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Bhooshan Ramloll : « Les taxes sont en train de tuer le secteur du bâtiment »

12 septembre 2011, 11:35

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Le président de la Building and Civil Engineering Contractors Association (BACECA) nous parle de la situation dans le secteur du bâtiment tout en soulignant les points majeurs de la relance du marché et la compensation salariale.


Le secteur du bâtiment fonctionne-t-il au ralenti ?

Il n’y a pas eu vraiment de croissance dans le secteur du bâtiment cette année. Selon le Bureau central des statistiques, elle devait être de 1 % cette année. Or, je ne suis même pas sur qu’on arrivera à ce taux, alors qu’en 2008, on était à 8 % de croissance. L’année prochaine, il se peut même qu’il y ait une contraction du marché. Le gouvernement a mis trop de taxes sur ce secteur : Capital Gains Tax, Land Transfer Tax, taxes sur les dividendes. Il faut aussi compter la hausse des frais d’enregistrement. Ces taxes ont fini par tuer le marché. Il faut éliminer les taxes il y en a trop. Cela fait peur. Ces taxes représentent 20 % du prix de vente d’un bien immobilier. Les intérêts sur les emprunts ont augmenté. La capacité d’emprunter est limitée. Le marché l’est aussi. Des 550 000 personnes qui travaillent dans ce domaine, 240 000 sont dans les petites et moyennes entreprises. Tout cela nous affecte. Le coût de la main-d’œuvre devient plus cher. Sans compter l’absentéisme.

Le gouvernement irait donc dans une direction opposée à ce que la BACECA pense ?

Au lieu d’aller vers un agrandissement du marché, le gouvernement, avec ses taxes, va dans la direction contraire. Il y a eu un manque total de communication entre l’Etat et les opérateurs du bâtiment, secteur qui est pourtant un stakeholder majeur. Au cours des 12 derniers mois, il n’y a eu aucune communication entre le gouvernement et nous, alors que le secteur tourne au ralenti. Même le Board of Investment n’a pas songé à discuter avec nous. Il est urgent de dégager une nouvelle stratégie et relancer le marché. Il est important d’élaborer un plan d’urgence pour les trois prochaines années.

Comment voyez-vous la concurrence des compagnies chinoises, qui augmente de plus en plus ?

Nous ne sommes pas contre la concurrence. Mais, les compagnies mauriciennes doivent avoir accès plus facilement à la main-d’œuvre étrangère, notamment chinoise, qui coûte moins cher et qui est plus disponible. Il faut que le gouvernement revoie sa politique envers les compagnies étrangères. Il ne faut plus leur donner de nouveaux permis pour s’installer à Maurice. Ce qui donnerait bien plus de chances aux constructeurs mauriciens. Il faut stopper les permis.

Est-ce qu’il y aura des contrats pour nous l’année prochaine ? L’investissement privé est en baisse. Nous sommes dans une impasse. Il y a Rs 5 milliards de projets qui attendent le feu vert du gouvernement pour démarrer. Le gouvernement doit agir rapidement.

Comment s’annonce 2012 ?

Très difficile, surtout avec problèmes économiques en Europe et aux Etat-Unis, et leur impact sur le marché mauricien. Le pessimisme s’installe. C’est une attitude de wait and se qu’adoptent les promoteurs. Les agissements politiques sur le plan local n’arrangent pas non plus les choses. Les gens se posent des questions avant d’investir.

Comment relancer le marché ?

Il y a, par exemple, un manque de maisons pour les middle income earners. On pourait avoir un partenariat public-privé pour les Housing Schemes à leur intention. Il y a au moins 10 000 demandes actuellement pour des maisons. Il faut aussi songer à aller bien plus vers les Green Buildings, qui peuvent bénéficier d’une subvention gouvernementale.

Vous aviez proposé que les compagnies étrangères soient en partenariat avec des compagnies mauriciennes pour obtenir un contrat, même si le projet est financé par un gouvernement étranger…

Cette proposition n’a pas fait son chemin. Le gouvernement n’a pas voulu mettre cela en place. Il y a des cas où seules des compagnies étrangères obtiennent un contrat, quand les projets sont financés par un pays particulier. Quand les prêts sont remboursés, c’est l’argent des contribuables qui est utilisé.

Les compagnies mauriciennes paient des taxes. Le gouvernement devrait s’assurer qu’elles soient parties prenantes de ces projets. Cela lui permettra d’avoir un bien meilleur contrôle sur le prix final. On espère que si le projet Jin Fei va de l’avant, les compagnies mauriciennes n’auront pas que des miettes.

Et le paiement de la compensation salariale pour le secteur du bâtiment ?

Le gouvernement prend une décision sans tenir compte de l’impact de cette compensation salariale sur la productivité et le prix de revient. Le gouvernement doit aller davantage dans le sens des négociations collectives, que ce soit par entreprise ou par secteur. Si une entreprise, après avoir discuté avec ses employés, arrive à la conclusion qu’elle ne peut pas payer, elle ne paie pas. Mais, si l’année d’ensuite, elle estime qu’elle a eu une meilleure croissance et quelle peut payer plus, elle le fait.

Pourquoi tabler sur un salaire minimal ? Si l’entreprise ne fait pas bien ou, au contraire qu’elle fait bien, les travailleurs sont perdants dans les deux cas. Les négociations collectives vont créer une situation dont tout le monde peut sortir gagnant. Si demain il y a une bonne croissance dans le secteur du bâtiment, la capacité de payer sera meilleure. Si on prend une moyenne, de 2000 à 2010, en termes de compensation salariale, il y a eu une augmentation de 7,1 % par an, alors que la productivité de la maind’oeuvre, elle, a été de 2,9 %. Il y a un mismatch. Dix ans de cela, un maçon posait 150 blocs de six pouces par jour aujourd’hui, il n’en pose pas plus de 75. La productivité a beaucoup baissé. Nous le ressentons sur le chantier.

La BACECA a-telle d’autres projets pour faire face à la situation dans le bâtiment ?

Nous comptons lancer une banque de construction, notre propre banque. L’idée a déjà germé et elle avance. C’est pour faciliter les prêts aux promoteurs et aller un peu plus vite. Cela peut être financé par des constructeurs eux-mêmes, et aussi par d’autres investisseurs privés.

Vous êtes le vice-président de la Fédération africaine des entrepreneurs du bâtiment. Quelles sont les opportunités en Afrique ?

La BACECA s’est affiliée à la Fédération africaine des constructeurs. Nous travaillons sur des contrats unifiés, pour que les Mauriciens puissent se préparer aussi à travailler en Afrique dans un proche avenir. Des contrats qui seront, en quelque sorte, les mêmes pour toute la région d’Afrique. Et où les barrières seront éliminées quant aux taxes, les droits de douanes, etc. Cela permettra à tout le monde de travailler n’importe où en Afrique. C’est une opportunité. Le marché mauricien est limité. C’est aussi une raison pour aller en Afrique.

Face au manque de formation dans le secteur, nous avons pris le taureau par les cornes et avons mis en place notre centre technique, avec l’appui financier du gouvernement. Nous sommes en train de former des maçons et des charpentiers. Un premier groupe de 35 personnes a été formé. Et nous en formons un deuxième de 35 personnes. D’ici la fi n de l’année, nous comptons former une autre centaine.

Propos recueillis par Alain BARBÉ