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Alcool : le paradoxe mauricien
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Alcool : le paradoxe mauricien
A Terre Rouge, le Centre d’Accueil recevra lundi prochain dix personnes pour des séances de réhabilitation résidentielle de neuf semaines. Huit de ce groupe de dix sont des alcooliques.
Ici, c’est surtout les toxicomanes qui venaient se reconstruire avant d’aller refaire leur vie au sein de leur famille. Tout cela est maintenant du passé. Aujourd’hui, ce sont surtout des jeunes alcooliques qui frappent à la porte de ce centre de réhabilitation.
« L’alcoolisme s’est aggravé ces derniers temps à Maurice et c’est une population d’alcooliques de plus en plus jeune – à partir de 13 ans – que nous essayons de traiter » explique Mario Ahsian, animateur du Centre d’Accueil de Terre Rouge.
Il ne croit nullement aux statistiques sorties cette semaine et qui parlent d’une réduction de la consommation d’alcool dans le pays.
« Je suis à Pointe-aux-Sables et il ne se passe pas un jour sans que je n’entende dire qu’un alcoolique de la localité a été soit hospitalisé aux soins intensifs, ou alors interné de force à Brown Séquard ou qui a été tué par l’alcool » affirme Mario Ahsian.
L’alcoolisme est progressif et fatal répètent psychiatres et travailleurs sociaux qui se sont attelés à la tâches d’aider les alcooliques à sortir de leur dépendance.
Tous affirment que des décès sont aujourd’hui courants dans la communauté des alcooliques du pays qui compte de plus en plus de femmes et de jeunes.
Hushna de l’ONG Alcooliques Anonymes, (centre de Curepipe) confirme également que la situation s’est aggravée avec des décès de ceux qui n’arrivent pas à freiner la progression de leur dépendance à l’alcool.
« J’ai commencé par le whisky. J’avais des moyens et je pouvais me payer une bouteille de whisky par semaine. C’était après la mort de mon mari. Puis c’est devenu une bouteille par jour. Quand je n’ai pas pu me payer la bouteille de whisky, j’ai migré vers le rhum, celui qui est le moins cher. Le rhum ferraille », explique cet ex-alcoolique qui aide aujourd’hui les femmes alcooliques à s’en sortir.
Le haut taux de décès des alcooliques de Maurice s’explique en partie par la consommation du rhum, explique médecins et psychiatres.
En effet, dès 2011, l’Organisation mondiale de la santé avait fait ressortir un phénomène mauricien dans son Global Status Report on Alcohol and Health.
Même si la consommation d’alcool à Maurice est inférieure à la moyenne mondiale, le taux de décès provoqué par l’alcool est plus élevé dans l’île, fait ressortir ce rapport.
Pour ce qui est de la consommation moyenne d’alcool, l’OMS arrive au chiffre de 3,7 litres d’alcool pur pour chaque mauricien de plus de quinze ans (hommes et femmes). La moyenne africaine est de 6,2 litres et la moyenne mondiale est de 6,13 litres d’alcool pur par an.
Or, dans plusieurs pays où les alcooliques consomment plus du double de la consommation d’un alcoolique Mauricien, le taux de décès reste inférieur à celui de Maurice.
La France qui a par exemple un taux de consommation d’alcool très élevé, les décès provoqués par l’alcool sont moindres que ceux qu’on constate à Maurice, car le Français consomme principalement du vin.
« La haute toxicité du rhum est un des facteurs du taux élevé de décès. Par ailleurs, le rhum provoque beaucoup plus de délires et d’hallucinations chez les alcooliques », explique le psychiatre Taroonsing Ramkoosalsing qui s’occupe d’un nombre important d’alcooliques dans sa consultation privée.
Le cardiologue Sunil Guness, directeur médical du Centre de cardiologie de Pamplemousses évoque lui les dégâts de l’alcool aux muscles du coeur, au cerveau, au foie et aux reins et il rappelle que beaucoup des alcooliques sont déjà diabétiques et hypertendus, ce qui aggrave les facteurs de risques.
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