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Alex Boraine (CJV) : « La question de réparation pour descendants d’esclaves a été abordée »

27 novembre 2011, 11:28

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Alex Boraine, président de la Commission Justice et Vérité (CJV, se montre peu loquace concernant la contenu de son rapport soumis au président de la République le vendredi le 25 novembre. Il laisse toutefois échapper que la question de réparation pour les descendants d’esclaves a bel et bien été abordée lors de travaux.

Vous avez à plusieurs reprises insisté sur le fait que les recommandations formulées par la Commission doivent très vite être appliquées. Est-ce dû au fait qu’on reproche souvent au Premier ministre d’être lent ?

C’est plus tôt par expérience que j’ai particulièrement mis l’accent sur la mise en œuvre rapide des recommandations qui ont été faites par les membres de la Commission. Je n’en suis pas à mon premier rapport, et, bien souvent, j’ai constaté que nos dossiers ont fini par moisir au fond d’un tiroir. J’attribue cela au fait que certains Etats pour lesquels j’ai travaillé étaient mal organisés.

Pensez-vous que Maurice est aussi mal organisée ?

Non, je ne le crois pas. Contrairement aux autres pays pour lesquels j’ai été mis à contribution, le gouvernement mauricien s’est montré d’une très grande aide, particulièrement le Premier ministre, Navin Ramgoolam, qui nous a accordé une confiance indéfectible. Maintenant, bien que nous espérons de tout cœur que nos mesures seront prises avec tout le sérieux du monde par le gouvernement, nous sommes conscients qu’il sera difficile d’appliquer toutes nos recommandations.

Pourquoi ce sera difficile ?

C’est la première fois que je me retrouve en train de travailler pour une Commission qui a pour but de corriger des erreurs qui ont été commises il y a 176 ans. Il est difficile dans ce cas-là de trouver les vrais coupables et les vraies victimes.

Justement quelles sont les mesures qui à votre sens mériteraient d’être prises au sérieux ?

Très bien essayé ! Mais comme je l’ai à maintes fois répété je ne suis pas en mesure de vous révéler le contenu de ce rapport qui doit d’abord être consulté par le président et ensuite remis au Parlement, au pis dans un mois.

Lors des séances d’audition, la Commission a enregistré plusieurs dépositions. Par moments très sensibles notamment sur les questions d’ethnicité. N’avez-vous pas peur que ce rapport vienne réveiller de vieux démons parmi les différentes composantes de la société ?

Je tiens à préciser que nous avons été mandatés par le Premier ministre pour servir la cause de l’unité nationale. Parmi nos différents objectifs, figure aussi la correction de certaines erreurs du passé. Malgré tout ce qui peut être dit sur votre pays, j’ai le plaisir de constater que les différents groupes ethniques cohabitent à merveille, tout en étant conscient qu’il existe un fossé entre différentes communautés. Notre rapport a ainsi été rédigé pour réduire le fossé qui peut exister entre différents groupes.

Qu’elles sont les leçons que vous avez tirées de ces sensibilités ethniques lors des auditions ?

Malgré que les Mauriciens prétendent vivre en harmonie, certains groupes se sentent un peu plus désavantagés que d’autres. Nous avons recueilli des témoignages très émouvants qui reflètent bien cette peine.

Et quels sont ces groupes qui se sentent lésés ?

Je ne vais rien vous apprendre de nouveau en vous disant que ce sont les Créoles. A juste titre. Il est flagrant que ce sont les Créoles qui sont les plus désavantagés. Il faut avouer que l’histoire n’a pas été très généreuse envers eux. Je vais d’ailleurs vous faire part d’une confidence, la commission a émis une série de recommandations pour corriger ces erreurs.

Est-ce que la question de compensation en faveur des descendants esclaves a été abordée par la commission ?

Je n’aime pas le terme compensation. Je préfère en revanche utiliser le terme réparation. Oui la question de réparation a été longuement abordée par les membres de la commission. Permettez-moi à présent de réagir aux propos tenus par le leader des Verts Fraternels, Sylvio Michel, qui menace d’avoir recours à une grève de la faim. Je dois d’abord dire que nous avons apprécié les recommandations qu’il nous avait fait parvenir. Le combat de Sylvio Michel en faveur des descendants d’esclaves me laisse très admiratif car je sais qu’il mène une lutte de longue haleine. C’est pour cela que je lui conseille de lire le rapport avant de prendre des décisions trop hâtives.

Il vous a fallu deux ans pour rédiger ce rapport. Etait-ce aussi difficile que cela ?

Cela a été un des plus durs rapports qu’on m’ait demandé de rédiger. D’abord, parce que ce ne fut pas évident d’avoir accès à vos archives qui se trouvent en très mauvais état. Ensuite, comme j’en ai fait mention plus tôt, on nous demande de réparer des erreurs qui ont été commises il y a plus d’un siècle. Pas évident de trouver les vrais coupables. Les preuves sont quasi inexistantes.

N’avez-vous pas des appréhensions que les conclusions du rapport peuvent être utilisées comme instrument politique par certaines personnes ?

C’est une question sur laquelle je me suis déjà penché. C’est pour cela que je lance un appel auprès des politiciens pour ne pas faire de ce rapport un instrument politique. Ce rapport doit être utilisé pour le progrès du pays.

Quelle solution proposez-vous au gouvernement pour que les recommandations soient appliquées comme il le faut ?

Les conclusions de ce rapport mettent en lumière les failles de votre pays. Elles abordent aussi certaines solutions. Mais toutes ces recommandations ne pourront être mises en œuvre immédiatement. Je suggère à Navin Ramgoolam d’instituer un comité qui sera géré par l’Etat pour s’assurer à ce qu’il y ait un suivi de nos propositions.