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Baie-du-Cap : Des destins sur un terrain glissant
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Baie-du-Cap : Des destins sur un terrain glissant
Cela fait près de deux décennies qu’une vingtaine de familles vivent sur le flanc de la montagne Ruisseau, à Baie-du-Cap. Malgré les dangers que cet emplacement, elles sont déterminées à y rester.
Habituées au fait de vivre à flanc de montagne, en dépit de tous les inconvénients que cela représente, surtout en période de grosses pluies, une vingtaine de familles de Baie-du-Cap ne peuvent s’empêcher, pour autant, de craindre pour leur vie. Or, si elles se sont plaintes de cet état de choses auprès des autorités, elles se retrouvent désormais face à un dilemme car la solution qui leur a été proposée est celle d’être relogées à Saint-Martin.
Leur vie à montagne Ruisseau, ces familles composées, pour la majorité d’entre elles, de pêcheurs, de jardinières et de femmes au foyer, y tiennent. Surtout qu’il s’agit de terres qu’elles ont acquises, à raison de six perches chacune, il y a de cela deux décennies maintenant. À cette époque-là, se souviennent-elles, certaines conditions étaient associées à l’allocation desdits terrains, tel l’aménagement d’infrastructures essentielles. Néanmoins, entretemps, rien n’a été fait.
«Nou sipose pe res dan enn site me pena simin ni lalimier narnien», déplorent les habitants. Autant de manquements qui, à leurs dires, vont à l’encontre de ce qui a été stipulé dans les contrats de vente. En guise de chemin, pour faciliter les va-et-vient des habitants, les autorités ont doté le sentier menant à leurs maisons de marches, 64 au total. «Nou bizin mont 64 mars pou amenn materio. Li pa normal, nou gagn boukou traka», fait cependant remarquer Marie France Genave qui vit là dans un logement précaire,avec son mari.
Des marches improvisées mènent à la maison d’Eole Eliane.
Quelque peu privilégiés par rapport à la plupart de leurs voisins qui doivent toujours se contenter de bicoques de tôle et de bois, Hesna Perla, son mari et leurs cinq enfants ont pu, grâce à l’aide de l’État, obtenir une maison en dur, eu égard aux risques accrus auxquels ils étaient exposés. Toutefois, même s’ils sont rassurés d’avoir un logement solide, il n’est pas toujours aisé, pour les Perla, de faire bouillir la marmite. En toute franchise, la mère confie : «Kan pena manze,nou dimann bann vwazined nou. Kan pa kapav, paavoy bann zanfan lekol.»
Outre la pauvreté, telle une épée de Damoclès, la menace que font peser les risques d’éboulement sur les familles de montagne Ruisseau occupe sans cesse les esprits. Et pour cause : un peu plus haut, un imposant rocher surplombe leurs habitations et la possibilité qu’il se détache pour leur rouler dessus n’est pas exclue. «Nou per pou nou bann zanfan»,lancent les habitants alors qu’ils sont également très incommodés par la boue et l’eau qui dévalent la pente quand il pleut à verse. «Delorant dan lakaz», dit ainsi Rosemay Dardane qui a dû creuser un canal près de sa maison pour faire partir l’eau. Quant à Françoise St.-Flore, elle raconte, inquiète, un incident survenu en janvier de l’année dernière : «Mo mariti lakaz ek bann zanfan kanlinn tann enn tapaz ; enn rosinn sorti lao inn roule, innvinn bat ek mo lakaz. Linnfer enn trou.» Cependant, même Françoise ne veut pas entendre parler de déménagement ; elle souhaite simplement que les autorités sécurisent les lieux pour qu’ils puissent enfin avoir l’esprit tranquille.
Rosemay Dardane montrant son toit qui coule.
Chez Eole Eliane, la situation n’est guère mieux : des blocs de ciment ont été maladroitement agencés pour constituer un escalier tandis qu’elle s’est retrouvée forcée de construire une pièce en béton afin de se mettre à l’abri des éboulements.
«Mo lakaz pe pouri»
Sa voisine, Sylvie Lamoureux, âgée de 64 ans, a pour sa part la responsabilité d’élever seule son petit-enfant. Au moment de notre visite, elle s’apprête à cuire «lisou ekpwason sale» et avoue : «Mo lakaz pe pouri ; ena karia partou, monn bizin bous trou ar papier zournal ek karton.» Un ami s’est porté volontaire pour planter des roches dans la terre à proximité de son domicile en prévision d’éventuels glissements de terrain.
La famille Perle est elle aussi profondément attachée à ce lieu qui l’a vu s’agrandir, au fil des années. Aujourd’hui, elle comprend quatre ménages et le groupe d’habitations qu’ils occupent – en piteux état – est dissimulé par une simple terrasse en dur, joliment aménagée. Une représentante de la famille, Marie Michèle, confie : «Kan mo pas lasir anba, delo balay tou ale». Les Perle éprouvent certes de la honte face à leurs conditions de vie mais ne voudraient pas, eux non plus, avoir à se déplacer. «Nou pa le zot bouz nou depi isi.»
En plus du déracinement que cela représenterait, à Saint-Martin, ce ne sont pas six mais trois perches de terrain qui leur ont été promises, ce qu’ils ne peuvent accepter : «Nou finn paye pou sa later la toule lane. Nou pa anvi viv dan kazot poul enn lor lot.»
Un précédent article (voir l’express du 27 janvier 2014) faisait état de l’inquiétude du ministre du Logement et des terres, Abu Kasenally concernant les risques auxquels sont exposés les habitants de montagne Ruisseau. Risques confirmés par une étude réalisée par un expert japonais. Le ministre déclarait, à cette occasion : «On va essayer de trouverdes solutions dans le dialogue.» Seul l’avenir nous dira si les parties concernées auront su trouver un terrain d’entente.
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