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Débat sur le football avec trois héros du Club M: «Striktir aktiel nou football bizin krazé réfer tou»

22 août 2023, 21:00

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Débat sur le football avec trois héros du Club M: «Striktir aktiel nou football bizin krazé réfer tou»

Nous avons rencontré trois héros du Club M pour un état des lieux du football mauricien sans langue de bois, à quelques jours du coup d’envoi des Jeux des îles 2023 à Madagascar. De passage à Maurice pour quelques jours de vacances, Jean-Marc Ithier (de Cape Town, en Afrique du Sud) et Désiré Periatambee (de Corse, en France) ont remporté l’or ensemble aux JIOI 2003. Quant à Patrice d’Avrincourt, il a participé à l’épopée magique de 1985, alors qu’il débutait dans l’élite à 17 ans, pour devenir capitaine en sélection quelques années plus tard. Pourquoi le sport roi est en déclin ? Kick off d’un passionnant débat…

A quelques jours des Jeux des îles, est-ce que le Club M est dans la bonne direction avec Fidy et Sakoor Boodhun ?

Patrice d’Avrincourt : On va laisser répondre Jean-Marc d’abord, puisque c’étaient ses deux camarades de classe au Sunrise !

Jean-Marc Ithier : Je ne les ai pas vu jouer récemment, mais on en discute souvent avec d’anciens footballeurs à chaque fois que je reviens à Maurice. Il faut toujours faire face aux mêmes problèmes: le niveau du championnat qui n’est pas relevé. C’est un gros challenge. Je vois qu’on a fait appel à des expatriés et qu’on a eu des résultats. Fidy et Boodhun ont un petit peu d’expérience et connaissent les joueurs. Mais quand on regarde Madagascar à la Coupe d’Afrique des Nations, ils sont vraiment au-dessus de nous.

Désiré Periatambee : Tout dépendra des résultats. La finalité ce sont toujours les résultats. C’est un objectif quand même compliqué dans le contexte politique actuel. Mais c’est quand même courageux de la part de Fidy et Boodhun de prendre l’équipe nationale. C’est vrai qu’il y a eu des résultats encourageants lors du tournoi triangulaire, mais pas réguliers. Un tournoi amical ce n’est jamais pareil à un tournoi officiel.

Patrice d’Avrincourt : Je trouve aussi que c’est une décision courageuse de la part de mes anciens adversaires et coéquipier en équipe nationale pour Sakoor. Quand une offre comme ça arrive sur la table c’est compliqué de refuser. Car pour Fidy, Maurice c’est son pays d’adoption. Mais quel soutien on leur donne derrière pour pouvoir faire ce travail ? Ils sont employés par qui, le ministère ou la fédération ? D’après mes sources, ils sont payés par le ministère. Dans le football mondial, je pense que c’est la fédération qui paie ses sélectionneurs et non le ministère des Sports. Si c’est le ministère qui paie, c’est lui qui a choisi le staff technique du Club M. Est-ce que la fédération va les mettre dans la direction qu’il faut pour réussir ? Qu’est-ce qu’on leur a demandé ? Quel est l’objectif ?

L’objectif premier c’est bien sûr les Jeux des îles…

P. d’Avrincourt : Si ce sont seulement les Jeux des îles, ils seront mis dehors le 6 septembre dès que les Jeux des îles seront finis. Pourquoi on n’a pas participé aux Jeux de la Francophonie en alignant une équipe de moins de 23 ans ? Parce que là on va aller jouer Madagascar, qui est chez lui et qui va aligner une bonne équipe, mais aussi la Réunion, les Comores… Moi je ne comprends pas pourquoi il n’y a pas eu un stage bloqué avec tous les joueurs pour faire une préparation, comme moi en 1985, moi et Marco en 1990, 1993 ou 2003 aussi. On était en Allemagne la première fois, en France en 1990, encore en Allemagne en 1993. Ici, je vois que pour notre préparation on a joué contre Liverpool Academy… Ensuite, ils sont partis une semaine en Afrique du Sud, mais est-ce qu’on peut souder un groupe en une semaine ? Avant chaque Jeux des îles, normalement il faut une grande préparation, mentale, en équipe. Mais j’espère qu’on fera une bonne performance là-bas. On n’a pas une mauvaise équipe. Je pense que Sakoor et Fidy connaissent leur travail et ont assez d’expérience au niveau local. Mais le plus gros problème c’est que sans nos expatriés européens nous serons en grande difficulté. Les expatriés de la Réunion seront bien sûr un plus. Mais le vrai problème c’est au niveau de notre championnat ici. Nivo nou sampion mari dans bez. Alors que Madagascar et la Réunion ont un championnat de haut niveau.

Pourtant Ashley Nazira est l’un des meilleurs buteurs à La Réunion, ce qui prouve qu’on ne manque pas de talents à Maurice…

P. d’Avrincourt : Exactement. S’il est le meilleur à La Réunion, pourquoi il ne peut pas être meilleur buteur dans son pays, dans son propre championnat ? Ce n’était pas nécessaire d’aller à La Réunion.

En 1998, lorsque vous étiez en sélection avec Periatambee, vous aviez fait trembler l’Afrique du Sud et frôlé une qualification pour la CAN. Depuis, Maurice a régressé sur le plan africain et se fait systématiquement éliminer dès les tours préliminaires avant les éliminatoires des grandes compétitions. Comment expliquer cette régression ?

JM Ithier : La situation s’est dégradée au niveau du management du football à Maurice. Que ce soit au niveau de la fédération ou du gouvernement aussi.

P. d’Avrincourt : En 2003, quand notre sélection a gagné l’or avec Jean-Marc et Désiré, je travaillais à Radio One et j’avais dit à l’antenne qu’il faudra attendre très longtemps avant de revoir une équipe gagner de nouveau les Jeux des îles.

Pourtant Patrice, lorsque Maurice arrive en finale aux Seychelles, vous étiez à fond derrière eux, n’est-ce pas ?

P. d’Avrincourt : Mais parce que je suis toujours à fond derrière eux ! Mais en étant réaliste, ce n’est pas possible de gagner les JIOI avec l’état actuel de notre football.

On dit souvent aussi que le football a plongé à Maurice depuis la régionalisation, qui a suivi les dérapages de 1999 et l’incendie de l’Amicale. Vous partagez cet avis ?

JM Ithier : Définitivement, la régionalisation a joué une part dedans. Mais si on avait un bon plan, c’était possible, pas du jour au lendemain, comme cela a été fait. Pour moi, il fallait le faire par phases. Assizé, cozé, striktir li. Après quatre ou cinq ans, tu peux avoir une bonne régionalisation, en regardant ce que tu mets en place et en adaptant ta structure, en fonction des objectifs fixés. Si tu l’appliques d’un seul coup, il y a pleins de problèmes qui surgissent mais comment s’y retrouver et réarranger.

P. d’Avrincourt : En 1999, le football s’est arrêté deux ans. Mais ce qui nous a sauvés pour gagner en 2003, c’est le CNFF ! Désiré Periatambee part jouer en France, Jean-Marc Ithier, Orwin Castel et Sébastien Bax en Afrique du Sud, Jimmy Cundasamy, Jerry Louis à la Réunion, Christopher Perle en Allemagne, Mani (Giovanni Jeannot) en Corée du Sud. Finalement, on avait Henri Spéville, Cyril Mourgine et Kersley Appou comme derniers rescapés de la Fire Brigade, ainsi que les Gilbert Bayaram et autre Guilliano Edouard et le reste c’était le centre de formation et les expatriés.

Ensuite arrive le temps des vaches maigres et une période sombre pour notre sport roi. Cela vous inspire quoi ?

P. d’Avrincourt : Après ça, on a eu une génération de footballeurs perdus, qui jouait dans des stades vides. ASPL 2000, Olympique Moka… Dimoune dire kiété sa ? Ki sa bane lekip la sa ? Les gens ont arrêté de suivre notre football. Et même jusqu’à aujourd’hui c’est pareil. Aujourd’hui pourquoi les gens sont motivés pour aller voir un match ? Premièrement, c’est leur équipe qui joue, deuxièmement, ils y vont pour un spectacle. Mais on n’a ni l’un, ni l’autre. C’est pour cela que les gens s’assoient devant leur télévision aujourd’hui et ont décidé que leur équipe serait Liverpool ou Manchester Utd, mettent leur maillot et les supportent à des milliers de kilomètres. Alors qu’avant, les anciens faisaient la même chose mais venaient aussi au stade.

Le phénomène des stades vides à cause de la Premier League, ce n’est pas nouveau, c’est mondial. On voit ça ailleurs aussi en Afrique, n’est-ce pas ?

JM Ithier : C’est vrai qu’en Afrique les gens suivent souvent plus le championnat anglais que leur ligue nationale, mais les stades ne sont pas vides comme à Maurice !

P. d’Avrincourt : Voilà, les stades ne sont pas vides. Ok, plusieurs pays d’Afrique ont le même problème que Maurice, mais au moins plusieurs d’entre eux ont gardé leur structure et ont leur formation. Pour moi, il est inconcevable, par exemple, qu’une équipe championne de Maurice comme Rasta Wanderers n’ait pas une équipe réserve, des U19, U17, U15, U13. Toutes les petites académies comme le Racing Club ou l’AFN etc. ont des petites pépinières, mais tu ne peux pas jouer dans une Super League sans avoir ta pépinière. Striktir aktiel nou football bizin krazé réfer tou. A partir de là, le travail de Fidy et Sakoor Boodhun devient beaucoup plus facile.

Comme dans un ancien débat qu’on avait organisé à Lékip il y a plusieurs années, on en revient toujours au problème de la formation à Maurice selon vous ?

JM Ithier : Kan nou pe coz formation, nou pe coz pou dan 5 an ou dan 10 an. Quand on prend les jeunes aujourd’hui, ils seront prêts dans 10 ans. Cela demande un plan pour le football à long terme, ce qu’on n’a pas pour le moment à Maurice. Pour rebondir sur ce que Désiré disait sur la nécessité d’avoir une bonne équipe pour être régulier dans les résultats, on comprend que ce qu’on attend là, c’est enn ti la chance. On mise sur la chance. Nou prie pou gagne enn bon rezilta premier match Jeux des îles avec enn ti la chance kit foi lerla nou capave al loin, couma bann dernier foi. Nou réduit à sa la : «let’s hope and pray».

P. d’Avrincourt: Peut-être que quelque part, cela ne serait pas une bonne chose pour Maurice de gagner les Jeux des îles alors non ? Je suis le plus grand des patriotes et j’espère qu’on va gagner parce que j’aime mon pays, mais si on gagne, on a l’impression que rien ne va changer non plus…

D. Periatambee : Non, aujourd’hui, il y a Internet. Les gens voient bien ce qui se passe. Sur les sites de football, les fans demandent est-ce que cette situation va changer ? La réponse est non. Tant qu’on aura les mêmes personnes à la tête de nos institutions, rien ne changera. Il y a trop d’incohérences dans le football mauricien. Tu ne peux pas avoir l’académie de Liverpool d’un côté et un High Performance Centre d’un autre côté. Et le centre de formation dirigé par Akbar Patel ça existe encore ça ?

En quoi la Liverpool Football Academy de Maurice serait un problème pour le développement du football chez nous ?

P. d’Avrincourt : Je vous explique un peu le fonctionnement actuel. On a la Liverpool Football Academy, ça commence à 11 ans. Ils ramassent des enfants partout, ensuite ils font une sélection avec les meilleurs de la Liverpool Academy. On a le HPC : High Performance Centre où la MFA fait sa propre formation. Ensuite on a le centre de formation du ministère… Mais ou est-ce qu’on va ?

D. Periatambee : Trop d’incohérences !

P. d’Avrincourt : Il y a trois structures différentes. Pour moi, le plus gros problème de la Liverpool Academy, c’est qu’il y a un championnat avec tous les centres techniques régionaux, donc avec les meilleurs joueurs et ils jouent contre la Liverpool Academy. Mais si tu ne gagnes pas là, quand vas-tu gagner ? Premièrement, elle ne devrait pas s’appeler Liverpool Football Academy parce qu’elle est financée par le ministère. Et il n’y a que des Mauriciens qui travaillent là-bas sauf un Anglais, Neil Murphy. Il est comme un DTN. Donc le gouvernement mauricien paie ce gars-là pour former nos jeunes joueurs, alors qu’on aurait pu avoir un DTN français et qu’on l’aurait appelé : centre de formation. Au lieu de laisser la LFC Academy prendre tous les meilleurs dès 11 ans, on aurait pu refaire tous les centres de formation bien comme il faut.

Vous voulez dire qu’il y a une concurrence entre les écoles de foot privées actuelles et la Liverpool Football Academy ?

P. d’Avrincourt : Exactement. Maintenant on a des centres techniques de formation (CTR), prenons par exemple l’école de foot de Terre-Rouge. Il y a un gars qui s’en occupe. Il ne reçoit aucune aide, aucun matériel. On va dire qu’on lui donne juste un terrain, deux ballons et 10 cônes ek dir zot trase ar sa. Mais moi ce qui m’énerve le plus, c’est que la Liverpool Football Academy va prendre 64 joueurs en catégorie U11 ou U12. Cela va faire quatre équipes de 16, disons des enfants nés en 2010. Ces 64 joueurs ont toutes les facilités d’entraînement, telles qu’un transport et le stade de Côte-d’Or, sauf qu’on a environ 2 000 enfants dans le pays à cet âge-là, qui ont envie de jouer au football mais on ne leur donne aucun moyen !

J.M. Ithier : Mais qui a mis tout ça en place ?

D. Periatambee : Chaque institution. La MFA et le ministère.

P. d’Avrincourt: Ce système de Liverpool Football Academy a été mis en place par le ministère des Sports. Alors que le système des CTR avait été créé à l’époque de François Blacquart.

D. Periatambee : C’est pour cela que je dis qu’il y a beaucoup d’incohérences. Liverpool c’est le ministère, mais en fait ce n’est pas une académie, c’est pour l’image de Maurice. C’est le nom Liverpool qu’on utilise. Quand on fouille un peu, cela sonne creux. Comment peux-tu appeler ton académie Liverpool, tu formes des joueurs, et après tu les envoie à Bastia, Brest, dans des équipes de 4e ou 5e division en France, ou aux Etats-Unis, comme on l’a vu récemment. Pourquoi tu mets autant de moyens ? J’ai assez d’expérience pour dire que tout cet argent là est jeté par la fenêtre, c’est n’importe quoi !

J.M. Ithier : Si on fait un organigramme, qui fait quoi entre la MFA et le gouvernement ? Où est-ce que la Liverpool Football Academy se situe là-dedans ? Ki to fer la toi ? Li pa cler ditou ! Si on s’asseoit autour d’une table et qu’on discute des objectifs de chaque acteur du foot mauricien, je pense que c’est la seule façon d’avoir une vision claire et nette. La population et les fans ont besoin de savoir où en est notre football et pourquoi ça ne marche pas.

Mais concrètement, pourquoi est-ce que Liverpool envoie certains de ses éléments dans les clubs que vous venez de citer ?

P. d’Avrincourt : Ecoutez, il y a un Français qui vit à Maurice qui fait des démarches pour que plusieurs joueurs, dont Julie Gopal, aillent jouer à l’extérieur. C’est lui qui fait toutes les démarches, pas la Liverpool Football Academy, mais le crédit leur revient juste parce que ces enfants portent un maillot de Liverpool et s’entraînent là-bas ! Mais Liverpool n’a rien fait dedans.

Pensez-vous qu’on pourra quand même voir un jour un jeune de la Liverpool Football Academy rejoindre l’équipe première des Reds à Anfield, comme en rêvent des centaines de parents mauriciens ?

P. d’Avrincourt : Non, pena simé ! Parce que d’après le contrat signé, ce n’est pas prévu. De ce que je sais, jamais un joueur des Liverpool Academy d’Egypte, Hong Kong ou du Japon ne sont allés s’entraîner au Liverpool FC.

D. Periatambee : C’est une question d’image, c’est tout.

P. d’Avrincourt : Au fait, si tu enlèves le logo de Liverpool, tu embauches le coach anglais et tu mets 108 millions de roupies dans la caisse chaque année, tu avances aussi non ? Parce que là tu donnes tout cet argent juste pour avoir le droit de porter le maillot de Liverpool ?

D. Periatambee : Le ministère fait juste de la comm’ quand il défend ce projet. C’est comme si moi quand j’étais jeune à l’AJ Auxerre, eux ils me formaient pour aller jouer à Paris. Si tu arrives en fin de contrat et que tu vas ailleurs ok, mais en gros quand on forme un joueur c’est pour qu’il joue dans l’équipe qui a investi sur lui.

Il n’y a pas que le projet de Liverpool. On a eu aussi un projet Benfica Football Academy, qui a disparu aussi vite qu’il était apparu non ?

P. d’Avrincourt: La MFA avait signé un protocole d’accord avec Benfica. Les gars avaient envoyé un entraîneur assez âgé, le professeur Ramos, pour coacher des gamins. Donc il s’est installé à la MFA à Trianon, il a commencé à travailler. On ne savait même pas ce qu’il allait faire. Il s’est occupé de séances d’entraînement pendant plusieurs mois. Mais enn sel coute zafer la nek teigne la meme. Sauf qui noun paye Benfica si pa comié cash ! Un seul joueur a été envoyé à Benfica, le gardien Prosper, un joueur très prometteur de 18 ans. Il a visité le club, il a fait quelques photos avec des joueurs du club et ensuite il est revenu à Maurice ! Le hic c’est qu’on ne vise pas plus loin que ça. Le problème c’est qu’il faut structurer notre formation et notre ligue. Ce n’est plus possible qu’en 2023 on ne joue que six mois et on a six mois de trêve.

Pour se maintenir en forme, on a aussi vu plusieurs ex-internationaux comme Mervyn Jocelyn et autres, être forcé de participer à des tournois foot5. Cela vous inspire quoi ?

P. d’Avrincourt: Malheureusement c’est comme ça. A un moment si on veut faire quelque chose, il faut que les gens à la tête se disent que le système n’est pas bon et qu’il faut le changer. Nous, les anciens, nous sommes disposés à aider si on fait appel à nous.

Il y a aussi ceux qui pensent que les anciens joueurs comme vous passent beaucoup de temps à critiquer sans rien apporter de concret. Qu’avez-vous à leur répondre ?

P. d’Avrincourt: On n’est pas des grandes gueules premièrement. On est là pour notre pays, deuxièmement. On a fait beaucoup pour notre pays, on l’a représenté en équipe nationale notamment, sans rien demander en retour. Maintenant, si l’île Maurice fait appel à nous, on est prêt à participer, donner un coup de main.

Que pensez-vous pouvoir apporter ?

J.M. Ithier : Moi je réponds à ceux qui disent que les anciens footballeurs comme nous critiquent trop par une question. Etes-vous satisfaits de la situation du football à Maurice ? Leur réponse dira tout. Car si quelqu’un me dit qu’il est satisfait, je dirais que c’est un détraqué. Nou pa la pou tap nou lédo. Nou tou nou envi Maurice remonté et fer bien dan football, mais kan tonn zoué football a enn certain nivo a l’extérieur, to capav apporte to lexpérience et to soutien au pays. Coach, management, marketing, c’est très vaste… Quand tu as joué à un certain niveau, tu vois certaines choses que les autres ne voient pas, que ce soit concernant l’arbitre, la VAR etc.

P. d’Avrincourt : Je pense que si vous posez la question à n’importe quel ancien joueur, ils vous répondront exactement comme nous. Concrètement, qu’est-ce qu’on peut apporter ? J’ai un certificat de formateur. Jean-Marc a son école de foot en Afrique du Sud. Désiré a joué au niveau professionnel en France. Je pense qu’on peut apporter beaucoup plus que tous ceux qui dirigent le football actuellement et qui n’ont même pas 1% de notre expérience.

D. Periatambee : Je crois qu’on a certaines compétences et une expérience du plus haut niveau q u ’ o n p e u t partager. La question que je pose c’est : depuis les années 90 et 2 0 0 0 quels joueurs sont allés en Afrique du Sud comme un Ithier ou un Bax, quels joueurs sont allés en formation à Auxerre comme moi, sans passer par une convention ou autre ? Personne. Pourquoi on n’a plus ça aujourd’hui ? Alors que maintenant il y a plus de facilités. Avant, c’était plus compliqué quand tu étais un joueur étranger. On a plus de relationnel dans tous les clubs mais aujourd’hui notre niveau est faible. Il y en a trop qui regardent sur les réseaux sociaux et croient que c’est facile de percer dans un centre de formation, mais c’est loin d’être le cas.

J.M. Ithier : Les jeunes talents mauriciens devraient peut-être viser un peu moins haut que l’Europe pour grandir et s’améliorer. Pourquoi pas aller en Afrique du Sud par exemple ? Cela leur permettrait de s’aguerrir un peu. Passer de Maurice à la France c’est un énorme gap. On n’est pas prêt.

Pourquoi les sportifs mauriciens percent moins en Europe qu’avant selon vous ?

D. Periatambee : Malheureusement, à Maurice, les athlètes n’ont pas de valeur.

P. d’Avrincourt : Moi-même je suis un ancien capitaine de Maurice mais quand je viens devant un stade je suis comme tout le monde, je paie tous les matches que je vais voir.

D. Periatambee : Vous rendez-vous compte que pour un ancien médaillé olympique, comme Bruno Julie, quel que soit le pays, c’est considéré comme quelque chose d’exceptionnel. Mais il est où lui aujourd’hui ? Ce n’est pas normal ! On a des athlètes comme Milazar et Buckland qui ont connu le très haut niveau mais qui ne sont pas honorés comme il se doit. C’est dommage… Le président de la MFA et le ministre des Sports ont fait beaucoup de mal au sport en général.