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Situation inhumaine à l’hôpital Brown-Séquard: le ministère de la Santé initie une enquête
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Situation inhumaine à l’hôpital Brown-Séquard: le ministère de la Santé initie une enquête
Au cours d’un après-midi pluvieux en fin de semaine, la zone réservée au stationnement pour les visiteurs est en partie remplie, et l’entrée du bâtiment de l’hôpital Brown-Séquard accueille des proches qui rendent visite aux membres de leur famille, hospitalisés en vue d’un traitement. Un agent de sécurité à la réception surveille strictement les activités des visiteurs, parmi le va-et-vient du personnel soignant. Cependant, l’atmosphère du lieu semble étrangement terne.
Nous croisons deux membres d’une famille venus rendre visite à leur proche, récemment admis pour la première fois. «Se porte-t-il bien ?», demandons-nous. «Plus ou moins oui, puisqu’il n’est arrivé ici que récemment», nous dit une dame qui paraît inquiète. A notre question sur les récents cas de maltraitance divulgués par la famille d’autres patients, elle répond : «Oui, j’en ai entendu parler à la radio. (…) Mais, on ne vous en dira pas plus. Nu pa lé nanye paret dan zournal. Nous ne voulons pas qu’il ait des problèmes.» Une source nous avertit que le personnel est sur ses gardes depuis les allégations de maltraitance, mettant le fonctionnement de l’institution sous le feu des projecteurs au niveau national. La sécurité a également été renforcée pour un meilleur contrôle et davantage de sécurité. «Difficile d’y accéder. Personne n’est prêt à parler, surtout en ce moment», nous dit-on.
«Cellule» et «pikir bef»
Cette appréhension des visiteurs semble avoir été suscitée par une émission Enquête en direct d’Anabelle Savabaddy, diffusée le jeudi 10 août sur les ondes de Radio One. Parmi les témoignages, celui de ce père dont la fille de 30 ans est en traitement à l’hôpital Brown-Séquard depuis ses 12 ans. En sus des marques de pincements, des blessures au corps et d’avoir été brutalement frappée avec «baton mop», sa fille a été détenue dans une «cellule», sans aide du personnel et forcée à y faire ses besoins.
Mario, sexagénaire, nous relate, lui, l’existence, depuis des années, d’une «pikir bef», qui a marqué les esprits pendant ladite émission. «Mon frère y était admis pour un traitement de la schizophrénie. Confiné dans une cellule obscure pendant des jours, il dormait au sol, dépourvu de matelas, et n’avait pas la permission de se doucher. Chaque fois que j’allais le voir, il était incapable de parler ou de se rendre compte du lieu où il se trouvait. Apré mo finn apran ki zot ti pé donn li pikir bef (...) Éventuellement, nous avons décidé de le ramener à la maison car il y serait plus en sécurité.» Mario, qui, après des années, emmène maintenant son fils – qui souffre également d’une maladie psychiatrique – se faire soigner dans cette institution, nous confie qu’il l’accompagne à chaque consultation et suivi, reçoit ses médicaments le même jour et le ramène à la maison sain et sauf.
«Préjugés et insultes»
Hormis des cas de maltraitance physique allégués, certains patients subiraient également des insultes. J.P., un trentenaire qui a passé des mois en détention préventive avant d’être libéré, nous confie avoir été la cible d’insultes et d’un comportement hostile. «J’ai passé des mois en détention préventive alors que j’étais accusé de quelque chose que je n’avais pas fait. Après ma libération, j’étais heureux de pouvoir rebâtir ma vie. Mais le traumatisme prolongé de la prison ainsi que la lutte accablante pour m’intégrer et reprendre une vie normale ont eu un effet néfaste sur ma santé mentale. J’ai également eu du mal à me faire à nouveau accepter dans mon quartier. N’ayant pas les moyens d’aller voir un psychologue du privé, je suis allé à l’hôpital Brown-Séquard. (…) Quand je suis entré dans la salle de consultation, j’ai expliqué ma situation à une médecin qui m’a tout de suite dit de m’éloigner parce que les gens comme moi n’étaient pas censés se trouver à proximité d’elle. Li dir mwa : ou gagn drwa debout la ou ? Ress laba, prizonié ou. Mo pa la pou guet dimounn kouma ou mwa.»
Le trentenaire affirme qu’on lui aurait refusé respect et traitement. «On m’a dit de me rendre dans un autre hôpital. Zot dir mwa pa isi ki fer sa. Le personnel de cet autre hôpital m’a dit que seul l’hôpital Brown-Séquard offrait des soins appropriés. (...) Les médecins et le personnel médical sont censés sauver des vies. Au lieu de cela, ils ont tendance à avoir des préjugés contre nous, même si la loi peut, plus tard, nous déclarer innocents. Si le personnel médical refuse son aide à ceux qui en ont le plus besoin, cela ne va-t-il pas ironiquement les pousser à tomber dans un cycle toxique de moyens de survie, tels que la toxicomanie ?»
300 patients sans visite de leurs proches depuis des années
Sollicité, le ministère de la Santé nous affirme qu’une enquête a été instituée à son niveau, la direction de l’hôpital Brown-Séquard étant instruite de soumettre un rapport. On nous explique également qu’une réunion a eu lieu cette semaine sur un comportement agressif et d’éventuels cas de maltraitance avec tous les Heads of Units de l’hôpital, sous la présidence du Medical Superintendent. La mise en place d’un comité antiviolence pour résoudre ce problème a été proposée, ainsi que des «patient satisfaction surveys». On évoque également les complexités associées à la nature de ce métier. «Souvent, un patient doit être physiquement et chimiquement maîtrisé afin qu’il n’agresse pas le personnel et les autres patients. Lorsque le patient est agité et violent, il faut recourir à la force physique pour le maîtriser. Parfois, la force physique utilisée par le personnel pour contenir le patient peut provoquer quelques ecchymoses. Les proches considèrent souvent qu’il s’agit de cas d’agression, mais ce n’est pas le cas.»
Par ailleurs, les allégations formulées par des patients souffrant de troubles psychiatriques peuvent souvent être infondées. «Un patient avait allégué qu’une infirmière l’avait étranglé. Après enquête, nous avons constaté, qu’en fait, l’infirmière tentait de dissuader le patient de se pendre. Dans un autre cas, une patiente avait affirmé avoir été pincée par une infirmière. Il s’est avéré que la patiente avait été pincée par un autre patient.» À ce jour, environ 300 patients (admis au Chronic Ward) n’ont pas reçu de visites de leurs proches depuis plusieurs années. Ils sont pris en charge par le personnel, selon les informations que nous avons obtenues du ministère de la Santé.
Cependant, malgré le faible nombre de plaintes officielles, des mesures sont néanmoins prises. «Un cas sérieux s’est produit, il y a cinq à sept semaines, lorsqu’une allégation a été faite selon laquelle une infirmière avait agi violemment à l’égard d’un patient. Une enquête a été menée et l’infirmière a été suspendue à la suite d’un Managerial Committee. L’affaire a été référée à la police et à la Mental Health Commission, qui est présidée par un magistrat. Un autre cas allégué fait actuellement l’objet d’une enquête.»
Le ministère de la Santé tient à rappeler à la population que des mécanismes appropriés ont été mis en place pour recevoir les plaintes. «Très souvent, les informations ne nous parviennent qu’à travers la radio ou les journalistes. Le public doit savoir qu’il peut aussi déposer une plainte grâce aux formulaires disponibles dans les hôpitaux ou via le portail CSU (Citizen Support Portal), voire en appelant directement le ministère.»
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