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Exportation des produits de l’industrie du textile: Maurice condamné à se réinventer et à monter en gamme
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Exportation des produits de l’industrie du textile: Maurice condamné à se réinventer et à monter en gamme
Parmi les éléments qui ont rendu inévitable ce changement de stratégie dans l’exportation textile figure la tentation chez de plusieurs grandes enseignes de constituer un stock de produits finis. Ce, par crainte d’une éventuelle rupture dans la chaîne d’approvisionnement, de la montée en puissance du commerce en ligne, qui met au chômage des intermédiaires commerciaux, de la prise de conscience des importateurs que le «Made in Mauritius» garantit des conditions respectueuses de l’environnement et des droits humains.
Les données sont on ne peut plus claires. Lors d’une conférence de presse, lundi, Sunil Bholah, ministre du Développement industriel, des petites et moyennes entreprises et des coopératives, a concédé que ces données imposent, tant aux acteurs du secteur manufacturier que du gouvernement, l’obligation de repenser l’avenir de ce secteur dans un monde perturbé par la guerre contre l’Ukraine et la pandémie de Covid-19.
Ces données se rapportent à la performance en exportations du secteur manufacturier pour la période qui s’étend de janvier à juin 2023. Un fait saute aux yeux : ce secteur peine à faire décoller, de manière satisfaisante, le niveau de sa performance, comparativement à la période correspondante en 2022. Si le niveau des exportations a été positif, avec une performance de Rs 24 milliards, celles-ci recèlent une hausse de seulement 2,4 %, comparativement à la période correspondante en 2022. Parmi les cinq sous-secteurs, seule la performance du prêt-à-porter et celle de la joaillerie ont été négatives. La baisse pour ces deux sous-secteurs a été de 14,3 % et de 7,11 % respectivement.
Les pays importateurs des produits du secteur manufacturier sont l’Afrique du Sud, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, avec une part de marché de 14 %, 13 %, 13 % et 10 % respectivement. Qu’à cela ne tienne, les producteurs et exportateurs du secteur manufacturier mauricien n’ont pas à s’inquiéter outre mesure car en termes de possibilité de croissance pour l’année en cours, le Fonds monétaire international, gardien de la stabilité du système monétaire international, n’a pas prévu de miracles. Car sa prévision de croissance pour les quatre principaux importateurs de produits des exportations mauriciennes pour 2023 indiquait que celle-ci allait osciller entre 0,3 % et 1,8 %, bien en deçà des résultats enregistrés en 2022 et qui se situaient entre 1,9 % et 4,1 %.
Si cette baisse de performance résulte d’une situation de récession d’où les économies mondiales tentent de s’extirper péniblement, Sunil Bholah a dévoilé l’identité des trois autres phénomènes qui ont fait leur entrée en scène et qui constituent un réel défi pour le secteur de l’exportation. Il s’agit du recours par les grandes enseignes à du stockage, par crainte d’une possible rupture dans la chaîne de livraison de produits du textile dans le futur, et de l’avancée soutenue du commerce électrique qui élimine le rôle des intermédiaires entre le vendeur et l’acheteur.
L’autre phénomène évoqué par le ministre : les acteurs du secteur du textile font tout pour se plier aux exigences des acheteurs de leurs produits, qui veulent voir de visu la mise en place des mesures concrètes pour que leur méthode d’opération ne constitue en rien une menace pour le monde de demain. «Ce phénomène de commerce électronique,soutient le ministre du Développement industriel, a définitivement pris de l’ampleur.»
Autant de facteurs qui imposent tant au gouvernement qu’aux acteurs du secteur des exportations la nécessité de revoir leur mode opératoire afin qu’il soit de plus en plus en harmonie avec une approche qui tienne compte de l’intérêt du monde de demain. «Tout ce que l’on est en train de faire aujourd’hui, c’est d’investir pour l’avenir pour que, quelle que soit la situation, nous parvenions à maintenir notre statut de marché d’approvisionnement préféré pour nos acheteurs traditionnels.»
La stratégie commerciale vers laquelle s’oriente le pays en termes d’exportation de textile consiste à quitter la gamme actuelle de produits offerts à la clientèle en vue d’exploiter davantage le potentiel des produits classifiés dans les gammes intermédiaires et supérieures. Il s’agit d’un positionnement où les exportateurs mauriciens peuvent disposer de plus de flexibilité pour justifier une hausse des prix de leurs produits.
Cela pourrait permettre aux entrepreneurs de disposer d’un outil susceptible de les aider à mieux faire face à l’inflation importée, dont les effets sur leurs opérations sont souvent irréversibles. Une posture qui requiert que le gouvernement fasse une révision de sa stratégie marketing et de promotion de la destination dans tous les pays importateurs du Made in Mauritius.
AGOA
Parmi les initiatives déjà mises en route, on note entre autres :
• L’entrée en scène de l’Economic Development Board, tête pensante du gouvernement en matière de conception de nouvelles stratégies de développement économique pour l’organisation de tournées de promotion de la destination mauricienne selon les nouvelles approches adoptées ;
• Le renforcement des cinq programmes d’aide dont le principal objectif est d’améliorer le niveau de compétitivité du Made in Mauritius sur les marchés étrangers ; l’un d’eux, le Freight Rebate Scheme (subvention sur le coût du fret), a permis le débours de Rs 126,4 millions au profit de 97 bénéficiaires ;
• L’élaboration d’un programme d’aide financé avec le soutien du Commonwealth Secretary afin de permettre aux entreprises du textile d’adopter les méthodes de production inspirées des avantages liés fournis par les technologies avancées ;
• La réalisation d’un projet financé par l’United Nations Environment Programme pour permettre aux entrepreneurs d’adopter des énergies qui ne représentent aucun danger pour l’environnement et le climat, et pour faire siens des vertus de l’économie circulaire en vue d’améliorer le niveau de productivité et de compétitivité ;
• Le projet de subventionner à hauteur de 75 % du montant requis pour qu’une entreprise parvienne à s’offrir un exercice d’évaluation, de contrôle et de vérification de son efficience dans le cadre d’un audit énergétique, et
• Le démarrage des pourparlers dans le cadre du renouvellement de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), qui offre de multiples avantages à des pays du continent africain pour entrer plus facilement sur le marché américain.
La durée des dispositions de l’AGOA arrive à terme en septembre. Véritable casse-tête, pour ne pas dire paradoxe, pour Maurice car le niveau de développement atteint par le pays l’exclut automatiquement de la liste des pays devant bénéficier des avantages de l’AGOA. Paradoxe, puisque privé de ces avantages, Maurice pourrait vite tomber de nouveau dans la catégorie des pays bénéficiaires de ces avantages. Question : le retrait de Maurice des pays bénéficiaires de l’AGOA ? Il s’agit d’un des dossiers les plus sensibles auquel Sunil Bholah voudrait apporter une solution. Lors de sa récente visite aux États-Unis, l’AGOA était sur la liste de ses priorités.
Si, en janvier-juin 2023, le soussecteur du textile et de l’habillement a connu quelques troubles, les acteurs des sous-secteurs non-textiles n’ont pas connu le même sort. Leur performance se situe à 15,1 %, contre 13,1 % pour 2022. Ils sont pour le besoin de la constitution des relevés statistiques classifiés dans trois catégories. Ce sont les sous-secteurs ayant trait aux produits à base de chair de poisson (hausse de 30 % en 2023), à la joaillerie (baisse par 7,1%), à la production de dispositifs médicaux et à la fabrication d’instruments de mesure du temps que sont les montres et les réveils. Le soussecteur consacré à la production de dispositifs médicaux n’a pas mal fait du tout, se permettant de surpasser la performance des autres sous-secteurs. Car le montant des exportations est passé de Rs 948 millions en 2022 à Rs 1 Md en 2023, soit une hausse de 9,7 %. C’est un sous-secteur qui n’a cessé de progresser.
Selon le témoignage d’un des plus importants fabricants de ces produits, et qui exporte vers l’Inde et les États-Unis, ses exportations vont presque doubler dans les années à venir. Cet opérateur, qui est en train de prendre toutes les dispositions pour honorer ses engagements de marché, se distingue par le fait que toute sa main-d’œuvre est locale. C’est un des sous-secteurs qui continue à se développer et qui dispose d’un avenir prometteur.
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