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Arvin et Satyajit Boolell : La fierté de leur père

2 mars 2010, 10:29

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L’express ID publie un des portraits croisés des frères Boolell. Arvin est ministre des Affaires étrangères et Satyajit, Directeur des poursuites publiques.

 

La vie de mon frère, tant sa vie publique que sa vie privée, est un livre ouvert. Il est à l’aise avec les gens. Il me rappelle ces mots d’une chanson : «Wherever he lays his hat is his home». Je considère  cette ouverture aussi bien comme sa force que sa faiblesse. C’est un politicien sans agenda, un médecin sans cabinet. Il parle avec son coeur.

Il est convaincu que c’est le chemin à emprunter et il a eu raison la plupart des fois. Il est  totalement sans prétention. Il est lui-même et il ne ressent absolument pas la nécessité de prendre un  air quelconque.

«What you see is what you get». C’est un politicien dans le sens authentique du terme un serviteur du  peuple, «and in that sense, he is selfl ess». Arvin est de quatre ans mon aîné. Ma mère m’a dit que  c’était un enfant miraculeux. Elle avait perdu deux enfants en couches et avait écarté tout espoir de  donner la vie. Ainsi, la naissance d’Arvin fut un événement exceptionnel dans la famille. Il y eut une  grande fête et un bhandari (groupe de musiciens) fut convoqué. A cette époque, la famille était une  large entité constituée de tous les enfants de ma grand-mèreles six-et leurs enfants.

Arvin fut instantanément adopté par tous. Premier fi ls de Somduth - c’est ainsi que mes oncles et  tantes appelaient mon père - Arvin avait un sourire désarmant qui, aujourd’hui encore, si je comprends  bien, peut briser des coeurs. Il était l’enfant de tous : du chauffeur, du jardinier, des bonnes, de la famille, des voisins. Et je suppose que, maintenant encore, ce sentiment d’appartenir à tout un  chacun est un trait prédominant de sa personnalité.

Cela explique aussi, dans une large mesure, pourquoi il est aussi dédié aux gens : oncles et tantes,  neveux et nièces, mandants et non mandants. C’est un papa poule. S’il y a un problème au sein de la  famille, c’est lui l’intermédiaire, le médiateur.

Je n’ai jamais entendu personne parler de lui en mal. Ses adversaires peuvent être en désaccord avec  lui mais il n’y a jamais eu d’animosité ou de haine. C’est le meilleur ambassadeur possible de l’école  de la thérapie du rire. Nous avons grandi à St- François et au Ward IV. Grandir dans ces quartiers de Port-Louis voulait dire que nous avions l’avantage de croiser des gens de religions, cultures, classes  et statuts différents. Nous avons aussi appris l’importance des valeurs humaines. Arvin aimait porter  le dhoti quand il était enfant et j’ai encore une photo de lui ainsi vêtu. Je ne suis pas surpris que  mon frère puisse parler aux foules sans perdre sa vertu «and walk with kings without losing the common  touch».

Notre enfance fut marquée par la présence de cousins plus âgés. Il y avait ces matchs de foot  légendaires qui ramènent tant de bons souvenirs. A l’occasion, nous disputions des courses dans le  jardin de St-François. Il y eut aussi une compétition de sapsiway et Arvin impressionna chacun par son habileté.

Lorsque j’étais encore trop jeune, Arvin et mes grands cousins ne voulaient pas que je les accompagne  au terrain de foot. Ils jouaient pour les équipes du Collège Royal de Port-Louis et du Cadets Club.

Nous avons par ailleurs grandi entourés des livres de mon père, de la vie politique et de ses mandants  ainsi que d’une foule bigarrée qui rendait visite à ma grand-mère. A cette époque, la politique était  menée sur la varangue de la maison coloniale et il n’y avait pas de ligne de partage entre public et privé.

La politique ne fut, sans doute, pas juste envers ma soeur Mira, envers Arvin et moi elle troubla  notre vie familiale, n’épargnant pas notre intimité ! Mais c’estainsi que les choses étaient et, quand  des gens venaient de loin, ils étaient toujours accueillis. Peu de gens savent qu’Arvin, encore  enfant, gribouillait sur un morceau de papier lorsque notre père recevait ses mandants. Je me souviens  aussi que nous jouions sous le bureau où mon père travaillait. Nous aimions suivre les matchs de lutte  et de foot et, après la lutte, nous commencions la nôtre.

Je ne fus pas surpris qu’Arvin choisisse d’étudier la médecine et encore moins qu’il s’engage en  politique. Mon père n’était pas favorable à cette dernière décision, disant toujours à Arvin «dimounn  pou explwat twa. Konsantre lor to profesion». Mon père était toujours inquiet à son sujet. A ses yeux,  Arvin restait un enfant et c’est ainsi qu’il le traitait.

Quand Arvin était Backbencher et mon père vice-Premier ministre, je me souviens qu’il n’hésitait pas à  critiquer le gouvernement auquel appartenait papa. Son élection et ses réélections dans sa  circonscription n’ont été possibles que du fait que c’est un «hard worker».

Quand mon père fut décoré à titre posthume, Arvin n’a pas assisté à la cérémonie au Réduit, restant au  Parlement, parce qu’il considérait que cela était prioritaire. Il a souvent été absent à l’occasion  d’événements familiaux parce qu’il était retenu dans sa circonscription. Il est totalement dédié à son travail et je ne peux imaginer d’autre politicien passant tant de temps avec ses mandants. Lorsque  j’ai exercé comme Parliamentary Counsel, je fus impressionné de voir combien il travaillait dur à  l’Assemblée nationale, défendant son parti quand il était maigrement représenté au Parlement. Il est à  n’en point douter une personne spéciale, un père aimant. Malgré ses engagements exigeants, il trouve  toujours le temps de s’enquérir de mes enfants et de suivre leurs progrès. En fait, il trouve du temps  pour tout un chacun.

Cela fait très longtemps que nous avons décidé de tenir nos vies professionnelles à distance l’une de  l’autre… en restant toutefois des frères.

 

Satyajit Boolell


Ajit, c’est le bébé de la famille… le chouchou de maman et de ma grand-mère. Cette dernière a été très  impliquée dans le social, notamment au Gaya Singh Ashram. Il y avait une réelle complicité entre ma  grand-mère et Ajit. Beau gosse, il s’attirait, en quelque sorte, l’affection de tous. Il est surtout le benjamin.

Moi, je suis l’aîné et notre soeur Mira la cadette. Elle est l’épouse de Sushil Khushiram, l’actuel  Country Director de la Banque Africaine de Developpement en Egypte. Très bon footballeur, Ajit faisait  partie du Junior Cadets Club, avec un certain Devanand Rittoo. Il a aussi eu un parcours académique remarquable. Apres le Collège Royal de Curepipe, il a intégré le Holborn Law Tutors pour ensuite faire  de l’économie à l’Université d’Essex. Après un Conversion Degree, il a fait le Bar. Pour fi nir, il a  obtenu un Master of Laws (LL.M.) Cette passion pour le droit, il l’a doit à papa, qui avait suivi  cette fi lière. Mon frère était très proche de Sir Satcam. Ce dernier avait une faiblesse pour sa fi lle Mira, mais une grande admiration pour Ajit. They were emerging… une vraie fi erté.

En fait, c’est Ajit qui était le plus intéressé par la chose politique, alors que moi, le déclic ne  m’est venu que pendant mes études supérieures. Alors qu’il n’était qu’un jeune collégien, mon frère a  fait, avec papa, des campagnes électorales.

Au fi nal, Ajit est très habité par son métier. Mon frère et son épouse sont complémentaires. En tant  que couple, mais aussi en tant qu’amis. Lui a fait du droit fi nancier, elle du droit commercial. Ils  sont vraiment sur la même longueur d’ondes. La femme d’Ajit, Milou, est comme une petite soeur pour moi. Femme de caractère, elle est toujours aux petits soins pour les autres. Je les admire tous deux.

Ceci étant dit, Ajit n’est pas un ange non plus. Il a un certain franc-parler. Contrairement à moi qui  suis plus fl exible. Dans la mesure du possible, j’essaie de trouver une solution à l’amiable à un problème donné. Alors qu’Ajit est beaucoup plus tranché.

Un souvenir qui me fait encore frissonner rien que d’y penser, c’est quand on habitait à la rue  Bancilhon. Papa était en mission ministérielle. A la demande de maman, Ajit tentait de fermer une  fenêtre. Pour ce faire, il était monté sur la balustrade. Mais il a glissé et est tombé sur la tête.

J’ai entendu maman hurler : «Mon fi ls est mort.» Je prie encore qu’il ne lui soit rien arrivé. Je me souviens également de la fois où il était parti avec mes parents en Inde. C’était après les  élections de 1976, il devait avoir quatorze ans. Ajit est revenu… transformé. C’est comme s’il s’était  imprégné des valeurs traditionnelles, ancestrales et était en proie à une certaine spiritualité. Ce  qui me fait penser qu’Ajit est sans conteste le plus émotionnel de la famille. Mais il est aussi protecteur et caring. Il tient cela de maman. Elle était celle qui réunissait toute la famille, la  matriarche en quelque sorte, notamment après le décès de ma grand-mère paternelle.

Maintenant, c’est ma tante, madame Buckhory, qui a pris la relève. Ajit fait preuve d’une très grande  rigueur en matière d’ordre. Alors que moi, je suis si mauvais gestionnaire en matière fi nancière et  administrative. Comme je suis en train de faire construire ma maison, Ajit me demande souvent - sans  m’offusquer ou me brusquer - si la maison est convenable, ou pas trop grande, ou encore de vérifi er mes comptes, etc. Là où l’absence de notre père se fait sentir, Ajit est là pour remplacer la fi gure  paternelle. Par contre, en matière d’enfants, c’est moi qui prends le relais pour conseiller et jouer les médiateurs s’il y a des disputes entre les jeunes. Ainsi, la fi lle aînée d’Ajit, qui faisait du  droit, ne voulait plus poursuivre dans cette voie et voulait changer de fi lière. Je suis intervenu et  elle a fi ni par faire de la sociologie.

Ajit et moi avons grandi dans le quartier de St-Francois, à Port-Louis, côtoyant les Finette, Mallam,  Navin, ou encore les familles Sooben et Heeramun. C’était un carrefour de culture, avec le temple,  l’église, le Madrassah. Non loin de chez moi, à une cinquantaine de mètres, se trouvait un puits où maman se rendait le soir pour prier. Cet endroit a une force impressionnante j’y vais encore quand je me sens un peu down.

On avait, à l’époque, ce qu’on pouvait appeler un bon voisinage. Hélas, avec la montée des instincts politiques et partisans, le communalisme a pris de l’ampleur, créant des effritements. Durant cette période de healing, après l’indépendance, le rôle de mon père a été primordial si on peut dire. En prônant une grande réconciliation, notamment en faisant collaborer le secteur privé, ce qui a d’ailleurs porté ses fruits et a fait décoller le pays. C’était une période enrichissante de développement social et économique, de création de la zone franche, mais aussi de grèves… Mon père a eu un parcours de combattant incroyable. Nous avons été bercés dans ce monde où les idées prévalaient.

Concernant les débats sur la peine capitale en ce moment, je ne peux pas me prononcer sur la vision de mon frère à ce sujet. Ceci étant, it’s not the sine qua non. Il est vrai que, dans le temps, je tenais un discours contre la peine capitale. Cependant, il faut prendre en considération tous les aspects. Maurice a un potentiel, et est doté d’une stabilité politique, en sus d’une mosaïque de cultures.

Notre pays est devenu une vraie plaque tournante, mais certainement pas pour la drogue. Nos valeurs démocratiques et notre engagement nous dictent une conduite qui est de protéger notre pays, la nation mauricienne, d’un fl éau qui pourrait amener des bouleversements. I’m worried, mais je fais confi ance à la justice mauricienne.

 

Arvin Boolell

(source l''''''Express quoditien)

 

 

par Arvin et Satyajit Boolell