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André Bonieux Interview « Country Senior Partner » , « PricewaterhouseCoopers » ( PwC) Maurice
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André Bonieux Interview « Country Senior Partner » , « PricewaterhouseCoopers » ( PwC) Maurice
Pourquoi PwC réalise- t- elle une étude sur l’Afrique ?
The Africa Business Agenda est une enquête que PwC réalise pour la troisième année consécutive auprès des CEOs africains. Pour nous, ce qui est important, c’est de bien comprendre l’environnement dans lequel nous opérons.Une manière de le faire est d’interviewer les chefs d’entreprises, soit des gens qui vivent au quotidien leurs activités économiques et qui sont appelés à prendre des décisions au niveau de leurs entreprises, décisions qui affectent à leur tour le développement de leur pays. Il y a des leçons à tirer en s’appuyant sur les résultats de cette enquête. A savoir que le potentiel économique de l’Afrique est réel et qu’il est vécu par la majorité des entreprises africaines aujourd’hui. Face à la situation économique qui ralentit à Maurice, il est bon de savoir que nous avons un voisin de taille qui est en pleine croissance. Certes, il est évident que nous nous posons des questions sur ces nouvelles opportunités de croissance à saisir en Afrique.Aujourd’hui, le message qu’on veut faire passer est que l’Afrique est le nouveau moteur de croissance et qu’il appartient aux entrepreneurs locaux de se positionner pour prendre avantage de ces possibilités de développement. Tout en sachant qu’il existe un certain nombre de risques, souvent différents du contexte mauricien, mais propres à l’Afrique, que les investisseurs doivent être appelés à prendre et à gérer.De ce fait, il est important, comme souligne le rapport, d’investir dans les ressources humaines, dans des structures de contrôle de risques, dans des outils de gestion appropriés ou encore dans des partenariats pour pouvoir mieux gérer ces risques inhérents au continent africain.
L’Afrique est composée de 54 états, avec des niveaux de développement différents.Quelle partie du continent peut intéresser nos chefs d’entreprises ?
Je ne veux exclure aucune partie de l’Afrique parce que les Mauriciens ont été, dans le passé, des entrepreneurs aventuriers.Nous connaissons l’usine de TPC du groupe Ciel , en Tanzanie, qui est un exemple de réussite commerciale, de même que Sucrivoire de Terra en Côte d’Ivoire. Parallèlement, nous connaissons des investissements en élevage de poulets au Mozambique et en Angola. Les Mauriciens ont investi et en Afrique de l’Est et en Afrique de l’Ouest. Ce que j’ai envie de dire, c’est qu’il faut rester ouvert, mais vigilant face aux opportunités d’investissement en Afrique. Cela dit, je constate que l’Afrique de l’Est reste probablement la zone géographique préférée pour des raisons liées à sa proximité et à l’influence anglaise, notamment au niveau des langues parlées et des lois existantes.
Est- ce le bon moment pour investir en Afrique ?
Probablement, et on est en retard. Des investisseurs venant des états émergents sont déjà présents. Les Chinois investissent dans la téléphonie et dans des compagnies minières. Or, les investisseurs mauriciens n’ont ni les capitaux ni le savoir- faire pour investir dans l’exploration minière. L’agriculture a été le secteur d’investissement traditionnel. Il y a aussi eu l’hôtellerie avec IBL qui avait racheté des chalets en Zambie, mais elle s’est depuis retirée du secteur.Aujourd’hui, nous avons les services financiers et la téléphonie, car avec Mauritius Telecom et Emtel, nous disposons d’un savoir- faire pour conquérir de nouveaux marchés en Afrique.Donc, il y a des secteurs où les Mauriciens sont plus à l’aise et dans lesquels ils pourront investir, mais la concurrence est rude.Nous avons traditionnellement été des investisseurs en Afrique. Aujourd’hui, il faut bien identifier de nouveaux créneaux économiques et de bonnes structures pour pouvoir assurer le succès de nos investissements. L’expérience TPC en partenariat avec le gouvernement tanzanien reste un modèle à suivre.
Revenons au budget 2013. Le ministre des Finances a- t- il une certaine marge de manoeuvre par rapport aux objectifs budgétaires initialement fixés ?
Comme pour tout budget, la marge de manoeuvre du ministre des Finances sera restreinte.Surtout en cette période de ralentissement économique, où les recettes fiscales vont probablement être inférieures à celles budgétées. Quand le ministre prévoit une croissance de 4 %, et si celle- ci baisse à 3 % ou 3,5 %, l’impact de cette baisse sur les recettes fiscales devra forcément être négatif. Toutefois, cette année, le ministre a prévu le Voluntary Disclosure Incentive Arrangement ( VDIA), ce qui permettra d’engranger un peu plus de revenus. Nous verrons au discours du budget, le succès, ou pas, du VDIA. Le ministre n’aura donc pas un grand choix. Au niveau de recettes fi scales, on ne peut probablement pas s’attendre à des changements majeurs et donc au niveau des dépenses, je ne pense pas qu’il pourra faire de cadeaux à la population. J’ai presque l’impression que ce budget pourrait être un business as usual . Mais j’espère que le ministre va nous surprendre. Toujours est- il que nous espérons que le ministre ne va pas pénaliser les contribuables en augmentant les taxes. Concernant le National Resilience Fund , nous ne savons pas combien de fonds ont été dépensés. Il est clair que si tout ce montant n’a pas été utilisé, il est possible que le ministre ait une marge de manoeuvre.Par ailleurs, je pense personnellement que la Taxe sur la valeur ajoutée ( TVA) à 15 % et l’ Income Tax à 15 % sont d’un niveau tout à faire raisonnable. D’ailleurs, dans toutes les références internationales établies par la Banque Mondiale, Maurice est considéré comme une des juridictions les moins taxées au monde. En revanche, le ministre des Finances pourrait éventuellement intervenir sur les taxes foncières. Je suis de ceux qui pensent que le secteur de la construction et de l’immobilier peut devenir la locomotive de notre développement économique.Toutefois, ce secteur est aujourd’hui lourdement pénalisé par diverses taxes foncières qui sont relativement fortes. Je pense notamment aux 5 % de Registration Duty sur l’enregistrement d’un bien des 5 % ou 10 % de la Land Transfer Tax sur la valeur des terrains et des bâtiments aux 20 % sur le transfert des baux qui , rappelons- le, ont été ramenés aujourd’hui à des taux économiques ou encore à l’ Income Tax sur les plus- values enregistrées. Je pense que le ministre peut envisager un soulagement avec un réalignement de certaines de ces taxes. Je vous rappelle un vieux dicton : « Quand la construction va, tout va ! »
Estimez- vous qu’il y a encore des rigidités dans le système économique ?
Nous avons énormément de rigidités dans de nombreux secteurs à Maurice, que ce soit au niveau de l’allocation des baux des terres de l’Etat ou encore aux projets d’investissement dans certains secteurs.Ceux- ci ne sont pas ouverts à la compétition et souffrent donc d’un manque d’investissements Ils font aussi l’objet d’une trop forte réglementation. Il faut réformer en profondeur les rigidités qui bloquent les nouveaux opérateurs et qui protègent le statu quo. La vraie réforme, c’est de continuer à ouvrir le pays aux investisseurs étrangers et aussi à libéraliser un nombre de secteurs d’investissement. Je pense au transport public, à la STC, au trafic aérien, à la distribution d’eau ou encore aux services portuaires, sans oublier la réglementation des IRS et RES, en passant par le droit à la terre pour les étrangers et les démarches pour les permis de travail et de résidence. Ce sont souvent des chasses gardées.Si le gouvernement est sincère, il faut s’y mettre et procéder à ces restructurations. C’est cela que le pays a plus besoin, au lieu la baisse de telle ou de telle taxe.
Prend- on les mesures qu’il faut pour atténuer les effets de la crise sur les principaux secteurs économiques du pays ?
Il faut d’abord se demander si les problèmes économiques de Maurice sont dus à une mauvaise gestion à Maurice ou à des problèmes économiques chez nos partenaires. La réponse est sans équivoque. Nous avons des problèmes parce que nos partenaires économiques souffrent d’une grave crise économique. C’est aussi simple que cela. De ce fait, je ne vois pas comment notre Banque centrale, qui a pour mission de juguler l’inflation, peut être blâmée pour la situation économique du jour. A ma connaissance, baisser le taux directeur n’aura pas un impact linéaire sur la roupie. Il y a nécessairement un juste équilibre à trouver.Personnellement, je pense que l’équilibre que la BoM essaie de trouver en ce moment est probablement le bon. Quand on dit qu’il faut améliorer la gestion économique, je dois avouer que je ne sais pas ce que la Banque de Maurice pourrait faire davantage.Car j’insiste que la baisse des taux d’intérêts ne va avoir de grands effets sur la roupie. Pour ce qui est de mesures monétaires, la marge de manoeuvre est très restreinte. Quant aux mesures fiscales, il faut se demander si nous voulons demander au ministre de voter un budget largement déficitaire, comme les pays européens l’ont fait. A tel point que tout le monde perdra confiance dans la roupie qui commencera alors à glisser. Ce n’est certainement pas une politique à laquelle je suis favorable, et je dirais même que cela ne peut être qu’une démarche irresponsable. D’ailleurs, chez PwC, nous avons toujours félicité les ministres qui ont proposé des budgets en équilibre ou légèrement déficitaires.
 
 
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