de terrains, ils veulent faire venir des travailleurs étrangers pour œuvrer dans les plantations. Kot pou planté, lor Tribeca Mall ?» a-t-il demandé.
Un appel a été lancé par le JNP à l’opposition parlementaire et extra-parlementaire pour qu’elle intervienne sur cette problématique qui concerne l’ensemble du pays. Par ailleurs, une réunion préliminaire de consultation s’est tenue le 3 août pour discuter des différents aspects et modalités du recrutement de la main-d’œuvre étrangère. «Et ce, sans la présence des syndicalistes. (…) Si les patrons sucriers violent la loi, nous n’avons aucune obligation de la respecter… Nous pourrons fermer toutes les usines et tous les champs. Les ministres nous verront devant leur bureau. Le respect de la loi vient des deux côtés», affirme le JNP.
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